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L'histoire du Grand café glacier, aujourd'hui disparu

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Fondé en 1920 par Antoine-Félix Miailhe, le Grand café glacier appartient à la liste déjà longue des établissements Carcassonnais qui ont aujourd'hui disparu. Une époque où les cafés étaient tenus par des patrons impliqués dans la vie associative et festive de la ville. On était limonadier de père en fils ; c'était une vraie profession représentée dans l'Aude par un puissant syndicat. Nous pourrions citer Not, Lapasset, Roldan, Miailhe, Calmet, Biscans, Lasserre, etc... Aujourd'hui, mis à part les cafés de la Comédie et Chez Félix, on peut dire qu'il n'existe plus guère de vrais héritiers de ces temps-là.

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La terrasse du Grand café glacier

Jusqu'en 1974, cet établissement se trouvait 6, boulevard commandant Roumens. Après sa fermeture, il fut rasé afin d'agrandir la clinique Delteil. C'est aujourd'hui, la maison de retraite Montmorency.

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Simone Pujol dans les bras de sa grand-mère en 1928

Simone Pujol - la fille du patron née en 1922 dans le café - évoque les concerts de l'harmonie municipale au kiosque à musique, juste en face de la terrasse.

"Tous les jeudis soir, pendant l'été, papa installait les chaises de la terrasse dans l'autre sens et tout le monde écoutait religieusement. Le marchand de cacahouètes passait de table en table, il y avait toute une ambiance. Même si, la nuit, toutes les épluchures attiraient les rats."

Quelques vingt mètres plus haut se trouvait le cinéma l'Eden (aujourd'hui, Maison des syndicats) 

"A l'entracte, les spectateurs se glissaient jusqu'au Glacier pour boire un chocolat au lait que mon père avait baptisé Félix. On ne dirait pas non plus un café mais un "masa".

Félix Miailhe ne faisait pas de distinction dans les années 1930 entre les clients Carcassonnais et les autres. Au moment des la guerre civile espagnole, les réfugiés prirent le café pour lieu de rassemblement. Tant et si bien qu'il fut nommé le café des Espagnols.

"Il n'y a pas qu'eux ! On a connu les Alsaciens-Lorrains, la justice Belge, les annamites et aussi les Résistants, pendant la guerre. Et jamais de bagarre, ni de problème. Tout le monde cohabitait en harmonie."

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Notons que si le Café Glacier fut le rendez-vous des réfugiés et des Résistants, le café Not (place Carnot) fut le rendez-vous des Miliciens et des membre du PPF. C'était surtout le siège des gros négociants en vins... Le populaire café Glacier accueillit les associations du club taurin, de l'USC XV, du Caméra-club, le club d'échecs. On se souviendra également de Pepito, garçon de café en 1965 et oncle de Robert et de Manu Pena. 

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Fête des forains au Café glacier en 1954

Lors des carnavals, c'est là que les Pandores et que les Bigophones Carcassonnais venaient pour la grande parade. Un brassage des idées et des cultures...

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Il ne reste plus rien du Grand café glacier

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Roger Hyvert (1901-1988), l'arpenteur du patrimoine culturel audois

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Le texte que nous avons choisi de vous présenter ci-dessous est une autobiographie de Roger Hyvert, écrite à la fin de sa vie et racontant les principales étapes de sa vie intime et professionnelle. Lorsque nous avons rédigé sur ce blog un article sur la société Docor-Grazailles, fondée par son père Georges, nous avons attiré l'attention de son petit-fils. Avec une extrême gentillesse, il nous a confié de précieux documents sur les activités des mines et de l'usine, propriétés de la famille Hyvert dans l'Aude. Sur mes conseils, Pascal Hyvert a fait don de cette masse documentaire aux Archives départementales de l'Aude. Qu'il en soit remercié.

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© SESA

Roger Hyvert

Né à Saint-Junien (Haute-Vienne) le 28 mars 1901, il faillit de ce fait être prénommé Gontran, en l'honneur du saint de ce jour, par une grand-mère abusive qui consentit toutefois à lui laisser les prénoms de son grand-père paternel Pierre et de son père Georges, encadrant celui de Roger, alors à la mode et qui devint son prénom usuel.

Quelques mois plus tard, le jeune Roger, né dans une vieille maison en haut de l'avenue de Limoges, posait la main sur la truelle de la première habitation de granit que le grand père maternel, Germain Faye, faisait édifier sur la même avenue, quelques centaines de mètres plus bas.

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© Pascal Hyvert

L'usine Hyvert avant l'incendie, rue Buffon

Dès lors, la jeunesse de Roger se partagea entre la vieille demeure branlante du Quai Riquet à Carcassonne (où par les nuits de tempête, le vent faisait craquer les poutres) et, pendant les vacances scolaires, dans l'agréable maison de St-Junien, bien chauffée l'hiver par une énorme chaudière, entourée d'un beau jardin, bien planté, entretenu par le vieux jardinier Beaumartin qui aimait rappeler les souvenirs de ses sept ans de service dans les cuirassiers (car il avait tiré le mauvais numéro) et qui, à l'occasion, se coiffait d'une casquette de cuir pour remplir l'office accessoire de cocher, attelant au break familial le vieux cheval "Bonhomme" (qui mourut âgé de 30 ans).

Dans ce décor, la solitude d'un fils unique ne pouvait être pesante, cependant tel n'était pas l'avis de la grand mère Faye qui s'ingéniait à faire venir des enfants du même âge pour jouer avec son Roger. Par exemple, Guy Rougier, petit-fils de Sylverine, soeur de Germain Faye, infortuné enfant d'une famille accablée par la misère et par l'ivrognerie du père et qui du moins, goûtait confortablement ces jours-là. Parfois, c'était le jeune d'Arcambal, d'une famille amie des écrivains Jérôme et Jean Tharaud qui venaient souvent dans ces parages, enfant qui scandalisait ses parents en prétendant avoir la vocation de cocher ; bon camarade de jeux ayant l'avantage supplémentaire de m'inviter parfois, à son tour, dans un splendide rendez-vous de chasse situé près de la route d'Angoulême, avec un des derniers chenil de chasse à coure restant encore dans le pays.

Le jeune Dedareuil venait plus souvent, pour la raison simple qu'il habitait tout près, en période de vacances comme moi, car son père professait, le reste du temps, à la Faculté de droit de Toulouse. C'était un enfant rieur, spirituel, qui apprit rapidement à dissimuler ses qualités pour se composer un visage rigide, car il devint juge d'instruction et procureur de la République. Quant au cousin Marc Bouneau, si j'ai beaucoup regretté qu'il fut victime de la guerre en 1915, mes jeux avec lui manquaient d'entrain, car il était plus âgé que moi de trois ans et l'éducation rigide de sa mère n'en avait pas fait un boute-en-train.

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© Pascal Hyvert

Roger Hyvert au lycée de Carcassonne en 1912, assis à l'extrême droite

Bachelier à 17 ans, on m'envoya à Louis-le-Grand en octobre 1918 pour préparer Centrale. Mon père tenait à effacer le souvenir de son échec au diplôme de sortie. J'y fus donc reçu, y passai deux ans et en sortis le 22 février 1922, âgé de 20 ans et quelques mois. Sursitaire, j'avais encore du temps devant moi et entrepris avec un camarade en voyage d'études en Alsace et en Rhénanie, pour penser ensuite à mon incorporation, retardée par une bénigne opération de hernie .

Le service militaire de 18 mois se divisa pour moi en trois périodes : six mois à la caserne Pelleport de Bordeaux, comme canonnier de 2e classe (car il n'y avait pas alors de loi sur la préparation militaire pour les grandes écoles), six mois à l'école d'E.O.R de Poitiers, après concours. Enfin, six mois comme lieutenant au 6e d'artillerie de Valence.

Après cet intermède obligatoire, il était temps de chercher une situation, même problème pour moi que pour mes camarades de promotion, à peu près insoluble malheureusement en raison de la crise économique et aussi pour que la promotion de rattrapage des étudiants qui avaient été mobilisés, avaient saturé le marché de l'emploi. Je me résignai donc à rester après de mes parents (qui ne demandaient pas mieux) et à aider mon père à la vente - de plus en plus difficile - de ses produits arsenicaux.

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Usine Docor, vue depuis la route de Villemoutaussou

Lors de mon mariage, en 1926, il parut cependant utile de trouver d'autres débouchés et la création d'un atelier de cannetilles perlières parut opportune, d'autant qu'elle convenait pour utiliser un grand local disponible au 2e étage, rue Buffon. Mais la mode évolua en défaveur de ce type de produit ; la concurrence en devint que plus vive, abaissant les prix de vente au niveau du prix de revient. Aussi fallut-il abandonner, et si le matériel eût pu être vendu, ce ne fut qu'après la guerre de 1945 lorsqu'une offre parvint, mais tout avait été détruit dans l'incendie de 1944 (NDLR, incendie du Quai Riquet).

Ayant peu de goût pour des activités commerciales, qu'il n'exerçait que dans les stricte mesure nécessaire pour l'entretien vital, Roger souhaitait se consacrer à d'autres sortes de travaux, mais fut peu encouragé dans cette voie. Par exemple, s'étant inscrit à la Faculté des Sciences de Toulouse pour préparer le diplôme d'ingénieur-docteur, il ne peut obtenir de son père les autorisations nécessaires pour préparer une thèse sur les métaux-carbonyles, sous prétexte que ces composés chimiques étaient toxiques et dangereux. Or, on sait que cette voie était fructueuse, puisque quelques années plus tard on en fit l'application aux composés de plomb antidétonants  - en voie d'abandon en 1971, précisément pour les dangers de pollution, mais après plus de 40 années d'emploi intensif.

Un travail, également d'ordre chimique, fut déposé à l'Académie des Sciences et publié par la Société d'etres Scientifiques de l'Aude, portant sur certains composés où la molécule organique est formée d'homologues du benzène (1924).

Ce n'est que bien plus tard que Roger commença de s'intéresser à l'archéologie, publiant vers 1928 une étude sur St-Bertrand de Comminges, puis sur d'autres moins poussées, sur Minerve et d'autres sites et monuments de la région.

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© Pascal Hyvert

Roger Hyvert sur le plateau de Grazailles

Après 1940, l'arrêt quasi-total de la production commerciale lui laissant de longs loisirs, Roger fréquenta assidument les archives départementales de l'Aude, dressant un répertoire des documents non classés de la série C, trouvés par lui dans un effroyable désordre, consécutif aux déménagements subis par suite de la reconstruction des locaux. Constatant l'intérêt des compoix (NDLR, plans cadastraux) terriers pour l'étude de l'histoire économique et agricole, il dépouilla spécialement la collection de compoix de Lavalette, dont la suite remarquable permet de reconstituer complètement l'évolution des cultures et du morcellement des propriétés du XVIe au XVIIe siècle.

Un travail plus étendu premit ensuite d'établir un bilan des diverses mesures utilisées dans l'Aude. Cette synthèse parut en deux fois dans le bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude, mais les circonstances du moment ne permirent pas l'exécution de tirages à part.

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Entrée de La Boussole en 1936

(Bonnet, Roger Hyvert, Esparseil)

Vers le même temps, Roger écrivit le chapitre "Corbières" du guide touristique Privat. Sur le plan minier, il écrivit une étude stratigraphique sur le gisement de "La Boussole-Maisons", portant notamment sur la structure et la disposition des failles et diabases, expliquant ou tâchant d'expliquer l'origine spéciale et complexe de cet ensemble de gîtes minéraux.

Un inventaire sommaire des documents d'archives concernant les guerres religieuses du XVIe siècle dans l'Aude, occupa les loisirs résiduels, interrompus par le sinistre d'août 1944 qui, supprimant les ressources des loyers, fit rechercher d'urgence une activité rémunératrice. Il s'en présenta deux, chacune d'elles insuffisante pour vivre, mais y convenant simultanément, du fait qu'elles laissaient beaucoup de temps de libre. L'une était l'inspection, au sein du service des examens du permis de conduire, travail rémunéré (faiblement alors) à la vacation, représentant environ 8 à 10 jours effectifs par mois. L'autre activité, celle de délégué au recensement des monuments anciens, présentait beaucoup plus d'attrait, mais pour une mensualité dérisoire, exigeant cependant - en principe - 200 heures de travail par mois. En bonne forme physique, Roger put cumuler l'une et l'autre tout en satisfaisant chaud de ses employeurs, non sans y passer de longues veillées, surtout en fin de mois à l'époque des rapports ou comptes-rendus périodiques.

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Après l'incendie de 1944, des appartements ont été reconstruits sur l'usine

Cela cependant ne pouvait durer, surtout après que des attributions sans alourdies eussent rendu ce cumul absolument intolérable ; ce point de rupture fut atteint en 1964 et, déclinant alors les offres faites par les Monuments historiques pour une amélioration de sa situation, Roger abandonna pour se consacrer à la situation de Contrôleur général du service des examens, signifiant sa présence permanente à Paris, d'où son déménagement dans le XVe arrondissement.

Au sein de cet organisme, il eut à s'occuper - indépendamment de ses attributions habituelles - du secrétariat de la commission internationale des examens automobiles (CIECA), rédigeant tous les comptes-rendus des séances tenues à Paris, Cologne, Munich, La Haye, Ostende, Londres, Naples, Séville, Montreux ; tout en ayant à se poser, sur la plan technique, la position du service français et à élaborer les projets d'amélioration des examens.

Sur le plan littéraire, Roger avait trouvé le temps de rédiger en 1964, plusieurs certains articles qui lui avaient été demandés par Robert Laffon pour le tome Languedoc du dictionnaire des églises de France (offert plus tard à la bibliothèque Vaticane), et vers la même époque quelques articles pour la Revue des Monuments historiques Français : "Ephémérides lapidaires" et surtout "Métrologie des églises romanes du Languedoc" ; travail très poussé sur les mesures de ces monuments, exprimés en unités locales anciennes et permettant d'y reconnaître des affinités, jusque-là inaperçues. Une étude sur la "dissémination de l'art flamboyant en Languedoc" avait d'autre part été publié par le bulletin Monumental.

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Surmené par son travail de Contrôleur général, Roger ne put s'adonner à une nouvelle oeuvre qu'en mai 1971 (alors qu'il était en retraite depuis 14 mois), éditant à ses frais un recueil de documents sur le siège de Paris (lettres par ballon monté), l'affaire de Buzenval (dépêches échangées pendant la bataille du 19 janvier 1871) et la commune, plaquette qui revint peut-être cher pour une vente incertaine, mais que son auteur considérait comme un devoir de publier à la mémoire de son grand-père. Indiquons ici, ce qui ne l'a pas été dans cette plaquette, que l'auteur de la lettre racontant en quatre pages serrées la bataille de Buzenval, était Louis Laylavoix, descendant d'une soeur de Pierre Hyvert. Les Laylavoix étant une famille notable de Rochechouart (H-V).

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La tombe de Roger Hyvert au cimetière St-Vincent

Là, s'arrête le récit autobiographique de celui qui fut le Président de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude. Chevalier de la légion d'honneur, chevalier du mérite agricole, Officier des Palmes académiques et Croix des Services militaires volontaires. Inutile de préciser - cela va de soit - qu'aucune rue de Carcassonne ne porte son nom.

Mon article sur l'usine Docor

http://musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant.com/archive/2016/02/24/la-societe-de-produits-chimiques-docor-grazaille-fondee-par-217672.html

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Louis Bosc, ce Carcassonnais qui libéra Paris en août 1944

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Louis, François Bosc est né à Carcassonne le 7 juin 1901 de Pierre Marcel Bosc et de Louise Marguerite Sirvent. Après ses études primaires et secondaires au lycée de Carcassonne, dans la même classe que celle de Roger Hyvert, Louis Bosc souhaita embrasser une carrière militaire.

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Sur cette photo de 1912, il se trouve assis au second rand (2e à gauche)

Elève brillant, il s'engage pour 8 ans le 1er octobre 1920 à l'Ecole polytechnique. Affecté au camp de Mailly du 1er au 20 août 1921 pour un stage d'instruction, il est promu sous-lieutenant un an plus tard. Après l'école militaire du génie, il se retrouve au 17e régiment du génie de Strasbourg comme lieutenant, puis capitaine le 1er octobre 1930. Louis Bosc fait l'Ecole de guerre en 1935 avant le déclenchement des hostilités avec l'Allemagne nazie. Le 18 janvier 1940, il occupe une place importante à l'Etat-Major du général commandant en chef au front Nord-Est. Chef de bataillon en 1941, il soutient ensuite la Résistance au sein de l'Armée de Vichy l'année suivante. Il est commande la section E du 3e bureau de l'Etat-Major de l'Armée de Vichy du général Jean Touzet du Vigier. Il est ensuite mis en congé d'armistice le 29 janvier 1943 et se retire à Vichy, 2 rue Bintot.

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Dès 1942, Louis Bosc rejoint les réseaux de Résistance de la zone sud. En région parisienne, il est Commandant de Cité de Paris et prend une part active à sa Libération au mois d'août 1944. Il s'engage ensuite dans la Première armée du maréchal Juin, au sein de la 5e division blindée pour la campagne d'Alsace. Il s'est particulièrement distingué au cours de l'attaque du pont d'Aspach des 29 novembre et 6 décembre 1944, en se portant en première ligne sous le feu de l'ennemi afin de permettre la construction d'un pont Bailey. Le lieutenant-colonel Bosc ainsi promu le 25 mars 1945 commande la 14e division des troupes d'occupation en Allemagne. En juillet 1946, il commande le 19e génie à Hussien-Dey (Algérie).

Louis, François Bosc mourra à Nice le 20 décembre 1942

Médailles 

Citation à l'ordre de l'armée

Croix de guerre avec palme

Chevalier de la légion d'honneur

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Les "Jazz Landers"

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Le vieux Hot club carcassonnais fondé avant guerre par Jean Osmont sommeillait depuis trop longtemps, quand cinq cinglés de swing fondèrent les "Jazz Landers": Roger Alonso (Saxophone), Michel Sauret (Trombone), Robert Rivals (Contrebasse), André Malacan (Trompette), Jean-Pierre Carayol (Batterie). Parmi eux, seul le Dr Malacan avait connu les grandes heures du Hot club dont il fut une des chevilles ouvrières, au temps du cabaret "Le congo" dans la rue de l'Aigle d'or. L'amalgame entre l'héritage New Orleans et le Be-bop de Charlie Parker allait donner au groupe loin des querelles passées, un formidable élan d'amitié et de respect mutuel.

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Les "Jazz Landers" se revendiquèrent comme des ruraux, provinciaux occitans comme le mot anglais "Lander" semble le signifier. Le jazz qui est né dans les champs de coton de la Louisiane ne saurait les contredire. C'est un art musical populaire dont l'essence est le swing, rythme ternaire sur lequel s'articule autour d'un thème de départ, l'imagination mélodique (Chorus) de l'instrumentiste. Contrairement à la musique classique où tout est écrit à l'avance, là, souvent les meilleurs jazzmen ne savaient pas lire la musique. Mais quel feu d'artifice mélodique, rythmique et harmonique !

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Les répétitions se tenaient à Villalbe dans la grange de Michel Sauret, agriculteur le jour et bluesman la nuit. Le hameau de Carcassonne aurait-il pu avoir le même destin que le festival "Jazz in Marciac"? Qui sait... le jazz n'a pas besoin de salles rutilantes pour s'exprimer. Ainsi nous retrouverons nos amis au café de la Comédie tous les mois à partir du début des années 1970. L'établissement géré par Gérard Baux en face du théâtre municipal fera ses choux gras à chaque concert. Imaginez, 200 personnes coincées sur des chaises, tables ou parterre essayant de se balancer sur "Tiger Rag", "Muskat Rumble" ou "Nuages" de Django Reinhardt. Il y avait aussi des compositions personnelles comme "Alonso Blues" de l'excellent Roger au sax soprano. Un soir se joignit à eux dans un boeuf endiablé, l'ami René Coll qui passait par là.
 
 
Photo 1:Guy Lafitte, Roger Alonso, André Malacan
Photo 2:Michel Sauret, Guy Lafitte, André Malacan, Roger Alonso
 
Merci beaucoup à Roger Alonso d'avoir mis ses souvenirs à ma disposition
 
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La Maison de la presse : une histoire d'amour avec Carcassonne

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Depuis 1981, la famille Bastouil préside aux destinées de ce commerce situé en haut de la rue Georges Clémenceau. C'est au moment de la retraite de M. et Mme Georges Navarre que les parents de Nathalie Bastouil - l'actuelle propriétaire - ont repris cette affaire et sont venus s'installer à Carcassonne. Les époux Navarre avaient pris la Maison de la presse le 1er août 1972 après le départ de M. et Mme Lartigues. Ils s'occupaient également du dépôt central de presse de la rue Prosper Montagné, chargé d'alimenter chaque jour les 32 sous-dépôts du Carcassonnais soit 2 tonnes de papier.

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La Maison de la presse dans les années 1980

Henriette Navarre avait toujours vécu dans le papier puisque ces parents étaient déjà dépositaires de presse à Montauban, dans les années 1920. Assez curieusement, M. et Mme Bastouil avaient repris en main l'affaire des Navarre à Saint-Gaudens le 1er août 1972, le même jour où les Navarre s'installaient à Carcassonne. En fait, les Bastouil sont des Narbonnais de retour au pays, avec leurs trois enfants : Jean-Pierre, Nathalie et Sophie.

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M. et Mme Bastouil et les époux Navarre en 1981

Aujourd'hui, Nathalie Bastouil poursuit l'aventure de ses parents. La presse ne se vendant plus comme autrefois, elle a été contrainte pour survivre, de moderniser et diversifier son commerce. Il y a trois ans, Nathalie s'est mise à vendre du tabac. Bien plus qu'un simple dépositaire de presse, ce commerce offre un choix conséquent d'ouvrages sur l'histoire locale. Et toujours avec le dévouement de Nathalie...

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La Maison de la presse

76, rue G. Clémenceau

11000 Carcassonne

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Raymond de Mostuéjouls (1275-1335), évêque de Saint-Papoul et cardinal

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Raymond de Mostuéjouls naît au château de Mostuéjouls, dominant la vallée du Tarn, aux limites du Rouergue et du Gévaudan vers 1275, de Richard de Mostuéjouls, chevalier, et de Guillemette, son épouse. Sa famille est fort ancienne, fort riche et fort puissante aussi.

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Raymond de Montuéjouls

Une partie de la jeunesse de Raymond de Montuéjouls se passe au château familial avec Guillaume, son frère aîné et futur Sénéchal des Comtés de Rodez qui signera en 1303 l'acte d'adhésion des barons à l'appel du roi Philippe le Bel contre les entreprises du pape Boniface VIII, de ses soeurs, Guise, Fine et Wassadelle enfin qui épousera le chevalier de Lordet de Chirac et dont l'un des fils, Albert, sera évêque de Mende de 1331 à 1336.

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De gueule à la croix fleurdélisée d'or, cantonnée de quatre billètes de même.

Raymond de Montuéjouls a une dizaine d'année lorsque meurt son père. L'éducation du jeune orphelin est assumée par sa mère que les contemporains peignent comme une femme très intelligente. Très tôt, il part pour l'abbaye de Gellone (Saint-Guilhem-le désert) où son oncle Guillaume est abbé depuis 1289. Là, il va vraisemblablement effectuer ses études secondaires. On ne sait où il va poursuivre ses études supérieures, mais nous savons qu'à 25 ans à peine il peut coiffer le bonnet carré de Docteur en décrets. Il retourne alors à Saint-Guilhem-le désert, le puissant monastère que le pape Alexandre II vient d'ériger en abbaye avec juridiction épiscopale sur deux paroisses et sur le reste de la vallée de Gellone, qui ne dépendront dès lors que du Saint-Siège. Là, c'est son oncle l'abbé qui lui confère la tonsure monacale en 1301. Deux ans plus tard, à la mort de ce dernier, la communauté se divise à propos de l'élection de son nouveau supérieur. Pour sortir de l'impasse un compromis est trouvé : deux ou trois religieux, élus comme grands électeurs désigneront le futur abbé. Au nombre d'entre eux, Raymond est choisi malgré son jeune âge et son peu d'ancienneté monacale.

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Jean XXII

Peu de temps après, il est nommé camérier, poste très important car il faut à ce poste administrer tout le temporel du monastère. Les solides qualités dont il fait preuve lui valent d'être nommé prieur de Saint-Martin-de-Londres (Diocèse de Maguelone) qui dépendait de Saint-Guilhem-le désert. Six ans plus tard, en juillet 1316, il est élu abbé de Saint-Thibéry où il arrive au mois de juillet. Le 7 août, le cardinal Jacques Duèze dont il est le chapelain est élu pape et prend le nom de Jean XXII. Dès lors, le destin du jeune abbé va être lié à celui du nouveau pontife et à peine a t-il le temps de prêter serment de fidélité et d'obéissance au roi le 30 avril 1317, que le pape le nomme évêque de Saint-Flour ; évêché qu'il vient de créer avec plusieurs autres au nombre desquels Saint-Papoul.

Peu après son intronisation, Raymond de Montuéjouls reçoit une mission diplomatique importante. Jean XXII le nomme Nonce apostolique et lui adjoint un autre Rouergat, Béranger de Landorre, Maître général des Dominicains. Le but de leur mission est très ambitieux : arriver à calmer l'un des plus grands féodaux de ce temps, le bouillant Robert d'Artois et son allié du moment, le puissant comte des Flandres, tous deux en révolte contre le roi Philippe le Long. les troubles que les deux complices entretenaient en Artois, Picardie et Flandres mettaient le royaume en difficulté et rendaient impossible le projet royal d'une nouvelle croisade en terre sainte. 

En 1318, Raymond reçoit une nouvelle mission capitale pour l'avenir de l'église. En effet, depuis de nombreuses années, les propositions théologiques de Jean Olive († 1297 à Béziers) que continuent de soutenir plusieurs membres de son ordre, celui des Frères Mineurs, empoisonnent le débat ecclésiastique. Jean XXII comme alors une commission de 12 docteurs pour juger ces thèses. C'est Raymond de Montuéjouls qui prononce la sentence qui condamne avec force ces propositions comme hérétiques et par ordre du pape, les livres de Jean Olive seront brûlés en place publique. Au service du Saint Siège, Raymond n'en est pas moins évêque de Saint-Flour, et le jeune diocèse se doit d'être administré avec rigueur : accaparé, le prélat délègue ses pouvoirs et il nomme deux vicaires généraux pour l'administration spirituelle de son diocèse et établit quelques offices pour le temporel.

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Evêque de Saint-Papoul

Le 22 avril 1319, Raymond de Montuéjouls est transféré à Saint-Papoul où le siège est vacant depuis 16 mois. Pendant cette très longue vacance, c'est Arnaud Amiel, aumônier du chapitre de Saint-Papoul qui a administré le diocèse. A l'arrivée du titulaire du siège, Arnaud est nommé par le pape, abbé de Psalmodi. Plusieurs raisons peuvent expliquer la nomination de l'évêque de Saint-Papoul. 

- La ville épiscopale et le Lauragais sont plus proches de la Cour d'Avignon que Saint-Flour et l'Auvergne.

- Le peu d'étendue du diocèse exigerait moins de présence du jeune prélat qui pourrait travailler plus souvent à Avignon.

- Bien que petit, le diocèse procurait néanmoins à son titulaire 22000 livres de revenus au lieu de 12000 à Saint-Flour.

De plus, et c'est une constance de la politique pontificale, Jean XXII tenait à ce que ce soit un évêque d'origine bénédictine qui soit nommé là où il y avait un chapitre cathédral bénédictin.

En 1320, Raymond prend consciences de la nécessité de transformer dans les faits ce qui l'avait été dans le droit, pour que l'ancien chapitre abbatial érigé en chapitre cathédral remplisse correctement son rôle. Pour cela, il rédige avec le prieur claustral des statuts remarquablement précis, dans lesquels il définit le rôle de chacun. Ces statuts prévoyaient aussi que pendant quatre ans, les prébendes de trois dignitaires seraient suspendues pour faire face aux dépenses des nouveaux bâtiments (probablement l'aménagement du coeur et la construction de la salle capitulaire effectués sous l'épiscopat de Bernard 1er de la Tour).

A peine trois mois après sa nomination à Saint-Papoul, Raymond de Montuéjouls est nommé par le pape avec jean de Comminges, archevêque de Toulouse, et Jacques Fournier, évêque de Pamiers, membre du tribunal chargé de juges les spirituels. Cette affaire, tant religieuse que politique, va passionner le midi de la France. En effet, l'ordre de Frères Mineurs est secoué par de violentes disputes qu'animent Michel de Césène, général de l'ordre et Guillaume Ockam, provincial de Bavière, au sujet d'une interprétation de la règle contaire à celle des papes Nicolas II et Clément V, portant sur la notion de propriété individuelle ou collective des ordres Mendiants, et repoussant la pauvreté dans ses extrêmes limites. Le pape craint que sur ce débat, toute l'église se divise. Le principal foyer de l'agitation est à Carcassonne où l'inquisiteur tente un retour au calme, mais où une violente campagne d'attaques et d'injures se développe contre lui. Les passions politiques s'en mêlent, le retentissement dans la population est très grand. Un homme échauffe les esprits par ses prêches enflammés dans la ville et la région, le frère Bernard Délicieux.

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Bernard délicieux délivre les emmurés de Carcassonne

A la fois, l'église et l'état lui reprochent :

- De s'attaquer à l'Inquisiteur, mais surtout à l'Inquisition

- D'essayer de détacher la région du pouvoir royal avec la complicité des Carcassonnais, du Syndic d'Albi et des habitants d'autres villes (Cordes).

- De tenter de faire passer ces régions sous la tutelle de l'Infant du Royaume de Majorque.

Ni l'église, ni la monarchie ne pouvaient tolérer de tels troubles dans deux zones aussi sensibles historiquement que le Carcassès et l'Albigeois où l'hérésie Cathare pour l'une, et rattachement à la couronne pour l'autre avaient laissé des souvenirs encore récents, présents dans les esprits et dans les coeurs. La répression va être féroce.

En août 1319, les trois juges se réunissent à Castelnaudary. Un mois plus tard, Jean de Comminges se démet de ses fonctions. L'instruction du procès va continuer cependant, mais à Carcassonne même. Prudents, l'évêque de Saint-Papoul et celui de Pamiers vont s'entourer d'une commission de grands juristes tant l'affaire est délicate. C'est le 8 décembre 1319 que Raymond de Mostuéjouls et Jacques Fournier rendent leur verdict :

Bernard Délicieux est condamné à être déposé et dégradé le jour-même. Il sera ensuite emprisonné à perpétuité, enchaîné, mis au pain et à l'eau, suivant sa conduite, sa peine pourra être allégée. C'est devant une foule considérable qu'a lieu sa dégradation sacerdotale. Le lendemain, il est emprisonné au Mur étroit entre la Cité et l'Aude.

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© Musée des Augustins

L'agitateur du Languedoc / J-P Laurens / Toulouse

Le roi Philippe le Long est dépité : il écrit aux deux évêques en terme polis, certes, mais fermes, estimant que la justice ecclésiastique après avoir dépossédé le condamné du sacerdoce, aurait du le livrer au pouvoir royal (qui l'aurait condamné à mort). Le pape aussi leur fait connaître son sentiment mais demande que Bernard Délicieux ne soit plus revêtu de l'habit de son ordre et que sa peine ne soit pas assouplie.

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© Dominique Baudreu

Vestiges de la prison (Mur) à Carcassonne

Dans cette affaire au retentissement national où tant d'intérêts étaient en jeu, les deux prélats s'en tièdement avec beaucoup d'honneur tant par leur esprit d'indépendance que par leur sciences juridique.

La dernière manifestation de l'Inquisition va se dérouler à Toulouse en septembre de la même année, et le diocèse de Saint-Papoul y est concerné car certains accusés sont du Lauragais. Un grand procès public s'ouvre donc à la cathédrale de Saint-Etienne sous la présidence du Dominicain Bernard Guidonis, grand pourfendeur d'hérétiques, relaps, juifs, etc... Raymond de Mostuéjouls doit siéger à ce tribunal, mais pris par sa mission à Carcassonne, ne peut s'y rendre et délègue ses pouvoirs au Grand Inquisiteur. Le procès s'ouvre en présence d'une foule considérable et les représentants du pouvoir civil, sénéchal, Grand viguier, Juges royaux sont au premier rang. Les 56 prisonniers originaires des diocèses de Saint-Papoul, Toulouse, Cahors et Montauban adjurent tous, mais vont être très différemment condamnés. Neuf sortes de peines vont être prononcées :

- La privation de tout office public et l'obligation de porter deux larges croix jaunes sur leurs vêtements.

- L'obligation d'effectuer un pèlerinage mais sans porter la croix.

- Le pèlerinage en portant la croix en des lieux très divers (Limoges, Vauvert, Le Puy, Rocamadour, Saint-Denis, Chartres ou Montmajour, etc...)

- La condamnation à la prison perpétuelle 

Confiscation des biens pour neuf personnes

- Exhumation des restes d'un mort (mais sans brûler les ossements)

- Exhumation des corps d'un homme et d'une femme qui seront brûlés

- Quatorze personnes condamnées par contumace à être brûlées vives 

- Quatre personnes dont un prêtre hérétique seront brûlées vives

L'année 1320 commence pour l'évêque par l'arrestation puis l'extradition vers Pamiers, à la demande de l'évêque de la ville, Jacques Fournier, de deux suspects accusés d'hérésie. Les deux fugitifs - Béatrice de Planissoles et un prêtre d'origine espagnole, Barthélémy Amilhac, vicaire à Mézerville - seront arrêtés au Mas-Sainte-Puelles puis jugés à Pamiers.

Dans la gestion de son diocèse Lauragais, Raymond de Mostuéjouls, se rend compte que le chapitre cathédral de Saint-Papoul avait des revenus insuffisants pour remplir correctement son rôle. En homme pratique, il décide de leur adjoindre ceux du prieuré de Montferrand dont lui seul avait la pleine collation.

Notes

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Benoît XII

Raymond de Mostuéjouls est créé cardinal par le pape Jean XXII le 12 décembre 1327 à l'âge de 52 ans. Il mourra le 12 novembre 1335 à Avignon. Jacques Fournier, évêque de Pamiers, deviendra en 1334 le pape Benoît XII. Bernard Délicieux mourra très peu de temps après son emprisonnement en 1320.

Merci à M. Julian Charles - descendant de Raymond de Mostuéjouls - pour sa communication.

Sources

Histoire générale du Languedoc

Gallia Christiana

Guide du visiteur de Saint-Papoul / Jean Blanc

Hennet de Bernonville-Mélanges / Evêché de St-Papoul

Un cardinal Rouergat / L. Garriguet-Carrière / Rodez 1924

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L'histoire du jardin Pierre et Maria Sire, au pied du Pont vieux

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Sur ce terrain situé au pied du Pont vieux et à l'entrée des vieux faubourgs de la Trivalle et de la Barbacane, se trouvait autrefois des étendoirs. C'est là que l'usine Farge qui occupait l'ancienne manufacture royale de la Trivalle, faisait sécher les draps et chiffons.

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Les casemates allemandes en 1944

Quand Carcassonne fut occupée par les Allemands à partir de novembre 1942, les entreprises réquisitionnées construisirent à cet endroit des casemates et des blockhaus. Cette zone était rigoureusement interdite aux civils et constituait un point stratégique pour la défense Allemande. A la Libération, l'ensemble de ces constructions militaires furent détruites et le terrain retrouva son aspect d'origine.

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Le futur jardin Pierre Sire en 1945

Dans sa séance du 30 janvier 1947, le conseil municipal de Carcassonne dirigé par le Dr Henri Gout décide d'honorer la mémoire de Pierre Sire (1890-1945). Il est prévu sur ce terrain la construction d'un jardin qui portera le nom de cet écrivain et poète Audois, prématurément décédé. Une partie de ces terrains avait acquise en 1937, l'autre partie le fut en 1945.

Nous avons déjà écrit un article sur Pierre Sire, que vous pouvez consulter ci-dessous.

http://musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant.com/archive/2016/11/29/pierre-sire-222666.html

En mai 1950, la ville présente le projet d'aménagement paysager réalisé par l'architecte parisien M. Brice. Depuis un certain temps, l'emplacement des pelouses avait été bêché, ratissé et le gazon semé. Selon, les plans de l'architecte des arbres ont été plantés et dispenseront ombre et fraîcheur, les murettes du pourtour édifiées et des bancs complèteront bientôt l'ensemble. 

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Le jardin Pierre Sire dessiné par M. Graza en 1950

Ce nouveau jardin sera inauguré le jeudi 22 juin 1950 par Marcel Itard-Longueville - maire de Carcassonne. On notera la présence de Maria Sire - épouse de Pierre Sire - et de M. Bruguier , sénateur du Gard et ami de la famille. René Nelli dans son allocution retracera les grandes lignes de la vie du poète. 

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Monument à Pierre Sire

Le samedi 7 juillet 1951 à 18h, une foule importante s'était massée dans le jardin Pierre Sire pour l'inauguration du monument lui rendant hommage. Le médaillon à l'effigie du poète avait été réalisé par le sculpteur Paul Manaut. On notait les présences à cette manifestation de MM. Picard (Préfet de l'Aude), Francis Vals (Député et ancien Résistant), Georges Guille (Député), Jules Fil et Philippine Crouzat (Adjoints au maire), Henri Gout (ancien député), Noubel (Conseiller général), Laurens (Inspecteur d'Académie), Vidal (Proviseur du lycée), Sirven (Directeur du petit lycée), Blaquière (Archiviste départemental), Vincent Jordy et Louis Amiel (ancien adjoints au maire). Les membres des Associations des prisonniers de guerre et de la Résistance. L'association des Amis de Pierre Sire au rang desquels René Nelli, Patau, Chaussade, Llobet, Abadie, etc...

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Régine Tort, Henri Tort-Nouguès et Raymond Chésa

Le Vendredi 20 septembre 1985, le maire Raymond Chésa inaugurait le médaillon à l'effigie de Maria Sire sur le monument qui jusque-là ne possédait que celui de son époux. En préambule, Henri Tort-Nouguès - neveu des Sire - ne pouvait s'empêcher de parler de l'émotion qui l'étreignait à l'heure où, après de longues années d'attente, on allait, enfin honorer ses "parents". 

"Ceux qui me connaissent, savent que je dois à mon oncle et à ma tante tout ce qui fait ma richesse..."

M. Henri Tort-Nouguès - ancien Grand maître de la Grande loge de France - remerciait Raymond Chésa d'avoir, voulu honorer deux enseignants qui consacrèrent leur vie à l'éducation des enfants et à l'enrichissement de notre langue et de notre spiritualité.

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Pierre et Maria Sire

Raymond Chésa commençait son discours par :

"Erckmann et Chatrian ont rempli de gloire l'est de la France. Nous sommes, nous, méridionaux, heureux de pouvoir rappeler en ce jour qu'un couple d'instituteurs audois, au-delà de son enseignement fondé sur le respect de chacun, a su enrichir notre patrimoine culturel en publiant sous la même signature une oeuvre imposante dans la grande tradition de nos écrivains régionalistes : "L'homme à la poupée", "Le Clamadou", "Marthe et le village" pour ne citer que quelques titres, n'ont rien à envier aux livres d'un Ramuz, d'un Pourrat ou d'un Giono qui, pour ce dernier, comme Pierre et Maria Sire, était instituteur.

Le foyer intellectuel qu'ils créèrent sans la recherche d'une quelconque notoriété brûla de ce feu dévorant qu'alimentèrent si longtemps les familiers du couple : Jean Camp, Claude-Louis Estève, Ferdinand Alquié, René Nelli et Joë Bousquet, cohorte impressionnante, cortège lumineux que ces apôtres de l'esprit et des mots."

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L'assistance et les élus

Parlant ensuite des "grands principes" qui guidèrent la vie de Pierre et Maria Sire, le maire se laissait aller à un long pensum sur la laïcité en général et sur Jules Ferry en particulier : "Particulièrement respectueux de la conscience religieuse et partisan de la plus large liberté sous réserve des droits de l'état." Raymond Chéa termina son discours par cette phrase...

"Quelle chance d'avoir pour Carcassonne un tel homme, adversaire du sectarisme et militant de la vérité."

Sources

La dépêche / 22 septembre 1985

La dépêche / Mai 1950

L'indépendant / 23 juin 1950

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L'inauguration de la plaque en hommage à Pierre Sire dans la Cité

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Dans la Cité de Carcassonne, ont peut apercevoir une plaque sur la façade d'une maison de la rue Porte d'Aude. Cette maison appartient à Madame Sylvie David, la fille de M.Henri Tort-Nouguès descendant des écrivains Pierre et Maria Sire. 

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Cette plaque a été apposée en 1978 afin de remplacer la précédente, qui ne mentionnait pas le nom de Maria Sire. Et pour cause... C'est le 24 octobre 1948 qu'un hommage est rendu à Pierre Sire († 1945) par ses amis, la famille et les Carcassonnais en présence de Jean Lebrau, René Nelli, Ferdinand Alquié, Henri Tort-Nouguès. Une première plaque est ainsi dévoilée.

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Ce jour-là le poète Jean Lebrau (1891-1983) prononça un discours, que nous avons la chance de pouvoir vous communiquer. Quel trou culturel avons-nous creusé dans ce département depuis la morts de ces intellectuels audois, à tel point que l'on préfère désormais valoriser ceux qui nous sont étrangers.

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Jean Lebrau pendant son discours

J'apporte à la mémoire de Pierre Sire avec l'hommage très ému de mon amitié, celui de la Société des Gens de Lettres.

Et le vent aux cyprès des collines lointaines

Portait le noir secret des songes de la mer...

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Ces deux vers de Pierre Sire pourraient servir d'épigraphe à son oeuvre et à sa vie inséparable de son oeuvre, de l'oeuvre de Pierre et Maria Sire. Le vent, les cyprès, les collines, la mer, tout y est, mais aussi le noir secret qui était peut-être pressentiment d'une trop prompte destinée, ou, plus systématiquement encore, le secret auquel Joë Bousquet obéit lui aussi quand il parle du "Midi noir", noir à force de lumière, secret sous les paroles dont on peut bien lui faire renommée tapageuse sans forcer les retraites où des êtres comme Pierre Sire, ne cessent pas de faire oraison.

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Ses paroles notre ami ne les dispersait point au vent. Mais une telle réserve ne pouvait éloigner que les indignes et c'est bien ce qui tout d'abord attirait chez lui pour retenir sans retour. Elle est dans l'oeuvre comme elle était dans l'homme et il n'est pas surprenant qu'un îlot des étangs septimaniens ait inspiré à Pierre et Maria Sire, le très beau livre pour lequel des amis avaient souhaité et auraient obtenu le Grand Prix de prose que l'Académie des Jeux Floraux décerne rarement dans on intégralité, si une main d'ombre, un fiel anonyme n'avaient fait échouer ce juste projet. Basile hélas... a toujours raison même contre l'évidence. Cette ombre de l'envie ne pouvait atteindre Pierre Sire mais les amis qui voulaient pour le livre, le laurier toulousain n'ont pas perdu le goût de ce fiel. "Le Clamadou" n'en pas moins intégré au paysage littéraire français, si l'on peut dire, cette côte où le ciel, la terre, les eaux recomposent sans cesse un mirage qui n'est jamais le même un seul instant ; Moréas aimait ces étangs, et disait avec sa superbe coutumière : Je les ai chantés dans "les stances"...

Bien qu'ainsi tu te couronnes

D'une écume au goût amer,

Etang, qui, pâle, frissonnes,

Tu n'es pas encore à la mer.

 

Non, c'est la ligne menue

De ce sombre azur là-bas

Qui mon âme a seule émue,

Mes yeux ne la quittent pas

 

Ils dévorent la distance

Mes yeux, coureurs sans repos, 

 Mais mon amour les devance

Et se mêle avec les flots.

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On ne peut désormais traverser cette étrange région, d'une miroitante mélancolie, sans penser au "Clamadou" et voilà pourquoi il n'eût pas été superflu d'attirer sur ce livre, au lent et sûr cheminement d'ailleurs, l'attention d'un plus large public par une distinction académique. 

A propos de Paul Lacombe, dont la musique est elle aussi inséparable de nos paysages, François-Paul Alibert écrivait un jour : Il n'y a pas plus de musiciens régionalistes que de peintres ou poètes régionalistes ; les artistes qui s'en réclament n'ont jamais rien compris à la réciproque inclusion du particulier et de l'universel. Où que ce soit, un buisson de roses, une treille en fleur, un ruisseau qui murmure, une nuit d'étoiles, un chant de rossignol ne sont point d'ici ou de là, mais de partout et de toujours, et suffisent, quelle que soit la langue où l'on s'exprime, de la plus simple à la plus savante, à vous faire découvrir les subtiles relations, les secrètes correspondances qui se nouent et se dénouent entre toutes les beautés de l'univers sensible et spirituel. 

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Mais, une autre fois, parlant à Perpignan de Déodat de Séverac, que tant d'affinités rapprochent à Pierre Sire, disait : Cette expression, ce rythme qu'il puisait d'abord, semble t-il, au sein même des forces naturelles, Déodat de Séverac les devait avant tout à son génie et aussi à l'amour qu'il nourrissait pour le coin de terre où il était né.

Ainsi l'oeuvre qui se rattache au coin de la terre où elle est née atteindra t-elle tout naturellement à l'universel si elle a des ailes assez fortes, et nous ne dirons pas de l'hirondelle qu'elle est régionaliste parce que volant dans l'univers, d'un continent à l'autre, elle reste cependant fidèle et revient au nid grumeleux sous la tuile languedocienne.

Si pour beaucoup d'entre nous le petit village de Grèzes est désormais inséparable des poèmes d'Albert, parmi les plus chers, ou cette thébaïde sentant la résine et la rose sèche, entre Montlegun et Palaja, des plus sensibles pages de Joë Bousquet, il n'en résulte pas qu'Albert et Bousquet sont des écrivains régionalistes, pas plus que Pierre et Maria Sire.

Puisque le souvenir de Déodat de Séverac est venu se lier, comme ces bouquets de bleuets et d'épis qu'on met aux croix des rogations, à la mémoire de Pierre Sire, ne faut-il pas remarquer que ces deux artistes, ces deux inspirés du Languedoc avaient essentiellement demandé au sol, non seulement tous les secrets de cette inspiration, les aliments de leur feu, de leur génie, mais encore aux vents qui ne le laissent jamais en repos, le vent aux cyprès des collines lointaines. Tous ces airs d'autrefois dont il est le grand répertoire, pour les avoir écoutés aux portes des veillées, sur la glèbe ou sur l'onde, ou près des amoureux quand il les circonvient comme pour les obliger à se serrer davantage, l'inépuisable folklore de notre terre dont Pierre et Maria Sire furent et restent les patients, les scrupuleux, les initiés mainteneurs, les sourciers.

Des coteaux de Saint-Félix aux criques catalanes, aux virgulions bocages de Créer, Séverac accomplit sa destinée, tôt abrégée comme celle de Pierre Sire, attentif à la moindre des ces chansons populaires auxquelles musique et poésie doivent souvent leurs frémissements les plus profonds.

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Des garrigues de Narbonne où le cyprès lui donna, lui montra la leçon de son intégrité et de sa flamme, aux coteaux de la Malepère si dépouillés eux-mêmes sous le brasillement des genêts, jusqu'à cette maison qui est devant nous comme un visage toujours vivant, Pierre Sire accomplit lui aussi son destin, fidèle à cet idéal de bonté, de justice, de ferveur dans l'accomplissement de sa tâche, de ses tâches, idéal qui n'est autre que l'idéal chrétien qu'on soit croyant ou non, sur lequel il paraissait se replier soudain comme pour en retrouver la force aux heures difficiles, dans le doute de l'oeuvre à laquelle on s'est donné, dans les graves conjonctures où il se trouvait mêlé, conjonctures militaires qui durent lui faire maintes fois serrer les dents, conjonctures civiques éprouvant de chères amitiés. L'après-midi dominicale où je le vis pour la dernière fois ici même il s'était préoccupé, un pli douloureux sur le front, que des erreurs qui se commettaient et de sa vaine impatience à les corriger, lui qui n'avait jamais fait durant les sombres jours que ce qu'il fallait faire, que ce que chacun de ses amis aurait fait s'ils avaient pu toujours regarder en lui.

Sa bonté se manifestait sous toutes les formes, à l'égard des bêtes - Sire était une âme franciscaine - comme à l'égard des gens, et qu'on me pardonne, serait-ce en souriant, de rappeler ici un trait qui me toucha tout particulièrement. Mêlé un jour à une partie de chasse, à son coeur défendant j'imagine. Pierre Sire prit son chien dans ses bras pour lui faire traverser un chaume. Le poète n'avait pas réfléchi un instant que son geste serait comique aux yeux de ses compagnons. Il n'avait pas vu que les entailles du chaume et pensé tout de suite que son chien pourrait se blesser. Il suffit d'un geste pareil pour en conjurer bien d'autres et il dut bien y avoir au bord du champ quelque fleur pour regarder Pierre Sire d'un oeil attendri.

Ce n'est qu'une image, pas une image d'Epinal nous montrant le soldat à la guerre ou l'instituteur à son pupitre, mais une image de légende. Pierre Sire devait les aimer comme il aimait les enfants, prédestiné à devenir pour eux le meilleur des maîtres quand il écrivait : "Ne peut devenir votre ami que celui qui est digne d'entrer au coeur de votre enfance." Il pensait aussi sans doute que pour pénétrer le coeur de l'enfant, il faut d'abord être son ami. Ce n'est pas donné à tout le monde et voilà pourquoi la profession d'instituteur qui fut la mienne, n'est pas un métier mais une vocation, une mission des plus difficiles, des plus délicates.

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Pierre Sire

Une image... mais oui. Pourquoi plutôt que de la revoir exténué, brisé, à bout de vie sur un lit de souffrance, ne songeant d'ailleurs qu'à nous laisser par ses derniers mots, bonté suprême, comme un viatique dont chacun pourrait se souvenir pour bien aborder à son tour le ténébreux passage, ne pas l'imaginer, le voir encore s'en allant à travers le chaume, son chien dans les bras, et puis disparaissant dans cette lumière de nos étés où tout s'abolit ?... Pour moi, cela m'est doux comme son poème tout plein de silence, "à l'heure où le village est vide"...

Pierre Sire, vous écriviez :

Les seuils

Ne gardent pas l'empreinte

De ceux qui partirent.

Mes pas derrière moi

Ne laisseront que le silence...

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La maison de Pierre et Maria Sire à la Cité

Nous n'avons pas voulu qu'il en fût ainsi, du moins aux yeux des passants car en chacun de nous, vos amis, c'est souvent que vous tenez votre promesse :

Un matin, 

A l'heure des maisons abandonnées

Je reviendrai

                                                                                         JEAN LEBRAU, 24 octobre 1948

 

Merci à Mme Sylvie David pour son aide

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Henry Dupuy-Mazuel (1885-1962), directeur du "Monde Illustré" et maire de Verdun-en -Lauragais

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Henry Dupuy-Mazuel est né à Perpignan le 17 mai 1885 et décédé à Nice, le 24 avril 1962. Il fréquente en 1900 le collège de Castelnaudary, puis prépare l'Ecole navale. Attiré finalement par le journalisme, il abandonne ses études et débute à "Je sais tout", collabore à "Fémina" et fait sa carrière au "Monde illustré" dont il devient le rédacteur en chef puis le directeur. Officier de la légion d'honneur et Croix de guerre, il est élu maire de Verdun en Lauragais (Aude) du 10 décembre 1919 au 18 mai 1929.

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Outre ses pièces de théâtre: Alerte (3 actes, théâtre François Coppée), Match de boxe (3 actes, théâtre des variétés), L'intrus (1 acte, théâtre des variétés) en 1912; Les anges gardiens (4 actes, théâtre Marigny) en 1913; Molière (4 actes, théâtre de l'Odéon). Henry Dupuy-Mazuel est surtout connu pour deux de ces romans à succès qui seront portés à l'écran: Le joueur d'échec et Le miracle des loups. Le premier nommé sera l'oeuvre de Raymond Bernard en 1927. A partir du second ont été réalisés deux films tournés à Carcassonne; l'un en 1924 (Raymond Bernard) et l'autre en 1961 (André Hunebelle).

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L'adaptation du roman est confiée à A.P Antoine et il s'agit du premier film historique muet. La mise en scène est assurée par Raymond Bernard et la musique, composée par Henri Rabaud (Auteur de l'opéra, Marouf savetier du Caire). Les principaux acteurs sont Vanni Marcoux, Charles Dullin et Yvonne Sergyl. Le film a nécessité de nombreux figurants dont un régiment d'infanterie de Carcassonne et des habitants de la ville. Sur cette photo, on voit M. Céréza (habitant de la cité) devant le chateau comtal. Le miracle des loups fut projeté en avant première à l'Opéra Garnier en présence de Gaston Doumergue, alors Président de la République. Puis, au Capitole de Toulouse dont l'orchestre était dirigé par M. Combaux. Il y a une trentaine d'années, le film projeté à nouveau en hommage à Henri Rabaud à l'Opéra Garnier. Aujourd'hui, le film a été restauré et numérisé et l'on peut le voir à la BNF. On attend, une projection dans le théâtre de la cité avec l'orchestre du Capitole.

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Le miracle des loups dans son adaptation faite par Jean Halain en 1961 et réalisé par André Hunebelle, ne plut pas du tout à Dupuy-Mazuel. Celui-ci considéra que l'on avait soustrait d'une manière fantaisiste la substance de son roman. Le film fut tourné à Carcassonne, au lac de St-Ferréol et sur le vieux pont de Rieux en val avec Jean Marais, Jean-Louis Barrault et Rosanna Schiafinno.

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Autre contribution au cinéma, mais cette fois comme scénariste: Le tournoi dans la cité. Ce film dont la bobine originale a été perdue dans l'incendie de la cinémathèque de Paris dans les années 1960, a été tourné pendant les fêtes du bimillénaire de la cité en juillet-août 1928. Il a été reconstitué depuis et est projeté parfois à la cinémathèque. Le scénario s'attira la réprobation des historiens locaux en raison d'un prétendu tournoi pour la visite de Charles IX et de Catherine de Médicis en 1545. Un fait imaginaire, mais qui fit polémique.

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Henry Dupuy-Mazuel a beaucoup apporté au département de l'Aude en qualité d'élu, mais aussi de romancier et scénariste. Il était propriétaire du château de Ferrals sur la commune de Saint-Papoul et avait succédé aux barons de Roquelaure et à leur héritier M. de Virien, ami intime de Lamartine.

Je remercie vivement Monsieur Armand de Pradier d'Agrain (petit-fils d'Henry Dupuy-Mazuel) pour son aimable collaboration à cet hommage.

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Qui a assassiné M. Rouzaud-Roche en septembre 1944 à Carcassonne ?

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Voilà un nouveau sujet non élucidé qui va faire réagir dans les chaumières... Nous sommes au mois de septembre 1944 ; Carcassonne est libérée de l'occupant allemand depuis le 20 août. Jean Bringer et des résistants arrêtés et internés à la prison de Carcassonne ont été exécutés au château de Baudrigues près de Roullens. Nous savons que le dénommé Chiavacci, pseudo résistant FTP et surtout personnage d'une faible probité, a dénoncé le chef de la Résistance audoise à la Gestapo. C'est lui et quelques acolytes qui se faisant passer pour la Résistance, tortureront et voleront une famille de Limoux. A mettre également à leur crédit, la torture et l'assassinat sans jugement du comte Christian de Lorgeril détenu à la prison de Carcassonne depuis la Libération, et dont au moins l'un de ses fils était en fuite après sa participation à la Franc-garde (organe de la Milice). Alain de Lorgeril sera condamné par contumace à la peine de mort en 1945. Peut-être ces voleurs voulaient-ils par une action "d'éclat" dissiper les doutes portés sur eux, au sujet de l'affaire Bringer ? 

Nous savons également qu'à cette même période, Noël Blanc alias Charpentier, envoyé par Londres pour enquêter sur la disparition d'une grosse somme d'argent parachutée pour la Résistance, sera retrouvé calciné sur la route du Mas-des-cours. Présenté comme traître par Delteil, il a été tué dans la clinique du Bastion d'un coup de révolver par le Dr Cannac. Or, Charpentier n'était pas un traitre mais avait sans doute découvert, qui avait dérobé l'argent du parachutage. Il semblerait que l'honnête Dr Cannac ait été abusé par le petit groupe de docteurs de la clinique. Cet argent aurait profité à plusieurs personnes bien informées de Carcassonne, issues de la résistance locale.

Le Dr Cannac sera retrouvé mort dans la clinique du Dr Delteil au début des années 1950. Ce jour-là après avoir reçu un appel téléphonique des docteurs résistants de Carcassonne, il décidera rapidement de se rendre à Carcassonne. Le Dr Cannac avait été s'établir à Antibes après la Libération. Selon un membre de sa famille, le docteur se serait vivement disputé avec ses interlocuteurs. Il n'était pas dépressif, ajoute ce témoin. Dans la nuit, il couche à la clinique Delteil et est retrouvé agonisant le lendemain matin. Ses "amis" indiquent qu'il s'est suicidé, or il sera démontré que le docteur a été empoisonné. A t-on voulu faire taire le Dr Cannac sur ce qu'il allait révéler au sujet des parachutages ? Il y aura un procès qui mettra en évidence des circonstances troublantes pouvant incriminer le Dr Delteil. La loi d'amnistie le sauvera du bras séculier de la justice.

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La belle jardinière

Nous en venons donc à l'affaire Rouzaud-Roche... Ce commerçant tenait depuis des décennies avec son épouse, le magasin de vêtements "La belle jardinière". Ce commerce situé dans un bâtiment Belle époque, se trouvait dans la rue de Verdun. Aujourd'hui, il s'agit du Syndicat d'initiative. M. Rouzaud-Roche appartenait à la Résistance ; le lieutenant FFI Haguenauer lui avait présenté l'envoyé du général de Gaulle à Carcassonne. Selon le témoin, le commerçant Carcassonnais aurait servi de boite à lettres pour la Résistance locale. Homme de bien, humaniste et Franc-maçon, M. Roche aurait même caché des juifs pendant la guerre. Que s'est-il passé ? Toujours selon le témoin dont le père travaillait dans ce commerce, M. Rouzaud-Roche aurait été pris de vomissements terribles au mois de septembre 1944. Son agonie a duré trois jours ; il serait mort empoisonné. Par qui ? Mystère !... Des documents retrouvés aux archives, nous indiquent que M. Haguenauer a réclamé en décembre 1944 à plusieurs commerçants Carcassonnais impliqués dans la résistance locale, ses affaires provenant de la spoliation dont il fut l'objet opérés par Jules Barrière (administrateur des biens juifs) : sa bibliothèque de livres et plusieurs costumes. C'est pour ces derniers qu'il mit Mme Rouzaud-Roche en demeure de les lui rendre.

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Plus nous avançons dans nos enquêtes historiques et plus nous découvrons qu'une partie de la résistance Carcassonnaise, aurait été impliqué dans des affaires pas très nettes. A t-on livré Bringer, tué Charpentier et empoisonné Cannac et Roche parce qu'il avaient découvert le manège frauduleux de certains ? C'est là, toute la part de l'énigme... On peut s'interroger sur les liens entre l'argent et des pratiques de barbouzes au nom de la Résistance.  

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Le musicien Jean-Pierre Tutin sauva Fajac-en-val de la ruine

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Jean-Pierre Tutin en 2013

Situé sur le boulevard Barbès, à l'angle de la rue Jules Sauzède, se trouvait au début du siècle le café du midi comme nous pouvons le voir sur cette carte postale de 1907 au moment de la révolte vigneronne. Plus au sud, se trouvait le café du nord (café du Dôme) en fâce de l'Hôtel Dieu. Dans les années 1960, le café est acheté par Jean-Pierre Tutin qui le transforme en cabaret. L'établissement s'appelle désormais "Le fiacre" et c'est le rendez-vous de la jeunesse yé-yé de l'époque. Jean-Pierre Tutin avait la particularité de ressembler d'une façon troublante à Charles Trenet. Il la cultivait en chantant ses chansons avec un timbre de voix similaire de celui du "fou chantant" Narbonnais.

compositeurs

Jean-Pierre Tutin fonda à Carcassonne le RAC (Racing Athlétique Carcassonnais). Ce club de football deviendra ensuite le FAC puis le FACV, en raison de son alliance avec l'ECV (Étoile Club Villalboise). Il acheta également l'ensemble des maisons d'un petit village à l'abandon du Val de Dagne: Fajac-en-val.

Tutin

Fajac-en-Val

Grâce à lui, le village renaquit de ses cendres après qu'il a restauré les habitations les unes après les autres. C'est là, chez lui, que viendront dîner et pousser la chansonnette, Gaston Bonheur et Charles Trenet. Un fou chantant qu'il me décrit comme génie de la musique, mais inbuvable humainement.

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Sur cette photo: Jean-Pierre Tutin (Piano), Marius Laffargue (Contrebasse), M. Bonnery (Batterie), Jany Noel (Chant)
Concert Boum-Variétés du 21 octobre 1969 organisé par M. Laffargue au Théâtre municipal

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Le café a été détruit depuis et c'est désormais cet immeuble, en forme de cage à poules, qui l'a remplacé sur le boulevard Barbès.

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La vie de J-P Tutin est un romanesque. Né à Puteaux, il commence à composer à l'âge de 16 ans et devient le plus jeune créateur de la SACEM. A 17 ans, il épouse Cathérine Claire, chanteuse du groupe "Les trois ménestrels". Elle vit actuellement près de Montlaur, dans l'Aude. Ils se produisent dans les cabarets parisiens: La lapin agile à Montmartre, par exemple. Tutin est accompagné à la clarinette par Alex Métayer, qui deviendra humoriste; mais aussi, par Serge Gainsbourg au piano chez "Milord l'Arsouille", le cabaret de Michelle Arnaud. A 21 ans, il quitte le Show-biz et une carrière qui lui tendait les bras pour s'installer à Carcassonne où il aura sept enfants. Véritable globe-trotter, il reprendra sa valise de balladin et continuera à restaurer de vieilles bergeries dans d'autres départements. Ce monsieur que j'ai eu la chance d'avoir plusieurs fois au téléphone est un être passionnant. Il a connu et cotoyé tous les artistes de la vieille génération: Bref, Trenet, Reggiani, Gainsbourg, Ferré...

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L'album de Jean-Pierre Tutin paru en 2002

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Les photos exceptionnelles et inédites du carnaval de 1955

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C'est en 1951 qu'un chef d'entreprise, marchand de matériaux de construction, se lance avec quelques amis dans l'organisation du carnaval de Carcassonne. Lucien Geynes fonde le Comité pour les Fêtes du Carnaval en faisant appel aux commerçants, particuliers et aux villages voisins. Cette entreprise philanthropique est entièrement financée par le mécénat local ; au sortir de la guerre, la ville de Carcassonne n'a pas d'argent à consacrer au carnaval. Hélas, c'est précisément à cause d'un manque d'argent qu'en 1962, les festivités cesseront. Plus exactement, on aurait cherché des poux à M. Geynes, dont la générosité faisait de lui un danger politique pour les échéances électorales à venir. 

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Carcassus V, Roi fainéant

Les carnavals d'avant-guerre consacraient une partie de leur recette, au profit des oeuvres de charité de la ville. Malgré leur disparition progressive, le Comité des Fêtes du Carnaval reversait des sommes à l'orphelinat "Le nid joyeux", aux "Petites soeurs des pauvres" et à l'Hospice des vieux. Les boeufs gras prêtés par les bouchers tirent Carcassus. Une promotion commerciale pour leurs produits.

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Place Davilla, devant le marchand de bois Canavy

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Les petits lutins

Le Comité du carnaval invite en 1954 l'ensemble des comités de quartiers, les villages, les groupes, les sociétés de Carcassonne à se joindre à la fête et confectionner des chars. M. Geynes a fait ressortir les groupes de Pandores et Bigophones, typiquement Carcassonnais accompagnés en musique par les fanfares, comme celle du Réveil Carcassonnais.

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Le char de Chalabre

Entre 1951 et 1962, jamais le carnaval ne fut financé par la mairie. Ce sont les particuliers qui fabriquaient les chars ; une compétition entre elles pour gagner le prix de la plus belle réalisation. On achète des grosses têtes, des masques... Le Comité passe des contrats avec les plus beaux orchestres du moment : Maravella, Raymond Legrand, Hot-Club de jazz, Jacques Hélian... Tout ceci coûte un prix fou et va pousser l'organisation pour rentabiliser à faire payer les entrées, un grand loto, la décade commerciale en centre ville avec l'Union des commerçants. Tout génère de l'activité et des rentrées d'argent ; en 1960, la ville accueille près de 50 000 personnes. Hôtels, restaurants, cafés, tabacs sont pris d'assaut.

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Les inscriptions au concours de Reine de Carcassonne sont prises "Aux dames de France" chez Ramond, rue de Verdun. Ce magasin habillait la gagnante et profitait de sa réputation pour vendre ses articles. En 1955, les commerçants annoncent qu'ils offriront chacun un lot à la future reine.

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En 1955, Carcassus V est accueilli à St-Gimer dans le quartier de la Barbacane. A la fin du carnaval, il sera jugé par le Vénérable Inquisiteur, l'assesseur-sourd, l'assesseur-poète, le Grand Réquisiteur, le bourreau Ridevaux, le bourreau Dequeur, le bourreau Crassie et le héraut. Carcassus V condamné au bûcher se consume pendant que la foule entonne en occitan

Adiu paure (bis)

Adiu paure Carnaval

Tu t'envas e ieu demori

Per manjar la sopa a l'oli

Traduction

Adieu pauvre 

Adieu pauvre carnaval

Tu t'en vas et moi je reste

Pour manger la soupe à l'huile.

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La fabrication des fleurs en papier prenaient beaucoup de temps. Trois millions dans le corso fleuri en 1960 ! Un seul char pouvait en posséder 70 000 mille.

carnaval 1995

Le corsaire

Le carnaval faisait le tour de tous les boulevards de la ville jusqu'à la place Davilla, en passant par l'allée d'Iéna. C'est dire le nombre de chars et de participants à travers Carcassonne.

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La Reine du Carnaval 1955

Tout s'est arrêté en 1962... M. Geynes et ses amis auront beaucoup donné de leur personne et leurs efforts restent encore dans la mémoire collective. 

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Sources

Fêtes et Carnaval dans la ville / Jacques Marrot / 1987

Un grand merci à Pascal Hyvert pour ses photos

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Georges Guille (1909-1985), député SFIO de l'Aude et opposant à François Mitterrand

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Le 18 juin 1971, le député socialiste de l'Aude Georges Guille, écrit une lettre aux militants du PS, nouvellement fondé, dans laquelle il leur indique qu'il quitte le parti. N'ayant pas réussi à sauver l'ancienne S.F.I.O (Section Française de l'Internationale Socialiste) auprès de laquelle il fut un des plus vaillants représentants, Guille s'oppose à François Mitterrand et à son OPA sur le vieux parti ouvrier.

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© Assemblée nationale

Georges Guille

La seule chose qui le rapproche du futur Président de la République c'est son combat contre De Gaulle et la Ve République.  Pour le reste, Guille ne considère pas Mitterrand comme un vrai socialiste : "C'est un aventurier de la politique." Une espèce d'opportuniste, en quelque sorte. Or, le député de la Nièvre s'était imposé dans les esprits après l'élection présidentielle de 1965 où il avait réussi à mettre en ballotage le général de Gaulle. Guille malgré ses talents d'orateurs n'arrivera pas à ses fins ; le parti socialiste naît en 1969. En juin 1971, le nouvel adhérent François Mitterrand en prend la direction au Congrès d'Epinay. Le député de l'Aude déclare alors : "Il ne nous reste plus qu'à recréer un parti". 

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Son amertume Georges Guille l'exprimera en 1970 dans ce livre

La gauche la plus bête ..?

Ce fils de viticulteurs adhéra à la SFIO dès 1927 durant son séjour à l'Ecole normale de Carcassonne. Il sera instituteur. A 25 ans, c'est le plus jeune Conseiller Général (Canton de Capendu) de France. Opposant à Pétain, il est déplacé par le gouvernement de Vichy dans le Gard en 1940. Malgré cela, Guille occupe des fonctions clandestines dans l'Aude au sein de la SFIO. Au printemps 1944, le Comité Régional de Libération est constitué secrètement. Le Comité Départemental prendra ses fonctions à la préfecture de l'Aude le 22 août 1944. En son sein, figurent Félix Roquefort, Auguste, Germain, Lucien Milhau et Georges Guille. Francis Vals en est le président.

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© Assemblée nationale

Charles de Gaulle le 9 novembre 1945

Elu député en 1945, Georges Guille défend les intérêts de la viticulture. Il est l'auteur de la loi sur les VDQS (Vins Délimités de Qualité Supérieure) du 18 décembre 1949. De janvier 1956 à mai 1957, il participe au gouvernement de Guy Mollet en qualité de Secrétaire d'état chargé des relations avec le parlement, chargé de l'énergie atomique. C'est l'un des fondateurs de l'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires et obtient la création d'une usine de raffinage de l'uranium à Malvesi, près de Narbonne. Aujourd'hui, Usine Aréva Malvési.

georges guille

Le gouvernement Guy Mollet

En 1958, le maintien du communiste Félix Roquefort fait échouer Georges Guille qui perd son mandat de député, au profit de Louis Raymond Clergue (MRP). Un an après, il devient sénateur de l'Aude jusqu'en 1967. Il présida le Conseil général de l'Aude de 1945 à 1948 et de 1951 à 1976. Si son élection à la députation en 1967 faut aisée grâce, cette fois, au désistement du candidat communiste, il n'en sera pas de même en 1968. La dissolution de l'Assemblée nationale après les évènements de mai 1968, ne profitera pas à la gauche. Georges Guille ne dut son élection qu'à quelques voix contre Vié (UDR). 

georges guille

En 1973, après s'être retiré de la vie politique, Georges Guille écrira "Des vies de chiens". Ce livre est illustré par Jean Camberoque. Un récit autour de son village de Badens, des vignes et de la chasse que l'ancien député de l'Aude aimait particulièrement. Georges Guille est décédé le 16 novembre 1985 et repose au cimetière de Badens. Le 10 juillet 1986, la municipalité de Raymond Chésa (RPR) décide d'attribuer le nom d'une avenue à Georges Guille ; elle part du rond-point de Grazailles jusqu'au Pont rouge.

georges guille

 Le nom de Georges Guille n'est guère plus cité par les socialistes Audois. Pourtant l'opposant à l'ascension de François Mitterrand, reste encore dans la mémoire collective comme un homme de conviction, droit et humain. Des valeurs éculées sans doute dans la politique d'aujourd'hui...

Georges Guille est co-fondateur du Festival de la Cité

Sources 

La tête haute / Edouard Boeglin / 1983

Ils sont entrés dans la légende / Félix Roquefort

Histoire de Carcassonne / Privat / 1984

Les Audois / 1990

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Où est passée la donation "Ferdinand Alquié"à la ville de Carcassonne ?

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Dans le discours qu'Henri Tort-Nouguès prononça le 27 février 1989 à l'occasion de l'inauguration de la plaque apposée sur la façade de l'illustre philosophe Carcassonnais, on apprend qu'il a été fait donation à la ville de Carcassonne de l'ensemble de ses archives. Renseignements pris auprès de témoins de l'époque, c'est M. Tort lui-même qui aurait convaincu Denise Alquié - la veuve du philosophe - de céder l'ensemble des livres, discours, correspondances, manuscrits à la la commune. Cette transaction se serait faite dans les règles et devant notaire ; après quoi, l'ancienne Bibliothèque municipale en aurait reçu l'inventaire. Or, depuis le déménagement de celle-ci en 2010 vers les locaux préfabriqués de Montquier, nous ignorons ce qu'il est advenu de cette donation. Nous ne doutons pas qu'elle ait été bien conservée. Toutefois, il est dommage que les universitaires n'aient pas connaissance de ce dépôt, qui n'est en l'état accessible que sur dérogation. En effet, depuis sept ans Carcassonne n'a plus de Bibliothèque. Cela peut paraître extraordinaire pour une capitale départementale, mais c'est ainsi.

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© Droits réservés

Raymond Aron, Ferdinand Alquié, Vahl et Maurice Merleau-Ponty

Nous voici donc réunis ce soir du 27 février 1989 à Carcassonne pour rendre hommage à notre compatriote Ferdinand Alquié, professeur à la Sorbonne et membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, décédé il y a de cela quatre ans le 28 février 1985, après une implacable maladie.

Tous ceux qui sont ici ce soir et parmi eux des anciens élèves, et de très vieux amis, savent les liens anciens et profonds  qui m'unissaient à Ferdinand et à Denise Alquié, à travers Pierre Marie Sire dont il était l'ami le plus fidèle, et connaissent l'attachement que celui-ci et son épouse avaient gardé pour la terre languedocienne où ils aimaient retrouver leurs vieux amis et les souvenirs d'un lointain passé. Et ce soir, nous sommes réunis pour évoquer sa mémoire mais aussi pour une autre raison.

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© Droits réservés

Henri Tort-Nouguès et Ferdinand Alquié

En effet, Madame Ferdinand Alquié vient de faire don à la ville de Carcassonne, à la Bibliothèque municipale d'un lot exceptionnel de manuscrits, d'oeuvres de notre maître, d'ouvrages et de Revues de philosophie et de littérature, d'une correspondance importante et des cours enregistrés lors de son séjour aux Etats-Unis à l'université de Yale.

Aussi je veux tout de suite, au nom des élèves, des étudiants, des amis, de tous ceux qui l'ont connu, admiré et aimé, apporter le témoignage de notre gratitude et de notre reconnaissance à Madame Alquié : un grand merci, ma chère Denise, empreint d'affection car je ne pourrai poursuivre ce discours. Mais je veux aussi, au nom de tous ses amis, et me faisant l'interprète de Madame Alquié, adresser, cette fois à Monsieur Raymond Chésa, Maire de Carcassonne, le témoignage de notre gratitude. Lorsque je suis venu vous parler de ce projet, vous avez tout de suite accepté de recueillir ce lot de manuscrits et de livres qui viendront enrichir le patrimoine culturel de notre ville. Vous avez compris, à l'heure où l'on parle tant de décentralisation culturelle, quel intérêt majeur il y avait pour la ville de Carcassonne et sa Bibliothèque Municipale, de posséder cet ensemble d'oeuvres philosophiques, littéraires et artistiques.

Un grand merci au nom de ceux qui sont présents, au nom des Carcassonnais, merci au nom de tous ceux pour qui la culture authentique est une composante et une valeur essentielle de l'homme. Et merci aussi de servir ainsi la mémoire d'une de nos compatriotes les éminents.

Merci aussi à Madame Eychenne, à René Piniès, au fidèle entre les fidèles J-P Amiel de l'aide précieuse qu'ils m'ont apporté dans cette difficile entreprise. Car Ferdinand Alquié était né à Carcassonne le 18 décembre 1906, au 2 rue Omer sarraus, à l'endroit où s'élève aujourd'hui Le Terminus et avait résidé longtemps au 2 boulevard de Varsovie.

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Son père, Joseph Alquié était professeur de physique au vieux lycée de la rue de Verdun. Et c'est dans cet établissement que Ferdinand Alquié accomplit sa scolarité avec comme condisciples Jean-Paul Amiel, René Nelli, Maurice Nogué, Henri Ferraud et tant d'autres que je ne peux citer. Il eut, comme professeur de philosophie, Claude Louis Estève, qui eut une influence déterminante dans le choix de sa carrière et lui fit connaître Joë Bousquet. Très rapidement, il deviendra un élément des plus importants parmi ceux qui se réunissaient autour du grand poète blessé, avec Claude Louis Estève, René Nelli, François-Paul Alibert, Pierre et Maria Sire, Molino, Jean Ballard.... Avec eux, il créa la revue "Chantiers" et comme eux, il sera un des fidèles collaborateurs des "Cahiers du sud".

Elève exceptionnellement brillant, après le baccalauréat, il montera à Paris poursuivre des études de philosophie, licences, diplômes d'études supérieures, et sera reçu 1er à l'agrégation de philosophie en 1931. Il passera un an à Mont-de-Marsan, puis reviendra comme professeur au lycée de Carcassonne de 1932 à 1937. Nommé à Paris, il enseignera dans différents lycées (St-Louis, Rollin, Condorcet) dans les classes de première supérieure, à Henri IV, et à Louis-le-Grand, jusqu'en 1947. Docteur es lettres, il reviendra dans le midi comme professeur à la Faculté des lettres de Montpellier de 1947 à 1952, puis comme professeur à la Sorbonne jusqu'en 1976, date de sa retraite. Il sera élu à l'Académie des Sciences Morales et Politiques en 1975 et partagera sa retraite entre Paris, Montpellier et Carcassonne où il revenait assez souvent. Et comme je le disais tout à l'heure, il s'éteindra à Montpellier le 28 février 1985.

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© Droits réservés

Pierre Clarac remet l'épée d'Académicien à Ferdinand Alquié

C'est là, tracée à grands traits, résumée et schématisée, une carrière universitaire exceptionnelle. Alquié fut un homme de grand savoir et de réflexion. Il fut aussi homme d'action, et un professeur admirable, un philosophe authentique, mais il ne fut pas que cela. A une époque particulièrement sombre de notre histoire, alors que certains se faisaient les théoriciens de l'engagement et du risque (sans s'engager et rien risquer), Ferdinand Alquié rejoignait à Paris les rangs de la Résistance. Membre du réseau "Darius", il échappa même de justesse, avec son épouse Denise, à une souricière de la Gestapo, dans cette rue de Levis que je connais si bien.

Titulaire de la médaille de la Résistance et de la Croix du combattant volontaire, à la Libération il reprit simplement ses cours de philosophie dans son lycée avec sa modestie, sa scrupuleuse conscience, ce dévouement total qu'il mettait dans l'exercice de son métier. Il continue d'élaborer et d'échafauder une ouvre dont je crois pouvoir dire qu'elle est une des plus importantes, la plus marquante de notre siècle. Il n'est pas possible, dans le temps qui nous est imparti, d'énumérer et les titres de ses oeuvres et ceux de ses conférences et de ses communications innombrables. 

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Paul Tomas, chef machiniste et régisseur de plateau au Théâtre municipal

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Originaire de Peyriac-de-Mer, Paul Tomas entre d'abord au service menuiserie de la mairie de Carcassonne en 1951. Il a alors 17 ans. De cette époque, il se souviendra des corridas organisées à Patte d'oie dans des arènes démontables en bois. On y voit les toreros Luis Miguel Dominguin, Ortega et Ordonnez.

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© Carlos Recio

De septembre 1954 à mars 1957, il sert sous les drapeaux au Maroc dans l'armée de l'air. Il travaille à l'entretien des bases et voyage de Rabat à Casablanca, de Mekness à Fez. Retour en France et à Carcassonne, où il participe à la création des décors du premier Festival de Carcassonne en 1957.

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L'équipe des décors du Théâtre municipal

De 1965 à 1971, il est employé comme machiniste et voit passer les plus grands artistes : Brel, Brassens, Ferrat, Bécaud, etc... Les souvenirs bons ou moins bons se bousculent dans sa tête :

"L'un des meilleurs souvenirs est la venue de Gérard Lenorman qui, en février 1980, a fêté avec nous son anniversaire en toute simplicité. En revanche, le souvenir du passage de Dalida est beaucoup moins plaisant. Une lampe avait grillé pendant le spectacle, et elle était entrée dans une colère noire à l'entracte."

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Paul Tomas et Jean Alary

Jean Alary - directeur du Théâtre municipal - propose en 1979 à Paul Tomas un billet de chef de plateau. L'aventure dura quatorze années. Malgré un temps de réflexion, Paul accepta.  Dès lors, il mena de main de maître, tel un chef d'orchestre, son équipe de dix techniciens.

"Au cours de ces années, s'est créée une amitié et une solidarité qui est propre aux gens du théâtre et que l'on ne retrouve pas ailleurs."

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Paul Tomas, Mme Olivan, Jeannot Resplandy, Thierry Ravillard

Du coeur et de la disponibilité, autour de qualités dont a dû faire preuve Paul Tomas. A de nombreuses reprises, il a fallu déployer beaucoup de patience pour répondre aux caprices des stars. Son dévouement fera dire à son épouse : "Tu devrais faire installer un lit au théâtre".

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L'équipe du Festival 1984

On reconnaîtra le jeune Georges Bacou qui est aujourd'hui le directeur du théâtre 

Depuis 1957 et jusqu'en 1993, Paul Tomas s'occupa de la régie et de l'équipe technique du Festival de Carcassonne. Les machinos étaient des agents municipaux se portant volontaire pour la durée de l'événement culturel estival. Il y eut des coups de gueule et des fous rires. Une bête noire surtout : la pluie ! Des souvenirs, ces techniciens en ont à la pelle mais il y en a un qui est cher à leur coeur.

paul tomas

© Droits réservés

Grillade au Festival de la Cité

"Deux fois, l'opéra de Paris est venu à Carcassonne. A chaque fois, on a vécu des moments formidables et une vraie complicité s'est installée entre nous. Les soirées se sont terminées par des grillades conviviales. Comme on sait le faire dans notre midi."

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© Midi Libre

L'équipe technique du Festival 1993

Paul Tomas prit sa retraite en novembre 1993, non sans un pincement au coeur. On ne laisse pas tant de souvenirs et d'amitiés derrière soi sans une certaine nostalgie. Il aura connu deux directeurs : Jean Alary et Jacques Miquel. Aujourd'hui, Paul Tomas vit retiré à Roullens entouré de l'affection de sa famille et de son petit-fils Nathan qui a tant d'admiration pour ce papy si méritant.

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© Carlos Recio

Paul Tomas avec le brigadier du théâtre

A titre personnel, j'ai connu Paul Tomas depuis mes débuts sur scène à l'âge de cinq ans, jusqu'à sa retraite. Un homme peu bavard et parfois austère, mais quelle efficacité dans le travail ! Comme beaucoup de ceux qui paraissent bougon, Paul Tomas possède une grande générosité d'âme. Finalement, un paradoxe dans ce midi où les gens sont souvent superficiels en amitié. Après sa retraite, il laissa la place à Michel Choureau. Ensuite, la ville de Carcassonne et la directrice du théâtre Madame Nicole Romieu, ne remplacèrent pas les machinistes attitrés, partis à la retraite. Ce fut le début de la fin, car machiniste est une véritable profession dans l'art du spectacle. Cela ne s'improvise pas ! Fini les grillades, fini les rigolades...

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Mme Olivan (Costumière), Mme Pujol (Billeterie), Paul Tomas (Régie de plateau); Thierry Ravillard (Lumières), ?, Jeannot Resplandy (Machinerie), ?

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La Passion du Christ : Une vieille tradition théâtrale Carcassonnaise disparue

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Le 16 octobre 1900, on apprend dans Le courrier de l'Aude qu'une "oeuvre artistique et moralisatrice" est offerte aux spectateurs par le Musée vivant de passage à Carcassonne. "La troupe de M. Kétorza-Drumont fait revivre avec une réelle perfection le sacrifice du Fils de l'Homme. Les principaux rôles : Jésus, la Vierge Marie et Marie-Magdeleine sont remplis d'une façon admirable. Tout Carcassonne ira voir ces scènes de la Passion qui ont surtout le mérite de jeter une douce impression sur l'âme des spectateurs." Salomon Kétorza, né en Tunisie, est un homme de spectacle propriétaire d'un cinéma ambulant. Il mourra en 1928.

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La Passion aux Carmes

 Un autre article de presse paru dans L'Eclair le 16 mars 1910, nous informe que plusieurs représentations de la Passion du Christ ont lieu durant la Semaine Sainte au chevet de la chapelle Notre-Dame des Anges, derrière l'église des Carmes. "Les nombreux figurants mériteraient chacun un éloge particulier". 

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Jean-Marie Cazaux (Jésus Christ)

Le mystère de la Passion fut créé à Carcassonne au sein de "L'Oeuvre des Carmes" en 1906. Pour la circonstance, plusieurs paroissiens de St-Vincent interprétaient les rôles de Judas (René Stark), Marie-Magdeleine (J. Pradelles), Jean-Marie Cazaux (Jesus). Ce dernier serait un lointain cousin de l'abbé Jean Cazaux, ancien curé de Saint-Vincent. C'est donc vers lui que nous nous sommes tournés.

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D'après l'abbé, cette représentation théâtrale aurait été organisée chaque année par la paroisse de St-Vincent, propriétaire des Carmes. Sur l'actuel parking de l'Evêché se tenait autrefois une salle "Le Familia" dans laquelle seront projetés des films ayant passé la censure religieuse. Nous nous souvenons d'une précédente chronique dans laquelle M. Ouliac racontait que des parties de la bobine du film étaient parfois coupées. Selon l'autorité épiscopale, elles présentaient des scènes trop dénudées ; comprenez pour l'époque qu'il s'agissait d'une jupe au-dessus du genou. Selon l'abbé Cazaux, l'église a toujours eu un problème avec le sexe des hommes.

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La cène dans la salle du Familia

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Les Rameaux

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Les adieux de Béthanie

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Le Baiser de Judas

Il est fort probable que ces représentations se soient arrêtés avec le début de la guerre de 1914. Toutefois, elles reprendront après la Seconde guerre mondiale dans le quartier des Capucins. A l'époque du père Augustin - Très Révérend Père Supérieur du Couvent des Capucins - une représentation de la Passion était donnée dans l'actuelle salle du Secours Catholique, rue du 24 février. Elle attirait beaucoup de monde de Carcassonne et des alentours.

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Père Augustin, Gabriel Langlès

(1906-1983)

Mlle Canellas qui habitait rue Fortuné, s'occupait des accessoires. Georgette et ses amies cousaient les habits dans des morceaux de draps blancs, garnis de rubans et de macarons de toutes les couleurs. M. Philoctête avec son visage émacié et une barbe volontairement laissée poussée, interprétait le Christ. On peut également citer M. Mousseigne de la famille Chonier.

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© P. Hyvert

M. Philoctête alias Jesus Christ

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Huit résistants Audois jugés au tribunal militaire de Bordeaux en 1950

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Au mois de novembre 1950, comparaissent devant le Tribunal militaire de Bordeaux huit prévenus désignés comme "La bande à Chiavacci". Il ont à répondre des chefs d'inculpation d'assassinats, vols qualifiés, coups et blessures ayant entraînés la mort et d'actes de barbarie. Ces exactions ont été réalisées peu de temps après la Libération de Carcassonne.

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Les accusés à leur procès

Les faits

Ce qui doit éclairer d'emblée notre réflexion, ce sont les compte-rendus dans la presse issue de la Résistance, selon qu'elle soit Gaulliste ou Communiste 

"Les inspecteurs de police de Carcassonne, Got et Durand ainsi que M. Tagliaferri furent exécutés ; M. Carillo, suspecté à tort d'avoir appartenu à une association de collaboration avec les Allemands, fut torturé et garda une incapacité de plus de deux mois. Amoureux du tison rougi, de l'écrasement des membres par la presse à papier, ils supplicièrent Raymond Tessier, Christian de Lorgeril et Louis Ganet jusqu'au dernier soupir. Ces deux derniers - emprisonnés à la Libération pour suspicion d'appartenance à la Milice. Enfin, ils ne dédaignaient pas d'arroser d'essence le corps de leur victime, afin d'y mettre le feu. Quant à la liste des vols commis lors de leurs "perquisitions" ou des visites organisées dans cette intention, elle est longue. Les huit accusés se trouvent en face d'un dossier, on ne peut plus volumineux." (Le Midi-Libre)

Pendant ces cinq ans, des lois d'amnistie aux traitres et collaborateurs ont été votées. Von Faber du Faur a été acquitté par le tribunal militaire de Paris. Le tribunal militaire de Bordeaux juge actuellement des Résistants. Hier matin, avant l'audience, M. Tixié-Vignancourt, ex-ministre de Pétain, qui avait pris place dans le public, avait eu un long entretien avec le conseiller Wagner. Il n'y a rien dans l'acte d'accusation qui permette de penser un seul instant que les inspecteurs Got et Durand, aussi bien que Tagliaferri, qui furent exécutés, étaient des des dénonciateurs de patriotes. Pourtant, ils l'étaient. Le président du comité de local de libération l'a déclaré dans sa déposition. (Le patriote)

Le contexte politique

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© Assemblée Nationale

Jean Llante

En 1948, l'union nationale autour du Gouvernement provisoire formé par le Charles de Gaulle avec dans ses rangs, cinq ministres communistes avait volé en éclat. Chaque formation reprenait son indépendance et renouait avec les discordes d'avant-guerre. Le régime des partis s'installait dans la Quatrième République et le général rendait son tablier. Le communisme poussait ses pions en Europe de l'Ouest et le gouvernement français tentait de contenir son influence. Aux Etats-Unis, dès 1950 le sénateur Mac Carthy voyant des communistes partout, procédait à la chasse aux sorcières de Moscou. En France, l'opération Boléro-Paprika vit l'expulsion de 397 étrangers d'obédience communiste dont 176 espagnols, suspectés de préparer un coup d'état. Le PCE (Parti Communiste Espagnol) fut interdit en France.

Pendant ce temps, Robert Schuman, est nommé Président du Conseil (Premier ministre) par Vincent Auriol. Dans un passé si proche, Schuman avait été sous-secrétaire d'état de Vichy et avait voté les pleins pouvoirs au maréchal. Frappé d'Indignité Nationale et d'inéligibilité à la libération, il retrouva une virginité politique dès le 15 septembre 1945. Grâce à l'intervention de ses amis, la Haute-Cour de justice prononce un non-lieu en sa faveur. Tiens, comme Maurice Papon, René Bousquet, etc... Le fondateur de la Communauté Européenne était donc pétainiste. Sa postérité est sans égale sur les places et artères française, pourtant il était d'avis en 1940 de déposer les armes contre l'Allemagne nazie. En 1990, l'évêque de Metz demande à instruire son procès en béatification ; il est toujours en cours, mais le pape François n'a toujours pas trouvé qu'il miracle il a accompli.

C'est à partir de cette époque que les anciens Miliciens et Collaborateurs, vont voir leurs peines d'Indignité nationale réduites ou abrogées. Les lois d'amnistie du début des années 1950, leur donnera l'absolution totale de leurs crimes.

A Carcassonne, le préfet Louis Maurice Picard envoie de multiples rapports au ministre de l'Intérieur de l'époque, Jules Moch (à partir de juillet 1950 : Ministre de la Défense nationale), alimentant la théorie du rôle de « cinquième colonne » joué par le Parti Communiste Espagnol :

« J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur la présence dans mon département de nombreux guérilleros espagnols qui d'après les renseignements que j'ai pu obtenir sont considérés par le PC comme des troupes de choc spécialement destinées à se trouver à la pointe du combat en cas de troubles. »

Ce préfet de l'Aude, né en 1907, avait été déporté à Dachau.

Les arrestations  

Le 12 mars 1948 à Limoux, la gendarmerie procède à l'arrestation des suspects et à leur incarcération à la Maison d'arrêt départementale. Parmi eux, il y a trois maquisards appartenant aux FTPF (Francs Tireurs et Partisans Français) liés au Parti Communiste. Le député communiste de l'Aude Jean Llante s'indigne :

"L'autre jour à Limoux, on a arrêté trois Résistants !"

Dans un courrier adressé au Ministre de l'Intérieur, le préfet Picard indique que cette affaire ne peut entrer dans le cadre de l'Ordonnance du 6/7 1943, concernant les crimes et délits accomplis en vue de la Libération du territoire. Il est motivé par l'ordre donné le 18 mars 1948 par le Garde des sceaux aux procureurs généraux de faire application de cette ordonnance.

"Tortures et pillages postérieurement au départ des Allemands sur des victimes taxées à tort ou à raison de Collaboration par un certain nombre de Résistants ou pseudo-résistants. Beaucoup ont fait l'objet de condamnations de droit commun. Hans, alias Walezewsli Stanislas dit "Stani le tueur" a été récemment abattu à Montauban. Ces crimes ont été commis nuitamment à la prison de Carcassonne et dans la région de Limoux.

Le risque d'insurrection 

Les communistes vont alors tout tenter afin de délivrer leurs camarades en activant leurs réseaux (CGT, Associations d'anciens combattants FTPF, députés communistes, etc..). Le 5 août 1948, un première réunion se tient à Limoux dans la salle St-Louis. 25 personnes entendent protester contre "le maintien en détention des patriotes limouxins". Parmi eux, M. Dejoi (Président de l'Amicale des FFI - FTPF) et M. Loupia alias Colonel Blucher. Ce dernier prétend que ces véritables résistants ont agi sur ordre ; il en prend la responsabilité.

Partout dans l'Aude, le PC tente de mobiliser au-delà de ses troupes. Des courriers de toutes les sections locales arrivent sur le bureau du préfet. On menace d'organiser des manifestations afin de réclamer la libération de Cartier, Lafforgue, Mounié, Nouyé et Molinié détenus depuis 5 mois à la prison. Le 12 août 1948, lors d'une réunion à la mairie de Carcassonne le colonel Blucher ne s'oppose pas au procès, mais demande la mise en liberté provisoire. Il rappelle que les exécutions réalisées par la Résistance le furent sur ordre de l'Etat-major suivant la nécessité d'éliminer les traitres et les Collaborateurs. L'argent prit à ces derniers se justifiait pour subvenir aux besoins de la Résistance. Il s'indigne de l'acquittement du général Weygand et de l'amiral Abrial, alors que d'authentiques résistants sont en prison. Blucher espère un grand rassemblement de protestation le 22 août 1948, lors de l'inauguration du Monument à la Résistance Audoise au square Gambetta, en présence du général Zeller.

Une détention provisoire qui dure

Le préfet prend l'affaire au sérieux lorsque les communistes envisagent de forcer les portes de la prison de Carcassonne afin de faire libérer les 7 détenus. Il décide donc de les transférer à la prison de Béziers avec l'accord du procureur François Pastour et s'inquiète auprès du ministre, de la résolution signée par 350 FTPF afin de hâter la procédure. L'avocat des prévenus Maître L. Mas, n'obtient pas la requalification de ses clients de prisonniers de droit commun en prisonniers politiques. Après un an de détention, la colère monte et le Conseil général intervient à son tour. 

Dans le journal communiste "La voix de la patrie", Jean LLante attaque le 5 août 1949 son collègue député l'abbé Gau - ancien résistant - après ses propos tenus à l'Assemblée nationale au sujet des détenus.

" J'ai cité à deux reprises et mon collègue M. Llante y a fait allusion, le cas de quatre résistants de ma région qui sont emprisonnés pour crime de droit commun. Il ne m'appartient pas de révéler ce qui figure dans le dossier, mais les crimes qu'ils ont commis sont épouvantables. Le Parti Communiste demande leur libération. C'est une honte !

L'affaire est dépaysée

Le 10 octobre 1949, le préfet demande au procureur de dépayser l'affaire

"Elle a servi en effet d'agitation au Parti Communiste et les récents évènements du 2 octobre à Carcassonne prouvent que ce parti cherche à donner quelque vitalité à ses manifestations sur la voie publique."

Le 3 décembre 1949, il écrit au Ministre de l'Intérieur pour le renvoi devant une autre juridiction formulée par le parquet général de Montpellier auprès de la Cour de cassation. Le 6 juillet 1950, on apprend que les accusés seront jugés devant le tribunal militaire de Bordeaux. Ce procès n'interviendra que le 14 novembre 1950 ; le 8 septembre les inculpés avaient remis en liberté provisoire.

Le procès à Bordeaux

Chiavacci

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Le tribunal militaire de Bordeaux en 1953

Le 14 novembre 1950, ils sont huit à comparaître dans le box des accusés. Trois d'entre eux avaient été déjà condamnés aux assises pour avoir, révolver au poing, volé des plaques d'or chez un dentiste de Limoux. L'audience se déroule donc sur le Cv des inculpés.

Le premier, Michenet, actuellement employé des PTT explique :

- J'ai été incarcéré le 15 mai 1940, par les autorités françaises pour avoir distribué des tracts contre l'armée Allemande.

Cette déclaration liminaire fait sursauter le tribunal et c'est le commandant Raymond qui rectifie :

- Pour avoir démoralisé l'armée française, ce n'est pas pareil. A ce moment-là, il y avait des soldats français qui se faisaient tuer.

Michenet poursuit :

- J'ai été chef-adjoint de la police politique à la Libération. J'étais sous les ordres de "Louis" et du commandant Bourga jusqu'en novembre 1944.

Le commandant Raymond intervient : "La défense a dit tout-à-l'heure que c'était à ces hommes que le tribunal devait de pouvoir siéger en ce jour. Quels sont donc les titres des accusés ?

Pour ma part, répond Michenet, j'ai fait un travail d'instructeur et je n'ai pas combattu les Allemands d'homme à homme.

Quant à Chiavacci, il fait un retour sur son passé : "abord enfant de troupe, puis élève à l'Ecole d'application Fontainebleau, il finit, après une tentative infructueuse pour devenir commissaire de police, par être exploitant de cinéma. Arrêté par la Gestapo, je fus, dit-il, libéré par la Croix-Rouge, le 19 août 1944.

Le Président rappelle que, pendant un temps, Chiavacci fut soupçonné d'avoir été un dénonciateur mais que les faits n'ont pu être prouvés. Depuis, l'accusé a quitté le Parti Communiste parce que, dit-il, c'était contraire à ses idées. Ses contacts avec les Allemands ? L'accusé indique au commandant Raymond qu'il appartenait au service de Kervanoel.

Cartier, membre des FFI du 10 juin au 2 août 1944 ; Lafforgue, Coronas, Mounié, Molinié, qui entrèrent dans les maquis à des époques diverses, affirment qu'ils ont combattu l'occupant presque tous dans les mêmes circonstances. C'est-à-dire lors de l'attaque de la colonne ennemie qui se réfugiait en Allemagne.

Lafforgue en août 1944, sabotait les voies ferrées tandis que Mounié sabotait des camions et effectuait des parachutages. Quant à Molinié : "Je ne voulais pas, dit-il, travailler pour les Allemands car il fallait travailler le dimanche." Il rejoignit le maquis et fit, d'après ses affirmations, des sabotages de locomotives à Bédarieux. Nouyer, enfin, appartint successivement à plusieurs maquis. Disons encore à l'avantage des accusés que plusieurs d'entre eux, notamment Mounié et Molinié ont, après le départ des Allemands, participé au sauvetage d'aviateurs britanniques tombés en montagne.

Les inculpés se renvoient les responsabilités et la défense dépose des conclusions tendant à écarter l'accusation de vols en ce qui concerne Mounié, Coronas, Lafforgue et Cartier.

Le verdict

Au terme du procès les accusés sont acquittés le 18 novembre 1950. Le préfet de l'Aude informe le Ministre de la défense par courrier le 5 décembre 1950, que la population de Carcassonne est fort mécontente de la décision du tribunal militaire. Que celle-ci est due à la pression incessante du Parti Communiste pour obtenir ce résultat

Il y a lieu de signaler que durant la détention des suspects, la Fédération communiste de l'Aude ne cessa d'alerter l'opinion publique pour protester contre ce qu'ils appelaient l'arrestation illégale des résistants de Limoux. Il ne se passait pas de semaine sans qu'un article de presse ne vienne rappeler l'activité des intéressés dans la Résistance et critiquer violemment l'attitude du gouvernement dans cette affaire. (...) Le sentiment qui prédomine dans l'esprit public est que la campagne d'intimidation organisée par le Parti Communiste porta ses fruits et que les juges du tribunal de Bordeaux ont été impressionnés par les pétitions, lettres adressés en masse au moment du jugement par les organisations d'obédience communiste.

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Une place dans Carcassonne à un héros historique qui n'a jamais existé !

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Qui pouvait bien être ce Davilla, dont une de nos places les plus illustres porte le nom depuis 1899 ? Selon Louis Fédié (1815-1899) - Conseiller général de Couiza et membre éminent de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne - ce personnage était Premier consul de la ville en 1355. Au moment de l'attaque du Prince noir qui dévasta la Ville basse, Davilla se serait porté à la tête des milices bourgeoises pour défendre Carcassonne et aurait été tué héroïquement. 

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Le 2 novembre 1355, le Prince de Galles se présente devant Carcassonne ville basse, et somme les habitants de se rendre à discrétion. La défense pourrait être essayée du côté du Midi et du Levant ; mais du côté du Nord et du couchant, la résistance était impossible. Les Consuls et les chefs des Corporations offrirent vingt-cinq mille écus d'or pour rédimer la ville. (...) Le Prince de Galles refusa, et attaqua la ville. La résistance fut des plus énergiques et le gros de l'action se concentra à la porte de Toulouse. Attaquée par une forte colonne d'assaillants cette porte fut défendue avec le plus grand courage par les milices et les bourgeois armés. A la tête des défenseurs on voyait le premier Consul Davilla, qui revêtu de ses insignes de cérémonie, donnait l'exemple d'une héroïque résistance. Les Anglais parvinrent à forcer le passage, et le Consul Davilla fut tué sur la brèche.

(Louis Fédié / Histoire de Carcassonne / 1886)

Fort de cette information qui n'a jamais pu être vérifiée, la ville de Carcassonne donne le 30 juin 1899 à l'ancien rond-point de la Porte de Toulouse, le nom de Place Davilla. Aucun historien n'a pu retrouver le document sur lequel s'est appuyé Fédié pour citer Davilla. Il n'empêche qu'une plaque commémorative fut placée le 6 janvier 1900 sur l'un des piliers de la Porte de Toulouse.

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Dans les années 1950, la plaque fut déposée afin de mettre fin à la légende. Selon l'hypothèse de Jean Sarrand, communiquée dans le bulletin de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne en 1976, l'erreur proviendrait d'une mauvaise lecture de Fédié. Il s'agirait d'Arnaud de Villar, lieutenant du sénéchal de Carcassonne en 1348. Selon une autre hypothèse, ce serait une inscription en occitan dans le texte qui l'aurait induite en erreur "Lo consul da villa" - Le Consul de la ville. Si la plaque fut enlevée, la place demeure encore avec le nom de Davilla. Restait à savoir ce qu'elle était devenue... Un historien amateur de la ville l'avait récupérée ; son fils la garde soigneusement dans son jardin depuis ce temps.

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Jacques Blanco vient de la retrouver et tel le pêcheur qui présente fièrement sa prise au photographe, il pose pour la postérité avec la sienne. Gageons que l'illustre secrétaire des Amis de la Ville et de la Cité ne finisse pas "Premier Consul" comme Bonaparte. Avec son violon d'Ingres, voyez un peu le tableau !

Sources

Louis Fédié / Histoire de Carcassonne / 1886

Les Audois / Dictionnaire biographique / 1990

Photos

Jacques Blanco

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La destruction de l'Hôtel Dieu (XVIIIe siècle) et de sa chapelle en 1977

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La municipalité Antoine Gayraud qui avait inauguré le nouvel hôpital général en bordure de la route de Saint-Hilaire, se demandait ce qu'elle pourrait faire du vieil Hôtel Dieu. Le bâtiment construit au XVIIIe siècle sur le boulevard Camille Pelletan avait fini par devenir insalubre et la chapelle attenante n'accueillait plus guère de fidèles.

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Sans aucune consultation des associations du patrimoine, la ville décida que tout serait rasé et que l'espace ainsi dégagé servirait de parking. Il fut un temps envisagé d'y édifier un nouvel hôtel de ville, mais le conseil municipal fit l'acquisition de l'Hôtel de Rolland dans la rue Aimé Ramond. On enterra le projet et pendant deux ou trois ans, l'espace vacant fut transformé en parking anarchique. Qu'allait-il advenir de cet endroit ? C'est à cette époque que la ville sortit du chapeau la construction d'une salle polyvalente qui prit le nom de "Salle du Dôme".

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L'entrée de l'Hôtel Dieu

Il ne reste plus aujourd'hui que la porte monumentale dans la rue Georges Brassens. Les armes sur le fronton avaient été burinée pendant la Révolution Française.

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Les travaux de démolition conduit par l'entreprise Depaule débutèrent à Pâques 1977. Dans un premier temps, seul l'Hôtel Dieu fut rasé. 

"Le vieil hôpital n'est plus. Il s'est éteint sous les coups d'une pelle mécanique, après de longues années d'activités. Mais personne ne regrettera ces vieux bâtiments qui ne pouvaient plus remplir les services qu'on était en droit d'exiger d'eux. Peu à peu les murs s'abattent, des milliers de tonnes de matériaux sont évacués et table rase est faite. (...) Mais les démolisseurs ont encore du pain sur la planche. Un mois sera nécessaire pour venir à bout des vieux murs dont l'épaisseur est de quatre-vingt centimètres. Des rampes d'accès sont aménagées pour permettre à la pelle mécanique de les atteindre dans une débauche de bruit et de poussière.(...) Bientôt, à cet emplacement, un parking agrémenté d'espaces verts, fera oublier aux riverains qui bénéficieront d'une vue agréable, les autres murs gris qui bouchaient l'horizon." (L'indépendant)

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L'abbé Jean Cazaux intervint afin de tenter de sauver de la destruction du Dôme de l'Hôtel Dieu. In-extremis, il parvint à ses fins. Aujourd'hui, personne ne conteste la conservation de ce vestige qui sans son action aurait été détruit. Des balustres en marbre de Caunes-Minervois provenant du Dôme ont été sauvés ; ils se trouvent dans le choeur de la cathédrale Saint-Michel.

"Seul demeurera de cet ensemble le magnifique dôme qui, rappelons-le, est un monument classé. Sa conservation rend d'ailleurs le travail des démolisseurs tout autour très délicat. De nombreuses précautions sont nécessaires pour faire disparaître les murs qui l'entourent et laissant apparaître les voûtes qui le soutiennent. Des contre-forts en forme d'escalier renforceront ces voûtes."

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Ce ne sont pas les incantations de l'Indépendant qui purent sauver la chapelle. La mairie décida quelque temps après, de l'abattre sans autre forme de procès. Sur la photo ci-dessus, on aperçoit à l'extrême gauche les anciens bâtiments de la "Carcassonnaise gymnastique". Il ont été rasés à la fin des années 80 ; c'est aujourd'hui un immeuble d'habitations qui accueille au rez-de-chaussée les activités du Club de l'âge d'or du Dôme.

"Avouons qu'il serait dommage que ce bâtiment disparaisse alors qu'il pourrait devenir une belle salle de spectacle. Gageons que l'ajournement de cette décision est de bon augure."

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© Droits réservés

Vue côté rue Georges Brassens

"C'est avec plaisir que les riverains du "feu" hôpital, dont il ne reste maintenant que les cendres, ont revu ces jours-ci la pelle mécanique. En effet, depuis quelques mois, ils se demandaient si les travaux d'aménagement du parking n'étaient pas enfouis sous les décombres. En fait, ces travaux avaient pris du retard du fait de problèmes dans la consolidation du dôme aujourd'hui en mesure d'être terminée.

Espérons que l'aménagement des terrassements du parking vont maintenant reprendre de plus belle, avec, parallèlement, la création d'espaces verts. Les automobilistes s'impatientent d'autant que la crise du stationnement à Carcassonne s'accentue de jour en jour. Il n'est même plus facile de trouver une place sur les boulevards les jours d'affluence." (La dépêche du midi)

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© Google maps

L'Hôtel Dieu du XVIIIe siècle et la chapelle attenante ont été rasés pour rien. Il ne reste aujourd'hui qu'un misérable parking. Quant à la salle du dôme édifiée en 1983, elle n'a jamais répondu aux exigences de son temps : expositions, gymnase, salle de spectacle...

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La construction du Palais des congrès de Carcassonne (Salle du dôme)

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Après la démolition de l'Hôtel Dieu et de la chapelle attenante en 1977, l'espace ainsi dégagé servit pendant de long mois de parking anarchique. La ville venait de raser trois siècles d'histoire sans réel projet sinon celui d'une hypothétique nouvelle mairie - vite abandonné - et d'un parking avec espaces verts. Tellement ils ont aimé le patrimoine de Carcassonne, qu'une partie des vestiges de l'Hôtel Dieu a été passé au pilon pour construire la nouvelle rocade ; l'autre partie, se trouve actuellement dans un champ à Berriac à proximité du chemin de Canteloup. Vous y retournerez les pierres de taille de l'ancienne chapelle du Dôme, dont nous avons publié des photographies hier. D'après des témoins, il semblerait même que le propriétaire chercherait à en tirer profit...

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© Droits réservés

Maquette du Palais des congrès 

Le bulletin municipal "Vivre à Carcassonne" de 1981 présente le projet de construction d'un Palais des congrès, sur le terrain de l'ancien Hôtel Dieu dont on avait conservé le dôme.

La création de la Salle du Dôme sur le terrain laissé libre par la démolition de l'ancien hôpital, complète le projet initialement inscrit au Programme municipal de 1977 et deviendra effective dès 1983. Cette réalisation souhaite répondre à un besoin croissant et au désir de créer un pôle attractif réel et puissant, proche du coeur de la ville. Pour se faire, l'ensemble doit permettre un grand rayonnement d'activités et s'adapter à une série de programmes diversifiés, la capacité de la grande salle étant de 3000 places assises.

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La ville demande à l'architecte Castella de faire plusieurs propositions afin que les habitants puissent donner leur avis. Ce sont au total sept variantes qui seront présentées au public. Ce Palais des congrès qui n'est autre qu'une salle polyvalente doit pouvoir accueillir du sport, des meetings électoraux et syndicaux, des expositions, des spectacles et des réceptions.

Cette Salle du Dôme adossée aux murs aveugles des bâtiments existants du Bureau d'Aide Sociale, est conçue pour s'intégrer au tissu urbain de ce quartier et pour transformer cette vaste esplanade en un lieu de rencontre privilégié. Le point fort de la composition sera donné par le Dôme de l'ancienne chapelle, fortement typé architecturalement, qui deviendra l'accès de ce ensemble.

De part et d'autre de cette entrée se trouveront les pavillons de l'Aude et du Tourisme ; à deux pas du Centre-Ville et face à la Cité médiévale, ils seront idéalement placés pour présenter les richesses touristiques et les produits régionaux.

Les volumes volontairement bas des constructions s'intégreront aux bâtiments voisins en mettant en valeur les parties anciennes existantes ainsi que la ceinture verte qui caractérise le périmètre du Centre-Ville...

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Les sept variantes présentaient une salle de 3000 m2 avec une jauge pour les spectacles allant de 1600 à 2000 places. Nous sommes loin des 3000 places assises annoncées. Ce que les projets avaient en commun :

Utilisation du Dôme comme entrée, servant de distribution

Galeries de verre

Places de parking : 60, soit le nombre de places occupées en moyenne

3 petites salles de 150 m2 chacune et des bureaux. 

2 pavillons "Tourisme" et "Produits régionaux"

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La construction de la Salle du Dôme

Vous remarquerez que le projet d'intégrer le vestige de l'Hôtel Dieu dans le chantier pour en faire l'entrée principale de la Salle du Dôme, n'était pas sot. Or, aujourd'hui la salle est totalement dissociée de ce Dôme, dont beaucoup se demandent encore ce qu'il fait là. Seuls, les vieux Carcassonnais et les historiens locaux en connaissent l'origine. Sous ce dôme, on peut observer une représentation des apôtres du Christ datant du XVIIIe siècle - elle est livrée à la fiente des pigeons. Les pavillons "Tourisme" et "Produits régionaux" ont disparu. En fait, ils n'ont jamais été construits.

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En mars 1983, lors des élections municipales, la Salle du Dôme n'est pas achevée. La liste "Carcassonne avenir" menée par le candidat d'union de la droite Raymond Chésa, s'en prend à la réalisation de la municipalité sortante. Quand Raymond Chésa prend la mairie, il critique - de ses propres mots - l'héritage que lui ont laissé les socialistes. Selon le maire, la Salle du Dôme n'est pas un Palais des Congrès, mais une salle polyvalente qu'il faudra rentabiliser. Le coût de l'opération étant trop élevé, le conseil municipal revoit à la baisse les prétentions du projet.

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L'intérieur de la salle en construction

Pendant les premières années, on y verra surtout les spectacles sur glace d'Holiday on ice. La salle sera également occupée par les matchs de handball du HBCC qui jouait à cette époque en Nationale 2. Du côté des expositions : salon du mariage, salon de l'habitat, etc.. Impossible toutefois d'y faire des congrès, ni des foires expositions comme cela était prévu à l'origine. 

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La marotte des politiques sur le Palais de Congrès dure depuis 40 ans. En 1986, c'est à cause de l'escroquerie Orta sur la construction d'un Palais des congrès à l'île, que la ville s'est endettée de 20 milliard de francs pendant 20 ans. La taxe foncière a plombé sérieusement les finances des ménages pour rembourser cette somme astronomique, sans compter les intérêts. Aujourd'hui, le maire de Carcassonne transforme la Salle du Dôme en Palais des Congrès, après l'arrêt du projet du cinéma Odéum pour cause de désamiantage - présenté en 2009 aux Carcassonnais. Sans vouloir jouer les rabats-joie, faire et défaire c'est toujours travailer... mais avec l'argent du contribuable.

"En attendant d'en savoir un peu plus sur son coût – le projet est estimé à environ 2 M€ – le futur Dôme serait avant tout une salle modulable. Un outil capable d'accueillir plus de 900 personnes en configuration restaurant, de 70 à 130 box en mode salon, plus de 700 personnes réunies en congrès et enfin une salle de spectacles pouvant accueillir 1 800 personnes assises. Pour parvenir à boucler ce budget, la ville entend donc faire participer l'Agglo, le département, la Région et l'État. Mais désormais quid de l'Odéum ? «Je persiste à penser que nous aurions dû en faire un centre des congrès dès 2009», a rappelé Gérard Larrat. Les circonstances en ont décidé autrement. Mais quelques années et 700 000 € euros plus tard, l'ancien cinéma, désamianté à grands frais, reste une coquille vide. Alors, pour le faire revivre, le maire de Carcassonne évoque deux pistes : en faire un bâtiment dédié aux associations ou bien un centre d'accueil universitaire."

(La dépêche / 11 décembre 2015)

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