Au cours de son premier mandat à la tête de la ville de Carcassonne, le maire Raymond Chésa n'a qu'une idée : le développement économique et touristique de la capitale audoise. Il a entrepris dès les premiers mois de sa mandature toute une série de transformations urbaines à l'intérieur du centre-ville, dont les plus marquantes sont la semi-piétonnisation et la création de deux parkings souterrains. Désireux de s'attaquer en même temps à l'épineux problème de la circulation des véhicules à l'intérieur de la Cité médiévale, il demande aux services techniques de la ville de mettre en musique un projet qui lui trotte dans la tête depuis longtemps. Après l'échec de l'escroquerie Orta, le maire qui espère toujours récupérer les milliards de la société Espace International de Séjour, va tenter de lancer Carcassonne dans un projet pharaonique autant que polémique.
Le projet
Présenté une première fois sur le bureau des Monuments historiques où il y resta plusieurs mois, la "Pénétrante Saint-Nazaire" allait ressortir des cartons en 1988 à la faveur d'une demande complémentaire d'informations adressée à la ville.
Il s'agit du creusement d'une voie souterraine d'accès à l'intérieur de la Cité pour les véhicules des habitants, de secours, des hôtels, de livraisons. Ses dimensions : 4,5 mètres de large pour 3,5 mètres de hauteur. Elle partirait du chemin des Ourtets, passerait sous les lices à partir de la tour Cautières et ressortirait juste en face de l'entrée du Grand Théâtre de la Cité. Selon la ville, l'entrée ne serait visible qu'à l'extérieur du site et indique qu'une fois l'accord obtenu, le tunnel sera achevé en trois mois. C'était sans doute faire peu de cas de fouilles risquant d'immobiliser le chantier pendant de longs mois...
Quatre ans après...
Le projet revient à nouveau dans l'actualité au coeur de l'été encore plus fort, encore plus démesuré. Outre la construction du tunnel, il prévoit la transformation deux parkings aux abords de l'entrée de la Cité en souterrains. L'espace ainsi dégagé en surface pourra être utilisé pour diverses manifestations. À l'intérieur du site historique, les anciennes écoles seront entièrement rasées afin de laisser place à un parking souterrain de 350 places. Au-dessus, des commerces, une salle de congrès, un hôtel (2 étoiles), des appartements résidentiels, un office du tourisme... Il est prévu la démolition de maisons (aujourd'hui, restaurant Balthazar) afin d'agrandir la place du Plô. Il faut un second lieu d'animations à la place Marcou, entièrement saturée.
Le financement
Le maire indique que tout sera à la charge d'investisseurs privés. La ville se contentera de vendre les terrains, les promoteurs réaliseront les projet. Cela va modifier l'aspect des rues de la Cité et dégager des financements pour la rénovation des façades. "Nous ferons la chasse aux débordements des terrasses et aux enseignes intempestives", indique t-il par ailleurs. "Plus d'authenticité, plus de médiévalité" n'a t-il même pas peur d'affirmer au final. Un concours sera lancé prochainement...
Qu'a dit l'état ?
Par la voix de M. Pierre Mistral, conservateur de la Cité, il n'est pas tout à fait opposé au projet mais indique que l'entrée du tunnel devra s'éloigner des tours et être la moins visible possible. "Toutes les modifications envisagées passeront à la moulinette des commissions". M. Mistral ne voit pas d'objections à ce qu'on détruise les écoles, car Violet-le-duc a bien rasé les anciennes maisons des lices pour des raisons d'esthétique. Même son de cloche du côté de François Pellissier, l'architecte des bâtiments de France.
Le Conseil municipal
A l'automne 1992, ce projet est une première fois débattu en séance où l'opposition municipale par la voix d'Henri Garino montre les dents : "Vous voulez privatiser la Cité !" Chésa répond qu'il ne s'agit en l'état que de lancer un concours.
Note du blog
Ce projet ne sera jamais réalisé, malgré les avis plutôt favorable des commerçants de la Cité (MM. Solanille, Pueyo...). Si l'école de la Cité n'a rien de remarquable du point de vue architectural, qu'allait-on bâtir d'encore moins remarquable en lieu en place ? Il n'y a qu'à regarder ce qui a été construit durant la période au fond de la rue du grand puits, en dépit des règles d'esthétisme, pour s'en faire une idée précise... Plus grave encore, l'UNESCO, cinq années plus tard, n'aurait jamais accepté de classer la Cité comme patrimoine mondial.
Sources
L'indépendant / Mars 1988
La dépêche / 1992
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