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La cavale du tortionnaire de la Gestapo de Carcassonne, le 18 août 1944

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René Lucien Bach, né le 11 juillet 1921 à Voerderlingen de Guillaume et de Julie Fisher. Il est de nationalité française. A l’âge de trois, il déménage avec ses parents à Metz et habite à Montigny-les-Metz, 88 rue de Reims, jusqu’à l’âge de 18 ans. Après ses études primaires, il quitte à 17 ans l’école normale pour suivre des cours de comptabilité à l’école Pigier. 

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René Bach à Carcassonne lors de son procès

A la déclaration de guerre, Bach s’engage à Metz dans la Marine Nationale pour une durée de cinq ans. Il est ensuite dirigé vers Rochefort à l’école des Fourriers jusqu’en mars 1940. Est-ce à cet endroit qu’il rencontra sa future épouse, native de Saintes ? De Rochefort, il est affecté à Cherbourg où il est embarqué sur le contre-torpilleur Guépard. Débarqué le 1er décembre 1941 à Toulon, il restera jusqu’au 1er janvier 1942 au quartier général de la marine à Marseille. Muté à l’intendance maritime de Toulon avant le sabordage de la flotte en novembre 1942, Bach se replie sur Annecy avec le service de la solde où il restera jusqu’au 16 avril 1943, jour de sa mise en congé d’armistice.

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C’est à l’occasion d’une annonce passée dans « Le lorrain » de Riom afin de trouver un emploi, que René Bach reçoit plusieurs propositions. Il opte pour la plus rémunératrice, à savoir celle émise par la Kommandantur de Carcassonne offrant 2400 francs mensuels à l’essai, puis de 3000 francs. Ce quotidien catholique lorrain paraît en zone libre sous le nom de « Trait d’union des réfugiés de l’Est » et sera interdit le 23 septembre 1943 par Vichy.

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© David Mallen

Soldat allemand devant l'Hôtel Terminus en 1943

A son arrivée à Carcassonne, Bach se présente à la Kommandantur (Grand hôtel Terminus), puis est détaché en qualité d’interprète à la Feld-gendarmerie jusqu’au 1er novembre 1943. Approché par la police allemande (Sicherheitsdienst) communément appelée Gestapo, il entrera à ce service le 7 ou 8 novembre 1943, comme interprète et chauffeur avec des appointements nettement supérieurs de 4000 francs mensuels. Il y restera jusqu’à son départ précipité de Carcassonne le 18 août 1944, soit deux jours avant la libération de la ville.

Marié le 7 juin 1944 à Saintes avec Jeannine Marcelle Dabin, née le 26 septembre 1926 à Saintes, sans profession. Elle demeurait 31 rue de l’arc de triomphe à Saintes.

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L'appartement de Bach au premier étage

René Bach occupa un logement réquisitionné par la mairie au N° 1 rue Barbès (1er étage) du mois de juin 1943 à la mi-juin 1944, chez Mme Maris Berthe, veuve Griffe âgée de 44 ans. Cette dame signale un homme discret qui n’était pas loquace et avec lequel elle n’a jamais entretenu de relations, en dehors de celles entre un locataire et son propriétaire. Bach rentrait la nuit et se levait le matin à 7 heures pour se rendre à son travail. Il ne venait dans la journée que pour relever son courrier qu’il recevait régulièrement. Ce n’est qu’au cours des quinze premiers jours de juin 1944 que sa femme est venue le rejoindre ; le couple s’est ensuite installé dans une maison de la rue Pierre Curie, à deux pas de la villa de la Gestapo située route de Toulouse.

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© automobileancienne.com

Le 18 août 1944, le couple Bach s’enfuit de Carcassonne pour Metz (lieu de résidence de ses parents) au volant d’une licorne réquisitionnée par la police allemande, appartenant à M. Baret, contrôleur des contributions indirectes. Il prend la direction de Narbonne où il déjeune et couche ensuite à Nîmes. Le lendemain, destination Rocquemaure, ville dans laquelle les fugitifs séjourneront pendant cinq jours. En reprenant la route, toujours en voiture, après avoir passé à Orange, ils prennent la direction de Piolenc.
Ils seront arrêtés dans cette commune le 1er septembre 1944 chez M. Franchi par le gendarme Ulysse Péchoux, âgé de 24 ans. Les activités de Bach dans le département de l’Aude sont inconnues de la gendarmerie d’Avignon, qui dans un premier temps procède à un simple contrôle d’identité. Le couple Bach voyage avec plusieurs malles contenant, outre des effets personnels du quotidien, 32 cartes d’alimentation provenant de personnes déportées en Allemagne, un carnet avec les noms et adresses de juifs, un insigne de la Milice, un brassard FFI et 27 000 francs en billets neufs. Le suspect portait sur lui trois pistolets de calibre 7/65 et 6/35, des chargeurs, des munitions et cinq grenades. Au cours de son interrogatoire à Orange, afin de ne pas être reconnu, il prétexta que ces armes provenaient d’un maquis auquel il appartenait du côté de Chalabre. Bien entendu, lors de son audition à Carcassonne, il s’avéra qu’il les avait prises dans le stock de la police allemande.

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Piolenc (Vaucluse)

L’interprète de la Gestapo de Carcassonne, contrairement à ce qu’il affirma plus tard, n’a jamais eu sur lui la carte vert anis délivrée par la police allemande de Montpellier. Dans son porte-carte, les gendarmes trouvent un ausweiss à son nom délivré le 26 août 1943 par l’Etat-Major allemand et une fausse carte avec sa photographie établie au nom d’Alain Séverac, inspecteur de police. Ce faux document avait été fabriqué par lui-même. Le lieutenant Gilbert Burlin de la brigade d’Avignon qui interrogea Bach en septembre 1944, déclara le 16 juin 1945 : "Je considère Bach comme un homme intelligent, toujours maître de lui. J’ai la conviction profonde que cet individu s’est livré, en collaboration avec les services allemands, à une action anti-française."

Interrogé à deux reprises par M. Million, président du Comité de Libération et d’Epuration d’Orange, son attitude soulève de sérieux doutes. Le premier interrogatoire considéré comme "sévère", ne donne pas de résultats positifs. C’est alors que l’on prend la décision d’envoyer deux gendarmes à Carcassonne, MM. Roussel et Péchoux. A leur retour, ils annoncent "que la prise était la bonne, Bach, faisant partie de la Milice et de la Gestapo." Les rapports envoyés par le 2e bureau des FFI de Carcassonne d’une part, et par la Police politique sont sur point très éloquents : "Bach, René Lucien, né le 11 juillet 1921, interprète et agent de la Gestapo, est un individu très dangereux à l’origine de la plupart des arrestations de patriotes et sympathisants patriotes du département de l’Aude…" Il est même recommandé de prendre des dispositions afin que Bach ne tente pas de se suicider ou de s’échapper…

Fort de ces renseignements, un nouvel interrogatoire est mené ; ne cherchant pas cette fois à nier l’évidence, Bach indique qu’il ne s’expliquera qu’à Carcassonne. Le 23 septembre 1944, sur ordre du chef départemental FFI de l’Aude, le capitaine Raynaud et le lieutenant Chaumont viennent à Orange chercher le suspect qui leur est remis avec ses effets personnels. Madame Jeannine Bach resta détenue à la prison d’Orange avant que l’on ne décide de la relâcher quelques semaines plus tard. En effet, la lettre du 5 octobre 1944 envoyée à Carcassonne afin de savoir ce qu’il convenait de faire de l’épouse du suspect, n’a jamais obtenue de réponse. Voyant qu’elle se trouvait enceinte, il fut décidé de la relâcher. René Bach lors de son jugement en juillet 1945, déclara ne pas avoir d’enfant de cette union.
Madame Bach a toujours avoué qu’elle ne savait rien des activités de son mari. On lui remit ses deux valises qui lui appartenaient et la somme de 27 000 francs qu’elle possédait. Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de Madame Bach par la suite.

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A son retour dans l’Aude, Bach est d’abord interrogé par plusieurs résistants dans la mairie de Villeneuve-Minervois, dont le capitaine Raynaud et Paul Barrière. Depuis le 17 août 1944, le maquis Armagnac sous le commandement du capitaine Raynaud avait fusionné avec le maquis de Citou sous la bannière du Corps Franc Minervois.


Pourquoi Bach n’a t-il pas été directement transporté à Carcassonne ? Au cours de cet entretien, dont il n’existe aucun Pv, qu’a t-on voulu tirer de lui ? Le capitaine Raynaud rapporte que Bach a reconnu avoir reçu la somme de 50 000 francs de Paul Barrière, qu’il ne s’agissait pas d’une escroquerie et qu’il comptait les rendre. Pourquoi la Résistance a t-elle versée cet argent à ce criminel de la Gestapo Carcassonnaise avec pour seul prétexte qu’il avait besoin d’argent en raison de son futur mariage ? Cette déposition de Paul Barrière au procès Bach est assez surprenante, d’autant plus qu’elle ne suscita pas de questionnement de la part du magistrat. La divulgation de cette affaire n’avait-elle pas pour but de faire passer l’accusé pour un traitre, prêt à se vendre au plus offrant ?
Lors du procés, Bach niera avoir demandé de l’argent à Barrière et d’en avoir reçu en retour : "Ces déclarations sont suspectes car il nie même que je sois intervenu pour le faire libérer, alors qu’il l’a reconnu jusqu’à présent, et que Boyer Louis a indiqué que j’étais intervenu en faveur de Barrière et que j’avais obtenu sa libération."

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© Pablo Iglesias 

Bach devant les juges


Dans le cahier manuscrit que Bach écrivit en prison pour sa défense, indiquant les personnes à faire citer, il dit avoir été surpris de voir Paul Barrière en juin 1944 en état d’arrestation car il le connaissait très bien. Il se portait garant de lui. Barrière lui aurait alors dit que la dénonciation venait de Pierrot G d’Espéraza. Grâce à son intervention, Barrière aurait été remis en liberté. De son côté, Paul Barrière qui occupait la fonction d’agent de renseignement au sein de la Résistance (espionnage), affirma que sa libération était due à la manière avec laquelle il trompa les Allemands et à Louis Boyer, le secrétaire de la L.V.F. René Bach n’intervint, selon lui, en sa faveur que parce qu’il pensait être en présence d’un collaborateur victime d’une dénonciation.

Au début du mois de juin 1944, la confiance dans l’issue de la guerre a changé de camp. Les Allemands sont de plus en plus harcelés par les attaques des maquis et s’attendent à un débarquement des forces alliées. D’après la déposition d’Antoinette Marty, sténo-dactylo à la L.V.F, René Bach se plaignait du traitement dont il était l’objet de la part de ses chefs : "J’ai fait venir ma femme. J’ai demandé à ce qu’on me réquisitionne un appartement. Il l’a été mais au bénéfice d’un officier Allemand. Je travaille jour et nuit. Je vais abandonner pour aller planter des choux." Antoinette Marty affirme que Bach fut menacé d’être tué par son chef. Voici qu’elle aurait été sa réponse : "Si vous les mettez à exécution (les menaces), ma femme possède des documents mentionnant des irrégularités commises dans les services de la Gestapo." 
 Bach n’a t-il pas cherché à prendre contact avec la Résistance pour lui offrir ses services  ? Ceci expliquerait qu’il ait touché ce prêt de 50 000 francs (9000 euros d’aujourd’hui) de Paul Barrière avec l'accord de ses chefs, que le couple semblait encore en partie détenir en billets neufs lors de son arrestation à Piolenc. Par ailleurs, les billets neufs provenaient-ils des parachutages alliés ? Il est prouvé que Bach n’a jamais disposé de compte en banque. La Résistance s’est-elle trompée en pensant pouvoir retourner Bach en sa faveur ? Les évènements tragiques de Trassanel début août 44, dans lesquels Bach s’illustrera de sinistre manière contre les maquisards, ne lui donnent pas raison.

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Schiffner à son procés à Bordeaux en 1953

Toutefois, à l’approche de la Libération de Carcassonne, des tentatives de communications s’opèrent entre les parties belligérantes. Arrêté en même temps que Jean Bringer (Myriel) et Aimé Ramond, le Dr Émile Delteil est accusé d’avoir donné des soins à des maquisards dans sa clinique. C’est là d’après les autorités allemandes, la moindre des accusations portées contre lui. La femme du docteur Delteil tente alors de faire libérer son mari par tous les moyens : la préfecture et le Dr Girou, alors président de l’ordre des médecins. Elle finira par obtenir sa libération par le biais d’un amie, proche du SS Scharfûhrer Oskar Schiffner, sous-chef de la Gestapo de Carcassonne. Nous apprenons alors les circonstances de cette opération, grâce au témoignage du Dr Delteil, venu plaider en faveur d’Oskar Schiffner lors de son procès à Bordeaux en 1953.

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"Le président Guille lui pose la question : Quel rôle à joué Schiffner dans votre libération de la prison le 19 août ? Si vraiment j’étais condamné à mort, Schiffner a joué un rôle. Il avait été touché par une amie de ma femme. Le 19 août, vers une heure et demi, il est arrivé à la prison pour nous rendre nos papiers. Il nous a confirmé que nous allions être libérés. Je lui ai dit : « Où sont les autres ? (Sous-entendu, Bringer et Ramond, NDLR). « Ils sont partis ce matin ». Comme il avait été gentil avec ma femme et lui avait permis de venir me voir, je lui ai dit : « Où allez-vous ? » Il m’a répondu, je ne sais pas. Je lui ai demandé ma carte de visite et je lui ai dit, si vous ne pouvez pas passer, venez chez moi, je vous ferai remettre aux autorités militaires régulières." (Le Midi-Libre, 20 mars 1953)

Le sous-chef de la Gestapo Schiffner, criminel de guerre responsable des exactions contre les maquis de l’Aude, fut arrêté. Son procès se tint à Bordeaux en mars 1953 au cours duquel, on le condamna à 20 ans de travaux forcés. Il bénéficia de la mansuétude liée aux relations Franco-Allemandes d’après-guerre, retourna chez lui à Hof (Bavière). Réintégré dans la police allemande de cette ville, l’ancien vice-champion d’Allemagne de boxe en 1927 finit sa vie tranquillement en 1995 à l’âge de 86 ans. (source : Sylvain le Noach)

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Jean Bringer

Pendant que le Dr Delteil était détenu à la Maison d’arrêt à Carcassonne en compagnie de Bringer et Ramond, la Résistance audoise tenta de négocier la libération de ces deux derniers auprès de René Bach. Paul Barrière fit cette déposition lors du procès.

"Lorsque le chef Myriel fut arrêté, par le service de renseignements, nous fîmes plusieurs offres d’argent à Bach pour essayer de faire relâcher Jean Bringer. Nous lui fîmes même dire officiellement par Boyer : Qu’il aurait la vie sauve et un quitus pour la somme de 50 000 francs."

Bach nia qu’on lui fit cette proposition, qu’il aurait accepté pour sauver sa peau. Dans l’article du Midi-Libre de 1945, il est dit que Barrière, qui ne s’était pas rendu au procès comme témoin à décharge, aurait indiqué dans sa déposition que les 50 000 francs auraient été versé à Bach pour faire libérer Mlle Billot, agent de liaison de la Résistance. Or, cette explication ne figure pas dans la déposition officielle. Ceci est illogique puisque Mlle Billot a été arrêtée le 11 juillet 1944, soit un mois après le versement de cette somme.

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Baudrigue au lendemain de l'explosion


Jean Bringer périt avec Ramond lors de l’explosion de Baudrigue le 19 août 1944, soit le lendemain du départ du couple Bach en direction de Narbonne. L’agent de la Gestapo Fernand Fau ayant livré Jean Bringer, sera exécuté par un groupe de trois résistants du Corps Franc Lorraine (Maquis de Villebazy), à Villemoutaussou le même jour. Bach sera interné à la Maison d’arrêt de Carcassonne où il se plaindra que les colis de nourriture qui lui sont envoyés, arrivent ouverts et délestés de leur contenu. La suite nous la connaissons, puisqu’il sera reconnu coupable et fusillé sur le champ de tir de Romieu.

Sources

Procès de René Bach / ADA 11

Midi-Libre / Mars 1953

Midi-Libre / Juillet 1945

Notes de Julien Allaux / ADA 11

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© Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017


L'ancien président de la République René Coty, en visite à Carcassonne

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Après avoir passé le pouvoir en janvier 1959 au général de Gaulle, l'ancien président René Coty entreprit un voyage incognito à travers les Pyrénées, en compagnie de son frère et de sa belle-sœur. Ce périple s'acheva à Vernet-les Bains où l'illustre pèlerin logea à l'hôtel Moderne. Après quoi, il reprit la route avec une escorte de deux motards en direction d'Amélie-les-bains par le col di Fourtou. C'est là qu'il devait rencontrer le docteur Noveau, chef du sanatorium "Al Sola". Une heure plus tard, la voiture redescendait et filait par la route de Perpignan. Après Thuir et Prades, sa DS relia la route de Mont-Louis, puis de Quillan pour rallier Carcassonne par la Haute-Vallée de l'Aude. Ce n'est que vers 18 heures ce mercredi 23 septembre 1959 que l'ancien président de la République descendit en toute discrétion au Grand Hôtel Terminus de Carcassonne. Il demanda à la réception des brochures touristiques de la Cité, car avait l'intention d'aller la visiter le lendemain matin. Averti de cette arrivée, M. Bonnafous, préfet de l'Aude, se rendit au Terminus et demanda audience auprès de M. Coty. L'entretien en tête à tête dura une heure environ, après quoi l'ancien de chef de l'état préféra dîner dans son appartement. On veilla à ne pas le déranger...

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Le lendemain matin à 9h15, avant de faire un rapide tour en voiture dans les lices, le président, qui connaissait la Cité pour l'avoir déjà visitée, souhaita se recueillir dans la basilique Saint-Nazaire. Vers 10h15, il rejoignit son hôtel et repartit avec sa famille et son escorte en direction de Toulouse. Dans la ville rose, il se rendit durant trente minutes à la basilique Saint-Sernin avant de filer vers Paris. Le président René Coty mourra deux ans après d'une crise cardiaque.

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Le Drop 3 : le pétillant de raisin Muscat de la coopérative Muscoop

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A proximité de la gare de l'Estagnol et du Canal du midi se trouve un bâtiment, qui de part son allure ne laisse pas indifférent. Il s'agit de l'ancienne cave coopérative Muscoop dont nous allons tenter de retracer l'historique.

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Dès 1959, les viticulteurs produisant du raisin à partir d'un cépage, appelé Muscat de Hambourg décident de se regrouper. La vente débute par la commercialisation de raisin de table, puis du jus de raisin livré à la confiserie Durand, rue Antoine Marty. En 1962, sous l'implusion de M. Gleizes, sera construite la cave coopérative Muscoop sur un terrain acheté à la SNCF. Ceci afin d'acceuillir les récoltes de près de 280 adhérents. La production de muscat de Hambourg ainsi stockée se montera à près de 45 000 hectolitres par an. Le bâtiment principal d'une surface de 1000 m2 possède une cave de 700 m2. Cette dernière détient par ailleurs une annexe de 2000 m2 avec 10 cuves de 2000 hectolitres en sous sol et une usine de conditionnement en surface. Ce sont près de 50 employés qui y travaillent quotidiennement en 1963.

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Diplômé de la faculté des sciences de Dijon, Gérard Bataille est engagé à Muscoop en 1963 en qualité d'œunologue, chef de fabrication. La cave s'est équipée en cuves stérilisées et a déjà procédé à plusieurs tests sur du jus de raisin pétillant. Gérard Bataille va mettre en musique le muscat de Hambourg sous la forme d'un jus de raisin pétillant: le Drop 3.

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Le jus de raisin était d'abord conservé à température ambiante dans une cuve close de 50 hectolitres. Au moment de la fermentation, l'œunologue surveillait l'évolution afin de maîtriser la teneur en alcool qui ne devait pas dépasser 3°. Le niveau une fois atteint, la fermentation était stoppée et le jus filtré pour en séparer les levures. La mise en bouteille se faisait sous pression dans des flacons de 18 cl fabriqués spécialement par Saint-Gobain. La marque déposée "Drop 3" fut d'abord commercialisée par Suze en bouteille de 80 cl avec la mention "Pur jus de muscat" puis par Berger. Au niveau local, Victor Depaule qui se servait de ces camions comme épicier ambulant, avait cédé certains d'entre-eux à Muscoop. Ainsi, la cave vendait son jus de raisin dans l'Aude, telle une station uvale itinérante. Nous savons que les propriétés du jus de raisins sont excellentes pour l'organisme, car il joue le rôle d'anti-oxidant. Malheureusement celui-ci est très coûteux à produire en raison des techniques de conservation. C'est ce qui va entraîner le déclin et l'arrêt du Drop 3 vers 1975.

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Muscoop s'était également lancé dans la fabrication d'un mousseux: Le royal muscat. Ce vin de muscat brut était produit dans une cuve close et obtenu après fermentation, par l'ajout d'une liqueur de sucre. Le blason de la Cité de Carcassonne figurait en bonne place sur la bouteille.

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A la fin des années 1980, Muscoop ne comptait plus que deux employés. L'aventure innovante, à partir de la transformation du muscat de Hambourg, s'était peu à peu éteinte. La cave ne plus vendait plus que du vin de vrac servant à couper les récoltes en Bordelais, Mâconnais ou encore Dijonnais. Aujourd'hui Muscoop appartient à la cave de la Malepère, mais pour combien de temps encore car il semble ne pas y avoir beaucoup d'activité. Il faudra veiller à ce que l'on ne détruise pas à l'avenir ce bâtiment, fierté des anciens producteurs du muscat de Hambourg.

Sources

Témoignage de M. Gérard Bataille avec l'aide Jacques Blanco

Claude Marquié/ Les dimanches dans l'histoire/ La dépêche

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© Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2017

L'arrestation de Mlle Billot sur le Pont vieux le 11 juillet 1944 par le police allemande

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L'histoire que nous allons vous raconter n'est pas issue d'un épisode de la série télévisée "Un village français". Et pourtant... Il s'agit d'un fait réel qui s'est produit durant l'été 1944 à Carcassonne et qui démontre, s'il le fallait, les énormes risques que prirent certaines personnes pour la libération de la France. Mademoiselle Madeleine Billot née à Gaillac (Tarn), étudiante en pharmacie, venait juste de fêter le 5 juillet 1944 ses trente ans, lorsqu'elle fut arrêtée par la police allemande, interrogée, incarcérée et envoyée en déportation. 

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© Un village français / France 3 (Droits réservés)

Photo d'illustration

Ce mardi 11 juillet 1944 à 14 heures, Madeleine Billot a rendez-vous sur le Pont vieux avec le délégué de l'O.M.A de Montpellier qui possède son signalement. Depuis quelques temps déjà, cette jeune femme est membre du secrétariat régional des Mouvements Unis de Résistance. Ses parents sont pharmaciens au numéro 20 de la rue de Verdun.

"Les hommes étaient plus souvent fouillés dans les gares. J'adjoignis au secrétariat régional, une jeune femme de Montpellier qui prit le nom de "Joseph" et à mon secrétaire Radon, une étudiante de Carcassonne, Madeleine Billot dite "Arsène".

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Arsène, vêtue d'une veste rouge avec un livre à la main descend le Pont vieux en direction de la Trivalle, à la rencontre de son contact. Elle doit l'amener à une réunion des responsables de la Résistance régionale chez M. Mouton, conseiller d'état honoraire. Elle détient également un bon du trésor de 500 000 francs provenant d'Alger qu'elle doit remettre à M. Arnal, agent d'assurances, afin que celui-ci lui remette la somme en liquide payable après la Libération. Ce qu'elle ignore c'est que l'homme avec lequel elle a rendez-vous, a été arrêté le samedi précédent. Sur lui, on trouva un carnet portant les indications suivantes :"A la date du 11 juillet - 2 h - 6 h Carcassonne - Pont vieux - jeune fille blonde veste rouge, livre à la main". Madeleine ne se méfia pas lorsqu'à l'extrémité du pont, elle crut voir la personne qui devait l'attendre ; celle-ci lui prit la bicyclette et l'accompagna. Un peu plus loin, surgit alors un autre individu aux cheveux roux, de forte corpulence, âgé d'une quarantaine d'années, qui l'intercepte : "Police Allemande. Amenez-vous à la réunion". A cet instant, afin de faire diversion, elle donne le bon du trésor à l'individu ayant servi d'appât. Comme si là était la vraie raison du rendez-vous, alors qu'en fait il n'existe pas de lien. 

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© L'Indépendant

Villa de la Gestapo, 67 rte de Toulouse

Quelle réunion, répond-elle ? J'amenais cet ami prendre une tasse de thé chez moi." Madeleine Billot est alors amenée sans ménagement dans les locaux de la Gestapo, situés au N° 67 de la route de Toulouse. Précisément, à la villa qui fut rasée en 2016 malgré mes protestations. 

Où cette réunion devait-elle se tenir ?

Nous avons dû chercher qui était ce monsieur Mouton, avec pour seul indice sa qualité de Conseiller d'état honoraire. Où résidait-il dans Carcassonne ? Paul "Henry" Mouton (1873-1962) était né à Carcassonne et le père de Simone, épouse Cahen-Salvador, qui occupera plus tard la présidence de l'Association des Amis de la Ville et de la Cité. Quant à son domicile, la famille Mouton possédait depuis 1850 le domaine de La Jasso sur la plaine Mayrevielle. Stéphane Rives, l'actuel propriétaire nous le confirma. Voilà donc un endroit bien à l'abri des regards, dans lequel cette réunion devait se tenir. Gilbert de Chambrun dans ses mémoires "Journal d'un militaire d'occasion", raconte l'issue de cette réunion avortée par l'arrestation de Madeleine Billot alias Arsène.

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Le domaine de la Jasso, lieu probable de la réunion clandestine

"Des cartes étaient dépliées sur la table, lorsque nous apprîmes que Madeleine Billot dite "Arsène", membre du secrétariat régional et organisatrice de la réunion, venait d'être arrêtée à quelques centaines de mètres de là... Une femme de chambre de la maison, qui fut témoin de son arrestation, nous alerta. Le fait que la Gestapo devait se douter qu'il s'agissait d'une réunion importante rendit la dispersion difficile. Je contournai la ville avec deux camarades. L'arrivée d'un convoi militaire sur la route, nous fit nous dissimuler derrière un talus. Les camions se suivaient à intervalles rapprochés, escortés par des motocyclistes. Un petit canon tracté fermait la marche. A vue de nez, les effectifs dépassaient ceux d'une compagnie. Les officiers et les hommes portaient l'uniforme bleu. C'était la Milice de Carcassonne qui allait attaquer dans la montagne, un maquis d'une cinquantaine d'hommes, armés de quelques armes individuelles, que nous n'avions aucun moyen d'avertir. Pendant ce temps, la Gestapo nous recherchait dans le quartier du vieux pont. Bringer, chef départemental FFI de l'Aude fut arrêté au mois de juillet. Il devait mourir à la veille de la Libération : les Allemands en retraite l'attachèrent ainsi que Ramond et plusieurs autres résistants sur les caissons de munitions, qu'ils firent exploser. Georges Morguleff le remplaça comme chef départemental FFI, assisté de Meyer dit "Jean Louis", chef départemental adjoint au titre des FTP. Raynaud, Bousquet, chef de bataillon d'active. Maury dit "Frank", chef du maquis de Picaussel."

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© Laurent Denis / FTV - téléstar.fr - Un village français

La Milice française avec son insigne Gamma et l'uniforme bleu

 Qu'est devenue ensuite Mlle Billot ?

Madeleine Billot fut interrogée dans la villa de la Gestapo par les agents de la police allemande : Qui est Philippe ? Où devait se tenir la réunion ? Comme elle ne répondait pas, on l'amena à la salle de bains où elle fut frappée. Quand René Bach entra vers 15 heures, il se mit dans une colère folle contre ses collègues qui s'étaient précipités, plutôt que de la suivre pour savoir où elle allait. Mlle Billot raconte :

"J'ai été amenée à lui faire remarquer s'il n'avait pas honte de laisser maltraiter une femme. Il m'a répondu que si j'avais parlé, cela ne me serait pas arrivé. Quant à lui, je ne crois pas qu'il m'ait frappée. S'il l'a fait, il a pu me donner quelques coups parce que les horions et les gifles pleuvaient sur moi."

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© Pinterest - Un village français

Interrogatoire du SD (Gestapo)

Conduite ensuite à la Maison d'arrêt de Carcassonne entre 19 heures et 20 heures, elle fut à nouveau interrogée par Bach le lendemain. Ceci, dans le but de tenter de la faire parler. Malgré son habileté, l'interprète de la Gestapo n'y arriva pas. Toutes les enquêtes et interrogatoires n'ayant rien donnés, Madeleine Billot fut transférée à Montpellier le 20 juillet 1944, puis dirigée sur Romainville le 31 juillet. Le 15 août 1944, elle était déportée vers le camp de Ravensbrüch en Allemagne.

"Dès que je suis arrivée au cap de Ravensbrüch, toutes les femmes ont été déshabillées et dépouillées de tous leurs bijoux et des valeurs qu'elles pouvaient porter. Tout ce que nous avions a été confisqué et nous n'avons jamais pu retrouver trace de quoi que ce soit. Nous avons été habillées d'une culotte, d'une chemise et d'une robe légère. Ces vêtements appartenaient à l'administration allemande. Dans le camp, nous nous levions à trois heures et l'appel durait une heure ou deux. Nous faisions des corvées de sable, de pommes de terre et de bois. Nous logions dans des baraques et nous couchions à trois par lit. Une ou deux fois par semaine, il était procédé à des appels qui duraient de 18 heures à l'heure très avancée de la nuit. Comme nourriture, on nous donnait une boisson chaude dès le réveil, une soupe à midi et le soir. Nous étions gardées soit par des soldats SS, soit par des femmes SS, soit encore par la police intérieure du camp qui était faite par des prisonnières polonaises. Cette vie était douce en comparaison de celle de Rönigsberg où nous étions employées à la construction les unes d'une route, les autres d'un camp d'aviation. Nous étions obligées de travailler également 12 heures par jour, par tous les temps : pluie, neige et froid. Nous étions aussi battues pour les motifs les plus futiles et nous vivions dans des conditions d'hygiène déplorables."

Madeleine Billot passera par plusieurs camps : Torgau, Ravensbruch et Roenigsberg. C'est dans ce dernier camp qu'elle fut libérée par les Russes le 5 février 1945. D'après les archives de la Résistance conservées à Paris, Mlle Billot se mariera avec M. Saint-Saëns. Qu'est devenue ensuite cette personne ? Contrairement à ce qu'affirme la délibération du Conseil municipal de Carcassonne du 28 juin 2012, afin de lui attribuer un nom de rue, Mlle Billot n'est pas morte dans un camp. Rendons grâce à la ville de lui avoir donné le nom d'une artère, à côté de celle de Paul Henri Mouton, à la zone de la Ferrandière. Il est cependant regrettable qu'aucun panneau n'indique à cet endroit ce qu'elle fut.

Sources

Service historique de la défense / GR 16 P

Procès de René Bach / ADA 11

Journal d'un militaire d'occasion / G. de Chambrun / 1982

Notes, synthèses et recherches / Martial Andrieu

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Le timbre en hommage au savant Carcassonnais Paul Sabatier, Prix Nobel de chimie

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La constitution d'un comité pour l'érection d'un monument à Paul Sabatier, présidé par M. Sarcos, suscita un regain d'intérêt pour le savant natif de Carcassonne. Un an avant que le buste sculpté par Yvonne Gisclard-Cau et Paul Manau ne soit inauguré au square Gambetta, la Poste allait mettre en circulation un timbre en hommage au Prix Nobel de chimie de l'année 1912.

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© Wikitimbres.fr

Tiré à 2,3 millions de séries, ce timbre de 30 francs et couleur verte présente le chimiste avec l'invention qui lui permit d'obtenir le Prix Nobel. Il fut dessiné par Pierre Gandon. Le 7 avril 1956, la recette principale des PTT à Carcassonne ouvrit ses bureaux afin de proposer l'oblitération 1er jour. Ce n'est que deux jours plus tard, que le nouveau timbre sera mis en vente dans les postes et bureaux de tabac.

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© timbres-sur-ordonnances

L'enveloppe 1er jour oblitérée à Carcassonne le 7 avril 1956

Le groupe philatelliste de Carcassonne, sous la présidence de M. Bru, fournit pour cent francs une carte ou une enveloppe 1er jour.

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L'appareil de transformation par catalyse du pétrole brut en essences légères

Né à Carcassonne le 3 novembre 1854, Paul Sabatier était le septième enfant d'une famille de commerçants, domiciliés dans un immeuble de la rue Chartand. Intelligence primesautière et goût très approfondi de l'observation, il fut un brillant élève au lycée de Carcassonne emportant tous les premiers prix. Son oncle maternel, professeur de mathématiques au lycée de la ville, fut nommé à Toulouse et y prit son neveu. Là, Paul Sabatier obtint son baccalauréat sciences et lettres et prépara l'examen d'entrée à Polytechnique au Collège Sainte-Geneviève à Versailles. Reçu premier à l'agrégation des sciences physiques alors qu'il n'avait pas encore 23 ans, il devint préparateur de chimie du physicien Berthelot au Collège de France. Docteur es-sciences en 1880, maître de conférences de la Faculté des Sciences, il avait été élu doyen de la Faculté de Toulouse en 1905. Mis à la retraite en 1930, il continua son activité par l'organisation dans la région toulousaine de l'Institut Electro-Chimique. Ses études sur la catalyse électro-chimique et en chimie organique font encore autorité dans le monde scientifique. Traduits en toutes les langues, elles sont le plus puissant ouvrage du genre. Paul Sabatier mourra le 14 août 1941 et sera inhumé au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne.

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Dénoncés à la Gestapo pour avoir écouté Radio-Londres, rue Laraignon

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Les époux Vinsani menaient une existence ordinaire et discrète à Carcassonne pendant l’Occupation. Ni la Milice française, ni la police allemande n’étaient au courant que le mari avait durant la guerre civile espagnole, soigné des Républicains et partageait des idées communistes. Ce couple aurait bien pu ne pas être inquiété s’il n’avait pas été dénoncé par Madame Marguerite S, habitant rue Laraignon et serveuse de son état ; la voisine d’à côté, qui ayant la cuisse légère s’amusait à recevoir des soldats allemands chez elle. Madame Vinsani excédée par le vacarme quasi quotidien engendré par ce remue-ménage, eut le malheur de se plaindre auprès de cette sans-gêne. Se sentant sans doute protégée par sa collaboration horizontale, la voisine lui répondit alors : "Et vous ? Lorsque vous faites marcher Londres jusqu’à une heure du matin… Je vous dénoncerai à la Police allemande !"

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© Pinterest / Un village français

Le 4 juillet 1944 vers 19h45, deux allemands en civil se présentent au domicile des époux Vinsani alors que ceux-ci sont en train d’écouter Radio-Londres en langue italienne. Inutile de préciser qu’il était formellement déconseillé de se livrer à ce type d’activité, au risque d’être dénoncé. C’est sans aucun doute ce qu’il arriva après que la voisine eut prévenu la Gestapo. Sans aucun ménagement, les agents perquisitionnent la maison et amènent Monsieur Vinsani dans une des geôles de la caserne Lapérine. Son épouse l’accompagne, mais il lui est signifié de se rendre le lendemain dans les locaux de la Gestapo, au numéro 67 route de Toulouse.

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© Pinterest / Un village français

Après avoir pris soin de faire brûler chez elle les documents qui pouvaient compromettre son mari, madame Vinsani se rend à 9 heures du matin au rendez-vous. Elle est accueillie fraîchement par deux allemands : le chef est brun, c’est Eckfellner ; l’autre est blond et lui sert d’interprète sans toutefois parler correctement le français, c’est Schiffner. On lui pose alors tout un tas de question. Elles s’enchaînent les unes après les autres sans que parfois l’on prenne même le temps de la laisser y répondre : "Où avez-vous connu votre mari ? Depuis quand êtes-vous mariée ? S’est-il rendu en Espagne ? Est-il Communiste ?" A ce flot d’interrogations, madame Vinsani répond qu’elle a connu son futur époux à Perpignan, qu’elle s’est mariée avec lui voilà cinq ans à Maureillas (Pyrénées-Orientales). Elle nie ses déplacements en Espagne et ses idées Communistes.

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© Pinterest / Un village français

Préparée à l’avance, on cherche à lui faire signer une déposition rédigée en langue allemande. Elle comprend que les perquisitions chez elle n’ayant rien données, la police allemande use d’un subterfuge pour obtenir des aveux. Elle refuse donc d’apposer sa signature sur un document dont elle ne comprend pas le sens. On la fait descendre au rez-de-chaussée dans une pièce où elle reste un moment sans que l’on s’occupe d’elle. Au bout d’un instant, madame Vinsani est invitée à passer dans une autre pièce où l’attendent Schiffner et René Bach. Ce dernier, interprète Alsacien de la Gestapo de Carcassonne, lui indique qu’elle est folle et qu’on allait la faire interner à Limoux. Refusant à nouveau de signer, le tortionnaire lui dit alors : "On fera votre maman prisonnière !" Elle bondit de sa chaise : "Vous ne ferez pas une chose comme celle-là !" Eckfellner, le chef de la Gestapo, lui adresse alors un violent coup de poing dans la poitrine qui la fait asseoir sur son siège.
Vers 13 heures, nouvelle demande :

"Voulez-vous signer ?"

"Non" 

"Alors vous prison."

Elle est alors conduite à la caserne Laperrine.

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L'ancienne villa de la Gestapo, avenue F. Roosevelt

Le lendemain, la Gestapo ramène Philippine Vinsani dans ses locaux de la route de Toulouse pour un nouvel interrogatoire. Nouvelle insistance pour la faire signer et nouveau refus. Notons que pour si terrible que furent les autorités allemandes envers leurs prisonniers, jamais elles n’agissaient en dehors des règles du droit dictées par le Reich. Il fallait toujours des aveux signés.

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La cheminée de la villa avant sa destruction en 2016

"Dans la pièce où je me trouvais, se trouvait au coin de la cheminée, un fusil mitrailleur. Le chef de la Gestapo l’a pris en main et s’est mis à parler en allemand avec Bach qui se trouvait assis à un bureau, dont il avait tiré dans le tiroir un révolver qu’il chargeait avec des balles. Toute cette mise en scène a certainement été faite pour m’intimider et me faire croire qu’ils allaient m’exécuter. Ayant eu réellement peur et pris d’envie de vomir. Bach m’a dit : "Vous n’allez pas rendre ici, allez aux WC au fond du couloir." Lorsque je revins, Bach me dit : "Vous allez rester 15 jours sans manger ici." Comme je ne voulais pas signer, il m’a dit qu’on allait contrefaire ma signature. Au bout d’un moment, le chef est revenu porteur de mon sac à main, qui m’avait été retiré au cours de mon incarcération. Bach m’a dit : "Vous êtes en liberté, gardez pour vous tout ce qui a été dit et fait ici, car vous êtes en surveillance, vous ne vous en sortirez pas comme aujourd’hui. Je suis sortie sans signer la fiche et mon mari a été libéré au bout de quinze jours."

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Le couloir de la villa avant sa destruction

Les époux Vinsani ont jugé plus prudent de quitter Carcassonne et de n’y revenir qu’après la libération de la ville. Quant à leur dénonciatrice, elle a arrêtée avec sa sœur puis tondue. Elle écopa de la peine d’Indignité nationale avec confiscation de 20 % de ses biens.

Sources

Procès de René Bach / ADA 11

Jugements de la chambre civique de l'Aude

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Une pierre bien mystérieuse dans la rue Cros-Mayrevieille

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Les mystères de la Cité médiévale de Carcassonne ne se trouvent pas que dans ses antiques remparts. Au mois de février 1970, des ouvriers de M. François Stacchetti travaillent à la rénovation de la boulangerie de M. Bacharan dans la rue Cros-Mayrevieille.

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L'ancienne boulangerie Bacharan

Cette vieille demeure avait appartenue auparavant à la famille Magnou, puis à celle de M. Vidal. Il est question avec l'accord de M. Bourrely, architecte des Bâtiments de France, de donner à son magasin un aspect médiéval. Ceci répond aux efforts des différents organismes souhaitant rendre à la Cité son lustre d'antan. Au cours de cette opération de rajeunissement, il est découvert une traverse d'époque Renaissance datée de 1549. Elle sera placée au-dessus de la porte d'entrée.

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© Los ciutadins

La boulangerie Bancharan avant les travaux 

Par nécessité d'extension et d'unité, M. Bacharan décida d'aménager également un salon de thé. Cette nouvelle transformation permit de découvrir sous un épaisse couche de ciment et de crépi, une inscription portant la date de 1768. Les Bâtiments de France décidèrent d'accorder une subvention à M. Bacharan, ainsi qu'aux commerçants qui animés d'un tel état d'esprit voudront donner à leur magasin et à leur maison, un aspect médiéval.

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La pierre placée dans le linteau de la porte découverte en 1970

Cet esprit aurait-il disparu ? C'est ce que l'on croit voir depuis une vingtaine d'années, avec les nombreuses transformations de maisons en magasins ou restaurants. Il semble que le tiroir-caisse ait force de loi.

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Jean-François Jeanjean (1877-1956), un historien Carcassonnais oublié

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Jean-François Jeanjean consacra sa vie entière à l'étude historique et plus particulièrement celle de notre département. Erudit doté d'un grand talent littéraire, il se distingue d'abord grâce à la biographie d'Armand Barbès qui sera récompensée par la Société de l'Histoire de la Révolution de 1848. Un premier tome paraîtra en 1909 aux éditions Comely à Paris ; le second, chez Gabelle à Carcassonne en 1947. Jean-François Jeanjean est alors Correspondant du ministère de l'Instruction publique, lorsqu'il est admis en 1912 au sein de l'Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne. Il en deviendra le président en 1922, en même temps qu'il occupe les fonctions de conseiller municipal de la majorité Radicale-socialiste du Docteur Albert Tomey. Cet homme très apprécié de ses pairs prononcera l'éloge funèbre du compositeur Paul Lacombe en 1927. Pour un autre Lacombe prénommé Edouard, il avait écrit les paroles occitanes de la chanson "La Carcasssouneso" interprétée par l'Union vocale en 1923. 

Parmi ses publications

Armand Barbès Tome 1 / Editions Comely, 1909

Armand Barbès Tome 2 / Imprimerie Gabelle, 1947

La dénomination des rues de Carcassonne / CM, 8 juin 1920

Les étreintes, poésies / Imprimerie Gabelle, 1939

La guerre de Cent ans en pays audois / Imprimerie Gabelle, 1946

Guizot et Mahul dans leurs relations politiques / Imprimerie Gabelle, 1916

Proclamation de la République dans le département de l'Aude / Gabelle, 1920

Le roman d'amour de Lamartine / Gabelle, 1912

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 En 1927, Jean-François Jeanjean ouvre une librairie-bouquiniste dans la rue de la mairie (Aimé Ramond). C'est d'abord une bibliothèque de location, mais on y trouve également des livres d'occasion à la vente. Quand vient la période de la rentrée scolaire, le magasin connaît une belle affluence. Dans des rayons bien agencés se sont pas moins de 20 000 ouvrages sur des thèmes différents qui sont exposés.

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Après la mort de M. Jeanjean en 1956, la librairie passera entre les mains de Claude Guillemin en 1963. Les Carcassonnais s'y retrouvent pour acquérir les nouveaux romans primés par le Renaudot, ou le Goncourt. Les amateurs, un peu plus fleur bleue, sont attirés par ceux de Magali ou de Delly. Il y en a pour tous les goûts. Les 2000 abonnés pour 2 francs par an et un droit de location, ne se privent pas. Aux vieux livres a fermé depuis ; elle se trouvait juste en face de l'entrée de l'Hôtel de Rolland (actuelle mairie).

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Les vieux marchands de bonbons de Carcassonne

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Il est loin le temps où les jeunes carcassonnais se ravitaillaient à la bonbonnerie Marseillaise de M. Raynaud sur le boulevard des tilleuls (Commandant Roumens). C'était au début du siècle dernier, à côté du Bazar du Bon marché et du café du Helder (café des platanes). Jusqu'à la libération et à la destruction du square gambetta par l'occupant, deux kiosques en pierres se tenaient parallèlement au jardin. Le premier, en face du musée était tenu par M. Andrieu. Le second, celui de Mlle Delphine, lui faisait concurrence en face de la maison Lacombe. Faut dire qu'il fallait du stock en réglisses, guimauves et autres sucettes pour les écoliers du groupe scolaire Jean Jaurès, inauguré en 1928. Ces kiosques ont été détruits comme celui qui à l'identique est resté quelques temps après place Davilla.

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Comme elles étaient délicieuses les sucreries de madame Bourrel... Juste après la guerre, la marchande de bonbons avait posé son étal dans la rue de la gare en face du Continental, pour la grande joie des enfants. Elle vendait des cocos, des bonbons acidulés en forme d'ostie, de la croquande, des sucres d'orge et des cacahouettes qu'elle faisait griller chez le boulanger M. Deveze, 33 rue de Lorraine.

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Le kiosque du boulevard Marcou face à l'école Ste-Marie auxiliatrice

Ce kiosque fut construit grâce à une délibération du conseil municipal en date du 9 novembre 1928, avec jouissance pour une période de 20 ans à M. Cros, résidant rue Clémenceau. Le 30 novembre 1948, il devint la propriété de la ville.

A partir du boulevard Barbès, en face le café du Midi (détruit), il y avait l'étal de madame Gillot surnommée "la japonaise" par les enfants, en raison de sa coupe de cheveux.

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Le vieux kiosque du Palais de justice qui sera rasé en 1959. On construira à l'opposé celui que nous connaissons aujourd'hui, dans un style plus moderne.

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Le kiosque de Mariano Ramon contre le mur du portail des Jacobins fut construit en 1909 pour M. Roucairos. On y vendait des journaux et des friandises pour déguster à la sortie de l'école. Il cessa son activité en 1985 et la transmit à Chantal Julien, habitant à Cazilhac. Au début des années 1990, le kiosque sera rasé lors de l'aménagement en surface du parking Jacobins. Il y avait également un kiosque du même style contre le mur du boulevard Marcou, à gauche en haut de la rue de Verdun. 

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Le marchand ambulant Almazor

Antonio ALMAZOR, exilé espagnol de Catalogne, arrivé en France dans les années 30 en traversant les Pyrénées à pied, engagé à la Légion étrangère au Barcarès, prisonnier en Allemagne lors de la seconde Guerre Mondiale puis libéré, il s'installa à Carcassonne. Avec son épouse, ils montèrent cette confiserie ambulante. De Castelnaudary, au stade Domairon, à la foire près du portail des Jacobins, ils étaient présents avec leur étal de bonbons de la Pie qui chante... ils faisaient de la Croquande. Présents lors des fêtes foraines, des marchés et sur des points stratrégiques, tous deux ont arrêté cette activité pour sillonner les routes de l'Aude, des Pyrénées Orientales et de l'Hérault avec un "tube" transformé en magazin de quincaillerie...

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Antoine ALMAZOR, naturalisé français, retourna en Espagne au milieu des années 70 en tant que touriste après la mort de Franco. Certains carcassonnais fréquentant les stades les jours de match se souviennent peut-être de cet étal de confiserie où l'on vendait aussi des sandwichs. Aujourd'hui décédé, Monsieur ALMAZOR est enterré au cimetière de la Conte

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Coma-Pérez

Plus bas, en face du portail des jacobins, qui n'a pas connu les bonbons de M. Coma puis de son beau-fils, M. Perez? Monsieur Pérez, ici avec son épouse faisaient aussi des crêpes et de la croquande (nougat caramélisé rougeâtre) pour les foires de la Sainte-Catherine (novembre) ou des comportes (mars). Avec son camion, on retrouvait aussi M. Perez pour les fêtes de la cité sur le jardin du Prado près de la porte narbonnaise. A sa suite, c'est leur employé depuis 23 ans, madame Quirant qui a repris l'affaire.

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Madame Quirant et sa fille Nicole, ont installé leur camion plus haut en tournant le dos à la caserne Laperrine. Elles ont étoffé leur stock en vendant des frites, Hot-dog, sandwiches Américains... La plus grande partie de leurs clients étaient les militaires du 3e RPIMA. Ils laissaient leurs listes et venaient ensuite se ravitailler chez madame Quirant. Une affaire florissante à cette époque. Puis après la guerre du Golfe, les militaires ont obtenu le droit d'avoir un appartement en ville. L'arrivée des fast-food et des pizzerias à Carcassonne au début des années 1990, a sérieusement fait chuter le chiffre d'affaire de ce commerce ambulant. La construction du parking souterrain a achevé tout espoir de reprise. On a d'abord voulu exclure ce commerce de son emplacement, puis on l'a mis dans une guérite dont l'exiguité ne permettait pas la poursuite de l'activité. Madame Quirant a jeté l'éponge et ainsi disparut le dernier et emblèmatique marchand de bonbons de Carcassonne.

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L'ancien camion de Mme Quirant ; la cantinière du 3e RPIMA

On pourra également citer Joséphine qui vers 1955 avait son étal de bonbons et de caramels en face de la clinique St-Vincent, sur le boulevard Jean Jaurès. En haut du boulevard Barbès, les glaces du couple Soler qui habitait rue du Cherche Midi. A côté du collège André Chénier, un marchand de bonbons. Mme Arcas fabriquait des sucres d'orge filants aux belles couleurs pastel. Elle les faisait dans sa cuisine au 9 ou 11 rue fortuné. Vers 13 h 30 les jours d'école, elle allait se mettre à côté de Mme Soler sur le boulevard de Varsovie derrière le monument aux morts.

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La reconstruction du Quai Riquet après le massacre et l'incendie du 20 août 1944

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Après le passage des hordes teutoniques composée en majorité de soldats caucasiens enrôlés dans la Wehrmacht, il ne reste plus rien des immeubles logeant le Quai Riquet. Le bilan humain fait état d'une vingtaine de victimes civiles assassinées et de nombreux bâtiments incendiés par jets de grenade. La cause de cette déferlante de haine animée par une armée ennemie aux abois et sur le recul reste floue. Les troupes d'occupation remontant vers la vallée du Rhône ne cessent d'être harcelées et décimées par l'aviation alliée. Ce 20 août 1944, un appareil américain est abattu au-dessus de Grazailles, finit sa chute dans le domaine de Gougens ; son pilote s'éjecte avec son parachute. Il tombera au milieu d'un champ du côté de Pennautier. Les convois Allemands, échaudés par des routes nationales peu sûres, s'aventurent désormais par les départementales. Ce 20 août 1944, jour de la libération de Carcassonne, les troupes nazies passent sous le pont de chemin de fer de la route minervoise, lorsque paraît-il un coup de feu retentit provenant du Quai Riquet. Le convoi s'arrête, les boches tirent sur tout ce qui bouge et franchissent la passerelle du Canal du midi. Ils recherchent l'auteur de l'escarmouche. Sans aucune distinction de sexe, ils abattront ceux qui auront le malheur de se trouver là au mauvais moment. A la suite de la fusillade, l'ensemble des bâtiments logeant le Quai Riquet sera incendié.

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© ADA 11

Les maison Hyvert et Embry après l'incendie

La famille Hyvert s'était retirée à la campagne au-dessus de Grazailles avant le massacre. Au Quai Riquet, elle possédait l'usine de fertilisants Docor-Grazailles (4, rue Buffon) et sa maison d'habitation (11, quai Riquet).

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Les deux bâtiments furent visés par des grenades incendiaires et entièrement détruits avec tout ce qui s'y trouvait à l'intérieur. Seul le grand bâtiment de logements, rue Buffon fut sévèrement endommagé mais pas détruit, Roger Hyvert n'ayant pas les fonds nécessaires pour le réparer l'a vendu a un mécano originaire de Trèbes, il y a installé un atelier de réparation de freins de camions.

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Les bâtiments Docor-Grazailles, 4 rue Buffon

Rue Buffon, il s'agissait à l'origine d'un hangar avec chais pour le commerce du vin.
Sur la façade coté Quai Riquet, il était peint "VINS DU MINERVOIS A LA COMMISSION". Pierre Hyvert avait fait construire vers 1893 cette usine, contre un immeuble d'habitations modestes contenant 21 appartements. Un ami de la famille avait racheté les immeubles aux enchères après la faillite de Pierre Hyvert, consécutive à la crue de l'Orbiel inondant les mines de la Caunette. Georges Hyvert rachetera les immeubles de son père, alors l'ami leur en avait laissé la jouissance contre un très modeste loyer.

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Plan du Quai Riquet avant l'incendie

Le 22 août 1944, un état des lieux est dressé par M. Rimailho, ingénieur des T.P.E. En entrant au rez-de-chaussée, se trouvaient le laboratoire et le bureau. Au milieu de ce cloac, M. Hyvert tente de reconnaître ce qu'il possédait. Des vitrines exposaient une collection de minéraux, roches-types et fossiles-types. Une armoire vitrée contenait des produits chimiques. Parmi les appareils du laboratoire, on devine encore un microscope, un ébullioscope Maligan, un alambic de Salbron, un Alcidi-gypsomètre Belot, un chalumeau de Berzielium, un polarimètre à tourmalines, un pantographe en laiton, un compas "maître de danse" et des balances d'essai. Au coin de la pièce, gisent les restes d'un four de coupelles en briques réfractaires, composé d'un four de fusion pour l'attaque des minerais par voie sèche, et d'un four de coupellation à moufle.

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Dans le garage, il ne reste que les ferrures de scellement d'un meuble ayant contenu le classement des échantillons de la mine de la Boussole. Pareil pour ce buffet, dans lequel étaient conservées les collections de revues scientifiques (Echo des mines, bulletin de l'Industrie minérale, Revue pétrolière, Revue chimique analytique, Mining magazine). Vers le milieu du magasin, un important matériel provenant d'un atelier de fabrication de cannetilles en perles qu'il avait dû stocker là pour libérer un local en avril 1944, lors des évacuations de la Cité.

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La famille Hyvert devant chez elle au Quai Riquet

A la Libération, les Hyvert ont perdu leur outil de travail et leur logement. On réquisitionne un appartement au numéro 4 de la place Carnot chez Mlle Mary, où ils habiteront jusqu'au 31 août 1952. Le 22 décembre 1944, le Service des sinistrés de la mairie, dirigé par M. Caverivière, leur livre une chambre complète avec literie. Ils sont ensuite invités à se présenter à ce bureau afin pour y percevoir un béret, un complet, des pardessus, des robes ainsi que des bons en vêtements. La propriétaire souhaitant récupérer son bien en juin 1945, reçoit une lettre de Maître Tiffou, huissier de justice, lui indiquant qu'il était impossible de satisfaire sa demande. Pour subvenir aux besoins de la famille, Roger Hyvert deviendra inspecteur du permis de conduire et s'occupera du recensement des monuments historiques.

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 Le 16 mars 1946, le Parti Communiste Français tente de récupérer à sa cause les mécontents du quartier de l'Olivette et de Grazailles. Des tracts sont distribués auprès des sinistrés au nom de la cellule Danielle Casanova. Dénonçant les atermoiements et les promesses non tenues du ministre Dautry, les communistes de Carcassonne appellent les sinistrés à se ranger derrière les camarades Thorez et Billoux, Ministre de la reconstruction. 

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Vue aérienne du Quai Riquet en 1947

Après l'incendie la mairie refuse les reconstructions sur place et préférerait un jardin public. Les petits propriétaires seront indemnisés et iront construire ailleurs. Après une longue période et l'abandon du projet de jardin, l'ensemble des terrains est partagé entre la veuve Embry et Hyvert (Roger et sa mère). Les moellons issus de la destruction restent longtemps sur place et sont la propriété de l'état. Or, le tas diminue sensiblement de jour en jour... Ce n'est qu'au mois de mai 1951 que la reconstruction de l'immeuble Hyvert est portée en priorité, par le Ministère de la reconstruction et de l'urbanisme. A partir de cette autorisation, le propriétaire dispose d'un délai de trois mois pour rebâtir le 1er novembre 1951.

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Plan dressé par l'architecte Bourely, le 25 novembre 1950

Roger Hyvert reconstruit rue Buffon une maison avec 4 petits appartements et 5 garages. Au bord du canal il fera bâtir une maison avec deux appartements : un pour Roger et un pour sa mère (décédée avant la fin de la construction). Ceci se fit avec l'argent de la vente des terrains qu'il possédait et les indemnités. Ces dernières étant insuffisantes...

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Les travaux en cours d'achèvement le 31 octobre 1952

 La famille Hyvert pourra prendre possession de ses locaux à la fin de l'année 1952. Roger aurait voulu tout reprendre et poursuivre le travail de son père après l'incendie, mais s'il a pu reconstituer un petit laboratoire avec les indemnités, en revanche il renonça à acheter un four capable de fondre le minerai. Trop cher et pas pris en compte dans les indemnités car celui qui avait été détruit était impossible à évaluer.

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Roger Hyvert dans son nouveau jardin en 1952

Comme pour le massacre et l'incendie d'Oradour-sur-Glane, on s'aperçoit des grandes difficultés que rencontrèrent les sinistrés après la guerre. En Haute-Vienne, ils durent habiter dans des pré-fabriqués pendant plusieurs années avant la reconstruction du nouveau village. Quant aux dommages de guerre et à la punition des coupables... 

Sources 

ADA 11

Archives de Pascal Hyvert

Presse locale

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Pourquoi le gymnase et l'école des Serres portent-ils ce nom ?

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En 1972, la municipalité Gayraud entreprend la construction de plusieurs établissements scolaires et sportifs. Considérant qu'il faut offrir à la jeunesse des infrastructures modernes dans lesquelles pourront s'exprimer les clubs tels que le HBCC (Handball) ou le SOC (Basket) mais aussi les élèves des écoles, il est recherché dans le centre-ville un terrain capable d'offrir ce potentiel. Il existe à cette époque, l'ancien jardin du Grand Séminaire transformé en Serres municipales à partir de 1924 dans la rue des Études. La ville va donc faire procéder à la destruction de plus de moitié d'un ancien carron de la Bastide, afin d'édifier à la place le futur gymnase. Celui-ci prendra naturellement le nom des Serres, comme l'école primaire qui lui sera ensuite adossée quelques mois après.

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© CAUE

Le gymnase des Serres

Un ouvrage important construit sur ordre du duc de Montmorency se trouvait là autrefois. C'était le ravelin de la Mercy, sa construction au temps des guerres de la Ligue s'était effectuée en démolissant tout un carron de maisons. Les restes de ce ravelin sont dans le parc de la maison Satgé.

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© IGN

Vue aérienne des Serres en 1954

Sans fouilles préalables, la municipalité va raser les Serres municipales sous lesquelles on aurait sans doute retrouvé bien des vestiges archéologiques. Les travaux débutèrent le 10 mai 1972 avec l'entreprise Bonnery qui fut obligée de creuser en profondeur, afin de mettre de niveau à cet endroit les rues des Études et du 4 septembre. Où passèrent les remblais ou passèrent les vestiges ? Mystère...

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© Midi Libre / Carlos Recio

Financé en intégralité par la mairie, la construction du gymnase coûta la bagatelle d'un million sept cent vingt cinq mille francs. Son architecture fut confiée aux urbanistes Carcassonnais Pierre et Christine Tarbouriech, dans un style faisant la part belle au béton armé.

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Plan des architectes Tarbouriech

La particularité de ce bâtiment est de posséder un sous-sol comprenant une salle de gymnastique, des douches, quatre vestiaires, une salle de réunion, une infirmerie. L'entrée du gymnase de 800 m2 se fait par la rue des Études. L'inauguration aura lieu le 17 février 1973. Quant à l'école primaire des Serres qui jouxte le gymnase, elle fera son ouverture pour Pâques de la même année.

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© CAUE

Si vous vous mettez en quête de savoir ce qu'il reste des anciennes Serres municipales, longez la rue des Études et descendez par la rue de République.

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Il reste ce mur de clôture de l'ancien jardin du Grand séminaire. Quant aux nouvelles serres, elles furent édifiées le long du Canal du midi dans le quartier de l'Estagnol. 

Sources

Journaux locaux / Mai 1972

Bulletin municipal / Février 1973

Léon Riba / Historique des propriétés de la ville / 1949

Géoportail IGN

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Cherche et tu trouveras, les vestiges de l'ancien Palais épiscopal de la Cité

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Il suffit de monter à la Cité et d'emprunter des chemins peu fréquentés ou ignorés par les touristes. Dans les murs des hôtels ou des vieilles maisons d'habitation, l'on aperçoit des pierres sculptées en réemploi : meneaux, tiercerons ou encore formerets. Ils ont appartenu à des piliers ou à des voûtes d'édifices  aujourd'hui disparus. Prenons alors en exemple l'ancien Palais épiscopal, construit entre 1160 et 1200, qui s'élevait jadis sur un triangle délimité par un triangle la Porte d'Aude, la tour de Cahuzac et la Basilique Saint-Nazaire. Vendu comme Bien national à la Révolution en 1791, sa vétusté eut raison peu à peu de ses pierres qui furent dispersées. Si le bâtiment a été complètement rayé de la carte, il n'en est pas de même de ses vestiges que l'on retrouve ça et là dans la Cité.

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© Martial Andrieu

Hôtel de la Cité

Au XIXe siècle, lors de la restauration de la Cité, il fut fait un emploi considérable de toutes les pierres abandonnées dans les ruines. C'est ainsi par exemple, que l'on trouve vingt-cinq pierres sculptées des arcades du palais épiscopal dans le mur de soutenement du jardin de l'Hôtel de la Cité. Ce dernier longe parallèlement la courtine ouest qui va de la tour de l'évêque à la tour de Cahuzac.

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© Martial Andrieu

On ne peut observer cela qu'en parcourant le rempart pendant la visite du château comtal, jusqu'au Grand théâtre Jean Deschamps.

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© Martial Andrieu

Voici donc le mur de soutènement du jardin de l'hôtel de la Cité, construit au début du XXe siècle.

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© Martial Andrieu

Si l'on s'en rapproche, on aperçoit les fondations de l'ancien Palais épiscopal. Il ne suivait pas exactement le mur actuel du jardin. C'est peut-être là les seuls vestiges encore en place de ce bâtiment rasé après la Révolution française.

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© Gustave Le Gray / 1851

La porte d'Aude

Quand Boeswilwald prit la suite de Viollet-le-duc, il autorisa à ce que l'emploi des anciens meneaux du palais épiscopal. Ainsi les retrouve t-on avec trois fragments d'encorbellement gothique dans la galerie qui surplombe la Porte d'Aude. Les autres vestiges sont enfouis dans les maçonneries. 

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"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"

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Enquête sur l'arrestation de Mlle Billot sur le Pont vieux par la Gestapo le 11 juillet 1944

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Il y a une semaine nous vous révélions un épisode méconnu de la Seconde guerre mondiale à Carcassonne. L'arrestation de Madeleine Billot sur le Pont vieux par deux agents de la Gestapo le 11 juillet 1944, avait fait avorter la tenue d'une réunion de la Résistance à quelques centaines de mètres de là. S'il nous avait été possible de retracer cet évènement, nous ignorions en revanche qui était réellement Mlle Billot, le lieu précis de la réunion et les personnes qui devaient s'y trouver. D'un naturel teigneux, nous avons mené notre enquête en nous mettant sur la piste des parents de Madeleine Billot et en recherchant éventuellement des informations dans les livres d'anciens résistants. Ainsi, nous avons non seulement retrouvé sa fille que nous avons interrogée, mais également de précieux renseignements dans l'ouvrage du chef de la résistance régionale. C'est cette synthèse que nous sommes heureux de vous présenter dans ce nouvel article.  

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© Pinterest

Photo d'illustration / Un village français - France 3

Madeleine Billot était née le 5 juillet 1914 à Gaillac (Tarn). Ses parents tenaient une pharmacie à l'angle des rues de Verdun et de la préfecture, où son père fabriquait des pommades qui faisaient sa réputation. La famille habitait un peu plus bas dans la rue, au numéro 20. C'est à cet endroit que Madeleine et sa sœur Geneviève, toutes les deux étudiantes en pharmacie, faisaient transiter les aviateurs vers les maquis, chargés de leur exfiltration vers l'Espagne. Malgré les risques, le père Billot, aux idées plutôt nationalistes, fermait les yeux sur ce trafic et aidait ses filles dans l'accomplissement de cette tache. Aux dires de ceux qui les ont connus, les Billot étaient d'une extrême générosité. Au sein de la Résistance, Madeleine et Geneviève occupaient les fonctions d'agents de liaison. Cette dernière faisait même transiter le courrier vers la chambre de Joë Bousquet - située à 150 mètres de chez elle - auquel elle délivrait les doses de morphine indispensables pour soulager ses douleurs. 

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L'ancienne pharmacie Billot

Ce 11 juillet 1944, Madeleine est arrêtée sur le Pont vieux par la Gestapo. Elle ignorait que le jeune homme qui devait la rejoindre ce jour-là, avait été interpellé par la police allemande la semaine précédente. Lorsqu'elle se présenta à lui pour l'amener à une réunion de la Résistance, le piège se referma sur elle. Amenée à la villa de la route de Toulouse, elle refusa de parler malgré les tortures qui lui furent infligées. Elle confia à Madame Rizzato - une de ses amies - qu'on lui fit subir le supplice de la baignoire et qu'on l'obligea à se fléchir sur une barre d'acier. Lors de son procès, René Bach avoua s'être mis en colère en reprochant aux deux agents ayant procédé à l'arrestation, de ne pas avoir suivi Mlle Billot. Ainsi, la Gestapo aurait-elle pu coffrer les membres de cette réunion. Où se tenait-elle ? Quel était l'ordre du jour ? Qui étaient les personnes présentes ? 

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Le domaine de la Jasse, à Carcassonne

 C'est au domaine de la Jasse, situé sur la plaine Mayrevielle à un kilomètre du Pont vieux, qu'était fixé le lieu de la réunion. Ce beau bâtiment caché au milieu de la nature appartenait depuis 1850 à la famille de Paul Mouton, Conseiller d'état. Sa fille Simone avait épousé Jean Cahen-Salvador, Conseiller d'état. En raison de sa religion juive, il sera arrêté et s'évadera du train lors de son transfert vers Auschwitz. Madeleine Billot avant son arrestation avait fait passer les Cahen-Salvador en Suisse. D'après l'ouvrage de ce chef de la résistance régionale, voici l'objet de cette réunion et les noms de ceux qui s'y trouvaient.

"Pour établir un programme de parachutages que Jacques (Picard, NDLR), Délégué Militaire Régional adjoint devait câbler d'urgence à Alger, je convoquai à Carcassonne, Suberville, Bringer, Cayrol et Bonnafous, respectivement chefs départementaux FFI de l'Hérault, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de l'Aveyron, ainsi que Balouet, adjoint de Cayrol, et "Jean-Louis" (Louis Amiel, NDLR) adjoint de Bringer au titre des FTP, Roubaud, chef du Mouvement de Libération Nationale, nouveau président du Comité Régional de Libération, et Georges, chef du département, assistaient à la rencontre."

Si la Gestapo avait suivi Madeleine Billot, elle aurait arrêté l'ensemble des chefs de la Résistance régionale. Seul, Jean Bringer sera interpellé 18 jours plus tard... Selon le témoignage de sa veuve, il se plaignait début juillet de n'avoir pas reçu les bons parachutés d'Alger pour payer ses maquis. Très en colère, il se faisait fort de rechercher les coupables. L'objet de la réunion du 11 juillet était précisément l'établissement du programme de parachutages. C'est sûrement entre le 11 et le 29 juillet 1944, que Bringer n'a pas reçu cet argent parachuté ; que Charpentier (assassiné dans la clinique du Bastion en septembre 1944) a été diligenté par Londres pour enquêter. Bringer avait-il trouvé les coupables ? La vénalité de certains au sein même de la Résistance Audoise, a eu la peau du chef départemental des FFI de l'Aude. Ceci est nôtre conviction, mais l'enquête se poursuit de notre côté.

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Jean Bringer

Alors qu'elle était détenue, la Gestapo alla perquisitionner au domicile des Billot. Fort heureusement, la bonne avait fait passer les documents compromettant dans l'arrière cuisine pour les brûler. Toutes les enquêtes et interrogatoires n'ayant rien donnés, Madeleine Billot fut transférée à Montpellier le 20 juillet 1944, puis dirigée sur Romainville le 31 juillet. Le 15 août 1944, elle était déportée vers le camp de Ravensbrüch en Allemagne. Nous avons transcrit son témoignage lors du procès Bach, mais d'autres éléments donnés par sa fille l'enrichissent.

Quand le convoi partit pour l’Allemagne, elle entendit l’aviation alliée bombarder la France. Du côté de Berlin, le train fut stoppé pendant une heure pour attendre la fin des bombardements. Une heure pendant laquelle, elle aurait pu s’échapper. Lorsqu’elle tomba malade au camp, elle passa une semaine à l’infirmerie ; le paradis selon elle. Libérée par les Russes, elle passa par Odessa puis en bateau vers Marseille et en train à Carcassonne. L’accueil fut triomphant. Suite à son passage au camp, on dut lui faire un dentier complet ; toute sa vie durant elle sera dépressive. 

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© cite-tapisserie.fr

Marc Saint-Saëns, petit neveu du compositeur 

En 1948, Madeleine Billot se maria avec Marc Saint-Saëns. Le peintre Toulousain aux idées communistes était entrée dans la Résistance. Observons qu'il connaissait Joë Bousquet, car au-dessus du lit du poète se trouvait une tapisserie de Marc Saint-Saëns. Elle est conservée au Musée des Beaux-arts de Carcassonne. Madeleine tint un temps une pharmacie à la Barbacane, puis reprit ses études de biologie et travailla au CNRS avec le professeur Camille Soula. Ce dernier œuvra dans la résistance ariégeoise. La résistante et ancienne déportée est décédée au mois d'avril 2009. A sa demande, elle fut incinérée et inhumée au cimetière du Mont Valérien à Paris. D'après sa fille, jamais elle ne se considéra comme une héroïne, disant que dans tout conflit il y eut des résistants.

Sources

Nous ne donnerons désormais que des informations parcellaires sur nos sources. Le but de ce blog est d'informer, pas de livrer sur un plateau des informations inédites à ceux qui se servent de l'histoire pour briller sur notre dos.

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Qui était le commandant Roumens, dont un boulevard porte le nom ?

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Christian Casimir Napoléon Roumens naît le 2 mars 1864 à Carcassonne, faubourg des Jacobins n°11, le 2 mars 1864 du peintre Émile Roumens et de Rose Françoise Sauzède, sans profession. Excellent élève, il se destine après ses études au lycée de Carcassonne à embrasser la carrière militaire. Le 25 octobre 1884, le futur commandant Roumens s’engage pour cinq ans et fait son entrée à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Il se classe 178e sur 400 candidats retenus lors du concours d’entrée et sortira 152e de la promotion de Fou-Tchéou. Celle-ci évoque la destruction de la flotte chinoise et de l’arsenal de Fou-Tchéou par l’amiral Courbet durant la guerre du Tonkin. Le sous-lieutenant Roumens est affecté au 55e Régiment d’infanterie à Nîmes, puis à Nice le 1er octobre 1887 au 159e Régiment d’infanterie alpine. Il est ensuite promu lieutenant le 24 mars 1890 avant d’être nommé au 126e Régiment d’infanterie, puis capitaine le 23 mars 1895. Après un passage au 28e Régiment de chasseurs alpins, le capitaine Roumens entre dans l’armée coloniale au sein du 1er puis du 2e Régiment de tirailleurs algériens comme chef de bataillon le 24 septembre 1908.

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Le commandant Roumens

Christian Roumens participe à la guerre de pacification du Maroc, au cours de laquelle le sultan Moulay Abdelaziz défie les troupes françaises avec le soutien des pays hostiles, notamment l’Allemagne. Le général Lyautey et ses soldats sont envoyés en représailles de l’assassinat du docteur Émile Mauchamp et réussissent à reprendre Oujda.
Abd al-Hafid se proclame alors sultan du Maroc et destitue son frère aîné Moulay Abdelaziz qui, accusé d'être trop conciliant avec les Européens, a été renvoyé et chassé par la population de la Chaouia. En 1911, Abd al-Hafid, qui contrôle de plus en plus mal l'intérieur du pays se retrouve assiégé à Fès par des soulèvements populaires et sollicite l'aide française. Le général Moinier, qui en 23 juin a mis en déroute Maa El Ainine, à la tête d'une armée de 23 000 hommes, libère le sultan. La situation est irréversible et aboutit à la convention de Fès du 30 mars 1912 qui fait du Maroc un protectorat français, un régime de tutelle mais dont le sultan et le Makhzen sont maintenus comme éléments symboliques de l'Empire chérifien. Moulay Abd al-Hafid abdique en faveur de Moulay Youssef.

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Les tirailleurs algériens portent le commandant Roumens sur un brancard

Alors que le 2e régiment de tirailleurs algériens est engagé contre Marocains, non loin de la Moulouya, le commandant Roumens est à la tête de la 5e compagnie. Du haut de ses 1,79 mètre, l’homme impressionne et fait l’admiration de ses hommes. Tout à coup et sans que la marche rampante des Marocains ait été signalée à travers les broussailles, les balles sifflent aux oreilles et font des victimes. Aussitôt, le colonel Blanc envoie deux compagnies appuyer celle qui est aux prises avec les Ksouriens. La compagnie du commandant Roumens (5e) est en contre-bas de moins de trois mètres et le sol est si tourmenté qu’il faut une heure pour que les renforts puissent entrer en ligne. Les Marocains inaccessibles, se déplacent avec une mobilité extrême ; ils harcèlent les tirailleurs qui se défendent et fusillent les Ksouriens qui se découvrent.
C’est à ce moment-là que le commandant Roumens, encourageant ses hommes, est aperçu par le sergent-major Tonnot en train de pâlir. Ce dernier lui demande s’il est blessé. A ces mots, Roumens répond : « Il y a une demi-heure que j’ai une balle dans le ventre, mais il ne faut pas le dire ! » Il refuse de se faire soigner malgré les douleurs et poursuit le combat pendant une heure, au bout de laquelle il consent enfin à se faire panser.

Autour du chef, les tiralilleurs se battent avec hardiesse, mais les Marocains les ajustent à bout portant et le sergent-major Tonnot tombe sous les balles. La compagnie de renfort arrive à dégager les tirailleurs encerclés, qui demeurent maître de la position. Sans sacs et sans vivres, le général Léré donne l’ordre de regagner le camp. Blessé dans la matinée du 23 mai 1911, Christian Roumens mourra le lendemain.

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Lieu d'inhumation du commandant Roumens à Debdou

Le commandant Roumens a voulu être enterré à Debdou, à côté des braves tirailleurs tombés avec lui. Dans son testament, on peut lire : « Le pays comprendra que là où ses soldats veulent dormir leur dernier sommeil, il faut que les vivants veillent l’arme au bras sur le sol arrosé de sang français.

Deux télégrammes officiels postés de Mostaganem arrivent à Carcassonne. Le premier à 16h42 le 24 mai 1911 et le second, le lendemain.

Tirailleurs à Maire de Carcassonne : Veuillez prévenir M. Durand, rue Antoine Marty, que commandant Roumens, blessé plaie transversale abdomen, très grave combat près Debdou.

Colonel tirailleurs à Maire de Carcassonne. Prière aviser, extrême urgence avec tous les ménagements possibles M. Durand, rue Antoine Marty, Carcassonne, que commandant Roumens décédé hier 25 courant des suites de sa blessure.

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© Ministère de la culture

Le général en 1916 devant la tombe du Ct Roumens

Albert Durand, dont il est question dans les télégramme, était l’époux de la sœur de Christian Roumens et le patron de la confiserie de la rue Antoine Marty. A la réception de chacune des dépêches, le maire s’acquitta de sa délicate mission. C’est Frédéric Lauth, brasseur et ami de la famille qui annonça la nouvelle. Le commandant Roumens avait pour oncle Jules Sauzède, député de l’Aude et ancien maire de la ville. La famille voulut dans un premier temps faire rapatrier le corps, mais le télégramme du général des troupes françaises au Maroc l’en dissuada :

"Avant de mourir, le 24 mai après-midi, le commandant Roumens a exprimé solennellement, en pleine connaissance, à plusieurs reprises, devant le capitaine Bernard, le docteur Charrier et les autres officiers, témoins, le désir que sa dépouille mortelle restât inhumée à Debdou. D’ailleurs, dans es derniers moments, il s’inquiéta sans cesse de ses hommes, heureux d’avoir vu leur belle attitude au feu recommandant ceux qu’il avait distingués. Il s’est mit à revêtir sa tunique, pour mourir, et a affirmé plusieurs fois sa volonté de demeurer au milieu de ses tirailleurs jusque dans la mort, disant : « Je n’espérais pas une si belle mort. » Puis ajoutant : « Je en veux pas que l’on ramène ma dépouille en France. Je rester à Debdou."
Le colonel et les officiers des régiment actuellement à Debdou, prennent leurs dispositions pour élever sur place un monument, qui rappellera la fin glorieuse de notre regretté camarade."

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© ok-debdou

Ce qu'il reste de la tombe du Ct Roumens à Debdou

Une grande messe sera donnée au début du mois de juin à la cathédrale Saint-Michel en mémoire du commandant Roumens. Le mercredi 7 juin 1911, le conseil municipal sur proposition de M. Nogué, membre de l’assemblée communale, entérina l’attribution d’un nom de rue au commandant Roumens. Le boulevard des Tilleuls deviendra celui du Commandant Roumens le 20 avril 1912. Une souscription fut également lancée pour l’érection d’un monument à sa gloire ; il ne vit pas le jour.

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Comme à Carcassonne, la ville de Miliana (Algérie) possédait avant l’indépendance une rue Commandant Roumens. Elle fut débaptisée et s’appelle aujourd’hui Bounaâma Mohamed.

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Caveau de la famille Roumens à Carcassonne (St-Michel)

Cet article totalement inédit sera déposé aux archives de l'Aude avec l'ensemble des sources. En cas d'utilisation, veuillez mentionner "Musique et patrimoine de Carcassonne"

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Brice Bourrounet (1925-2002) assassiné pendant la veillée de noël à Carcassonne

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L'ancien coureur cycliste né le 7 avril 1925 à Blomac dans l'Aude menait une vie de retraité tranquille à Carcassonne. Père de quatre enfants et divorcé de Francine, son épouse, il s'était établi dans un appartement situé au n°12 de la rue Flandres-Dunkerque dans le quartier de la Trivalle. C'est là qu'il sera retrouvé mort le lendemain de noël par Christine Posocco et son ex-épouse. 

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A la fin des années 1940, Brice Bourrounet côtoie au sein du peloton les cracs de l'époque. Ils se nomment Louison Bobet, Jean Robic, Jean Dotto ou encore René Vietto. C'est ce dernier qu'il battra en 1945 lors d'une étape du circuit des cols des Pyrénées. 

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Le vélo était pour Brice une véritable religion qu'il n'entendait pas partager seul. Après sa retraite sportive, il constitua une équipe de jeunes coureurs. Il souhaitait transmettre le flambeau et cette lumière pour l'amour des autres qui brillait en lui. Brice faisait l'unanimité autour de lui ; il aurait donné sa chemine alors même qu'il n'était pas très fortuné. 

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Tout en continuant d'entraîner ses jeunes pousses, l'ancien coureur se mue en artisan de cycles. Dans son atelier de la rue Auguste Comte au n°12, il fabriquait des cadres de vélos sur mesure. Sa réputation dépassant les frontières, il finit même par signer sa propre marque : Cycles Bourrounet. A la Conte, tout le monde le connaissait ; il n'était pas rare d'apercevoir dans son atelier, des gens de ce quartier populaire de la ville. Cet homme rendait de nombreux services... Il prenait des enfants défavorisés comme apprentis.

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Quand l'heure de la retraite sonna, Brice Bourrounet se prit de passion pour l'accordéon. Chez Christine Posocco, professeur de piano à bretelles, il apprit avec célérité et détermination la virtuosité de cet instrument. Il n'est pas un jour, où l'on n'entendit pas Brice s'exercer chez lui. Ce véritable passionné, avec quelques amis du groupe de Montredon, se mit à faire danser les noceurs des bals à papa du dimanche après-midi. Ce charmeur invétéré amoureux de la gent féminine, se plaisait à distraire ainsi son auditoire. 

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Ce 24 décembre 2002, Brice Bourrounet est invité à passer noël chez sa fille mais décline l'invitation. Il faut dire que depuis son divorce il s'est coupé volontairement de sa famille. Dans la soirée, il reçoit la visite de deux gitans qu'il connaît bien, Alexandre Baute et Patrick Baptiste. Ces derniers en quête d'argent - l'un pour assouvir son besoin de cocaïne et l'autre, pour offrir des cadeaux à ses enfants - vont alors tenter d'escroquer le retraité. L'ancien coureur voue une passion sans limites aux femmes et s'est déjà fait avoir par le passé. Une femme de la communauté gitane avait réussi à lui soutirer 7000 €, mais Brice avait porté plainte et les escrocs avaient été condamnés à rembourser. Alors, quand Baute et Baptiste lui proposent d'aller chercher une certaine Yasmina à Toulouse, à condition qu'il paie immédiatement une somme pour le voyage jusqu'à la ville rose, Brice Bourrounet sentant le piège refuse.  Quelques jours après, Francine son ex-femme alerte Christine Posocco qui loue l'appartement à Brice. Il n'est pas normal que le chien aboie et que la boite aux lettres soit remplie de courrier. Prenant son courage à deux mains Christine Posocco va chercher un double des clés. La porte d'entrée est ouverte ; à l'intérieur, Brice Bourronnet git inanimé sur son lit. Il est mort. 

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L'enquête de police est confiée au SRPJ de Perpignan, mais s'avère difficile. Ce n'est qu'au bout d'un an et demi qu'elle connaît un rebondissement. Un homme vient de se livrer à la police. C'est Alexandre Baute âgé de 34 ans qui avoue avoir tué Brice Bourrounet. Ce jeune homme compte dix condamnations à son palmarès, mais jamais pour des faits de violence. L'arrestation inespérée de Baute, entraînera celle de son complice Patrick Baptiste, âgé de 19 ans. D'après eux, la victime aurait voulu se débattre sur le lit et pour l'empêcher de crier, elle aurait été étouffée avec un oreiller. Au cours de la reconstitution du crime, Alexandre Baute s'accuse du meurtre, alors qu'il semblerait que ce soit son comparse qui ait assassiné Brice Bourrounet. Au moment du procès, une cinquantaine de gitans sont présents dans la salle d'audience, contre très peu de connaissances de Brice. Il était pourtant très connu et estimé pour avoir rendu de grands services.

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La cour d'assise de Carcassonne condamnera en 2006 les deux meurtriers, à une peine égale de 20 années de réclusion criminelle. Alexandre Baute et Patrick Baptiste manifesteront des remords. Ils ont ôté la vie à un brave homme en s'emparant de 30 € et d'une caméra. Etait-ce bien là, l'unique mobile du crime ?...

Sources

Sur la carrière de cycliste de Brice Bourrounet, on pourra lire le travail de Jacques Blanco présenté en conférence à la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude en 2013.

Presse locale et audiovisuelle

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L'attaque contre le Corps Franc de la Montagne noire par les Allemands en juillet 1944

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Au matin du 8 juin 1944, il est donné l’ordre aux escadrons du Corps Franc de la Montagne noire cantonnés à Laprade d’aller occuper Montolieu. A 13 heures, ce sont 120 hommes commandés par Kervenoael qui défilent dans les rues de ce village d’un millier d’habitants. On cherche à défier les Allemands en leur montrant que les maquisards sont partout. A tous les carrefours les sentinelles sont en faction, la mairie et le bureau de poste sont occupés. Une heure plus tard, l’autobus venant de Carcassonne dépose ses voyageurs ainsi que deux soldats de la Wehrmacht. Ces derniers sont immédiatement faits prisonniers. 19 heures sonne à l’horloge de l’église de Montolieu ; c’est l’heure du rassemblement sur la place. Il est dangereux de s’attarder davantage dans ce village qui serait difficile à défendre en cas d’attaque ennemie ; il suffirait d’un collaborateur zélé pour donner l’alerte à Carcassonne. Grâce au dossier du procès Bach conservé aux archives, nous savons que les Allemands apprirent l’évènement de Montolieu et y envoyèrent des troupes. Fort heureusement, les maquisards étaient déjà partis. Revenons sur la place du village en cette fin après-midi du 8 juin où la population en liesse, s’est attroupée autour des maquisards. Une minute de silence est observée devant le monument aux morts, suivie de la Marseillaise. Les habitants applaudissent, des femmes pleurent… Il est temps de revenir dans la clandestinité ; la guerre n’est pas encore terminée.

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© David Mallen

A Carcassonne, les autorités Allemandes entendent mettre bientôt fin aux exactions du Corps Franc de la Montagne noire contre ses troupes. Elles sont régulièrement victimes d’embuscades lorsqu’elles transitent par les routes forestières de la Galaube ou encore de la Loubatière. Les chefs militaires vont alors mettre les moyens humains et techniques afin de faire taire ce maquis. Où se trouve t-il exactement ? Quels sont ses effectifs et ses moyens ? Autant d’interrogations qui ne pourront trouver de réponse sans le concours et la collaboration de français infiltrés, ayant une bonne connaissance du terrain. Depuis quelques temps, le Sipo-SD (Gestapo) de Carcassonne, aidé dans sa tâche par la Milice départementale de l’Aude, rassemble des renseignements sur l’existence de ce maquis. Antoine Maury âgé de 19 ans et originaire de Tourouzelle, fait partie de la Franc-Garde de la Milice. Il s’y est engagé parce qu’il ne voulait plus travailler la terre et qu’on l’avait refusé dans la police. Ses chefs, dont la grande partie fuira à la Libération sans être inquiétée, savent endoctriner la jeunesse qu’ils détiennent sous leurs ordres. Celle-là même qui sera fusillée en septembre et octobre 1944 comme Antoine Maury…

En ce mois de juillet 1944, Georges Prax, chef départemental de la Milice de l’Aude, convoque Maury et l’envoie à la Gestapo, route de Toulouse. C’est bien la première fois qu’il s’y rend. René Bach, interprète Alsacien du SD lui donne alors la somme de 500 francs. Quelle est sa mission ? Aller à la Galaube, indiquer l’emplacement du maquis, son armement et son effectif. C’est sur les indications de Fernand Fau, agent du SD, que Maury s’y rend. A son retour, il racontera qu’étant tombé sur le poste de garde, la sentinelle le pria de rebrousser chemin. Avec 500 francs supplémentaires, René Bach n’a pas de mal à convaincre Maury d’aller cette fois au Pic de Nore. A cette époque, un ouvrier agricole gagne environ 45 francs par jour. En se faisant porter pâle Maury rentre à Tourouzelle et ne retourne pas dans la Montagne noire.

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© David Mallen

L'hôtel Terminus en 1944

Du côté de la Kommandantur de Carcassonne, on commence à s’agiter. Fernand Fau a été présenté par le chef du Sipo-SD Eckfellner au colonel de la Luftwaffe Haffner. Il doit lui indiquer les observations qu’il a faite sur le terrain en vue des préparatifs de l’attaque contre la Galaube. Haffner dépêche alors deux soldats pour faire des relevés topographiques. Ce sont deux français engagés dans l’armée allemande qui viennent de faire leurs preuves lors de la campagne de Russie. On met leur habileté au service de la lutte contre les maquis. Habillés en civil, ils fréquentent très régulièrement le Café du midi, boulevard Barbès. Ils n’auront aucune difficulté à se fondre dans la population. Fernand Fau fait le même travail, mais se serait-il trop montré ? Comment expliquer alors qu’il paraît aux côtés des résistants du maquis de Villebasy replié dans la Maleperre, ce qui lui permettra de faire arrêter Jean Bringer le 29 juillet 1944 ? On ne s’explique pas comment cet homme a pu berner aussi facilement le Corps Franc Lorraine (Villebasy), alors qu’il avait déjà dénoncé plusieurs maquis de l’Aude. Il y a forcément une grave légèreté dans le renseignement, voire une complicité quelque part…

D’après ce que Fau a raconté à René Bach car il se trouvait à la Galaube, à l’aube ce sont cinq cents hommes de la 2e compagnie du 71e flieger régiment (aviation) de la caserne Laperrine qui partent vers la Montagne noire en ce 20 juillet 1944. Ce régiment de l’air était composé de 1775 unités réparties en trois bataillons : Montpellier, Carcassonne dont deux compagnies à Perpignan, Béziers. Nous ignorons l’effectif de la garnison de Laperrine ; en divisant par trois bataillons cela représente à peu près 500 hommes. Ceci est proche du chiffre que donne René Bach lors de son procès.

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© David Mallen

Caserne Laperrine en 1944

Ils sont accompagnés par des Osttrupen cantonnés à Douzens. Ces troupes improprement appelées « Mongols » viennent d’Europe de l’Est et appartiennent à la 4e compagnie du 681e bataillon de la 326 Infanterie division. D’après nos renseignements, les effectifs de Douzens n’auraient pas dépassé une cinquantaine d’hommes. L’infanterie boche possède des canons légers et est appuyée dans les airs par six avions Junkers JU 88.

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© David Mallen

Les 3/4 de l’infanterie se déplace à pied et à cheval, mais le journal de marche du Corps Franc raconte que des civils ont vu le matin 80 camions pleins d’Allemands sur la route d’Arfons et vers 11 heures, 50 camions à Fontiers. Au total 130 camions, représentant 1500 hommes. C’est sur cette observation visuelle effectuée par des civils que se base le journal de marche pour donner les effectifs Allemands.

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© David Mallen

Du côté du Corps de Franc de la Montagne, les maquisards seraient 900. Nous n’avons aucun moyen de le contester, mais depuis 1946 les historiens ont sérieusement revu à la baisse les chiffres des effectifs donnés par la résistance après l’attaque contre le maquis des Glières en Haute-Savoie. Dans un élan d’héroïsme qu’il faut reconnaître, on a souvent modifié les données historiques. Ceci n’enlève rien à la bravoure des maquisards, bien au contraire.

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© David Mallen

Ce 20 juillet 1944, l’aviation allemande pilonne dès 6h45 l’un des trois cantonnements du maquis. Le camp du Rietgé où se trouve le dépôt de munitions est bombardé par des engins explosifs de 300 kilos. C’est ensuite au tour du Village des Escudiers. Ces combats causeront la perte et les blessures de plusieurs hommes. Le cadavre du commandant Mathieu sera retrouvé quelques jours après sous un tas de fumier. Pendant toute la journée, les maquisards opposeront un combat farouche à l’armée allemande. Menacés d’encerclement, l’ordre sera donné de décrocher et de se replier vers le Pic de Nore. Le Corps Franc ne s’en sort pas trop mal et évoque des pertes d’appareils et d’hommes du côté de l’occupant. En revanche, Bach indique que le rapport rédigé par l’administration allemande évoque aucune perte. Cela semble peu vraisemblable. Les Allemands auraient détruit le matériel de roulage du maquis et récupéré des millions de litres d’essence.

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Membres du Corps Franc de la Montagne noire

Sans la participation, les indications et la collaboration de français endoctrinés ou attirés par l’argent, l’armée Allemande n’aurait eu que peu de prise sur la Résistance. Le rôle de la Milice française qui n’est pas évoqué militairement dans cette opération, fut essentiel dans le renseignement avec l’aide des agents français du SD. Il nous a paru essentiel pour la compréhension des évènements de nous pencher sur ce qui se passait du côté des Allemands. Pendant trop d’années, on a tenu les historiens éloignés des archives. Il ne fallait surtout pas mettre en évidence le rôle d’une partie de la France, dans les déportations et massacres perpétrés par les nazis sur notre sol.
Regarder l’histoire en face, c’est ce que entendons faire sur ce blog. 

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L'ossuaire de Fontbruno près de Laprade 

Ici, des Français et des étrangers de toutes confessions politiques ou religieuses sont morts pour la libération de la France. Si vous passez-là, recueillez-vous.

Sources

Journal de marche du Corps Franc / 1946

Procès de René Bach / ADA 11

Merci à David Mallen pour ses photos

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La malédiction des entrepreneurs du Grand Hôtel Terminus

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Le 17 juin 2015 nous rédigions un article sur Raoul Motte, banquier de son état, à l'origine de la construction en 1914 du Grand Hôtel Terminus sur l'emplacement du vieil Hôtel Saint Jean Baptiste. Cent ans après sa mort, nous révélions que cet homme avait été fusillé lors de la Grand guerre pour abandon de poste en présence de l'ennemi. Il est l'un de nombreux soldats français jugés en conseil guerre et que la France n'a jamais réhabilités. Le lieutenant Motte, contre l'avis du gouvernement, sera exécuté par la seule obsession du général Berthelot. 

http://musiqueetpatrimoine.blogs.lindependant.com/archive/2015/06/17/gustave-motte-fondateur-de-l-hotel-terminus-et-fusille-pour-212040.html

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Nous pensions que ce pauvre homme avait été le seul à subir un tel coup du destin, sans préjuger que ce qu'était devenu Auguste Beauquier, son associé. Par chance, lors de nos recherches nous sommes tombés sur un vieil article de presse rédigé en 1951 par Jean Amiel. Cet érudit publiait des articles sur l'histoire locale dans le Courrier de la Cité.

Le Courrier de la Cité - 1951

S’il est des morts qu’il faut qu’on tue, dit-on parfois quelque peu brutalement, il en est d’autres, et beaucoup d’autres, si l’on veut se bien tenir dans la doctrine du Christ, qu’il faut que l’on salue.
De ce nombre est Auguste Beauquier, qui vient de mourir à Toulouse, à l’âge de 66 ans, il y quelques jours à peine. Ce nom ne vous dit rien, Carcassonnais de son âge et du nôtre ? Il est cependant lié très étroitement à celui de cet édifice magnifique qui orne aujourd’hui votre ville, près de la gare du midi, devant le Jardin des plantes et qui engage, pour sa large part le voyageur et le touriste à entrer chez vous et à y séjourner : le Terminus Hôtel.

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Hôtel Saint Jean-Baptiste

Nous nous rappelons, nous, vieux Carcassonnais, le vieil hôtel Saint-Jean Baptiste, avec son affenage, qui se trouvait là, sur cet emplacement, et qui avait reçu et hébergé des hôtes illustres, notamment le pape Pie VII et le roi Ferdinand VII d’Espagne, alors que l’un et l’autre, en 1814, rentraient d’exil et regagnaient leur patrie. Devant la vieille porte du vieil hôtel, quand les choses avaient véritablement leur prix et les gens leur dignité, l’on voyait périodiquement, quatre fois par an, en février, mai, août et novembre, un dragon, un beau dragon, armé de pied en cap, monter diligemment la faction : un conseiller à la Cour d’appel de Montpellier, qui venait présider la session de la Cour d’assise, y séjournait durant toute une semaine, ou un général y descendait, qui venait inspecter les troupes de la garnison. Vous pouvez revoir la silhouette de cette demeure ancienne aujourd’hui disparue à tout jamais, dans le Guide de Carcassonne que publia Gaston Jourdanne en 1900.

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C’était en 1912, quelque temps avant la Première guerre mondiale. Deux jeunes hommes de notre bonne ville de Carcassonne s’avisèrent qu’à la place du vieil hôtel Saint-Jean Baptiste, il en fallait décidément un autre ayant toute l’ampleur et l’installation modernes. Et, sans plus d’égards ni de retard, l’on jeta bas le bâtiment vétuste qui était pour nous et pour nos pères tout un coffre de souvenirs. Ah ! c’est qu’on ne prit pas cela à la légère à Carcassonne. Les murs que l’on abattait ainsi et ceux qu’on élevait à leur place en ont entendu de sévères et de cruelles à l’adresse de ces imprudents ou téméraires qui provoquaient ainsi cet évènement sensationnel.

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On allait en promenade au Jardin des plantes, et là, les groupes protestataires et même les autres - la contamination jouant son jeu - s’agitaient et discutaient à qui mieux mieux. Si le vénérable Mgr de Beauséjour, alors évêque de Carcassonne, y venait avec son jeune vicaire général, l’abbé Saglio, imposant par sa taille autant que par sa prestance, régulièrement et tout simplement pour y voir fonctionner la… grue, au dire de l’érudit abbé Sabarthès, tout fraîchement nommé chanoine, ses diocésains y venaient aussi pour cela sans doute et pour se divertir et s’égayer, mais aussi pour donner libre cours à leur colère et à leur indignation dans lesquelles les sept pêchés capitaux entraient en grande partie : « Où veulent-ils aller ? » (Ils, c’étaient les deux jeunes hommes qui avaient lancé l’entreprise : Auguste Beauquier et Raoul Motte). "Que pensent-ils faire ? » « Ça ne se passera pas comme ça, renchérissaient-ils. Ils s’arrêteront et ils monteront les escaliers ! »
« Monter les escaliers ! » Nous ignorons si cette expression est commune à d’autres régions, mais à Carcassonne, chez nous, cela veut dire tout bonnement qu’on ira devant le juge et en prison.
Le Palais de justice, en effet, dans le chef-lieu de l’Aude, a au pied de sa porte principale, un escalier monumental qui compte de nombreuses marches, et l’on comprendra aussitôt ce que veut dire chez nous cette si charitable locution.

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Et ils les ont montés, les escaliers, ces deux pauvres bougres : Auguste Beauquier et Raoul Motte, celui-ci, hélas ! beaucoup plus tragiquement que celui-là, qui vient de mourir paisiblement dans son lit. Accueilli à Toulouse, en effet quelque temps après le désastre, par Maurice Sarraut qui en fit un inspecteur de son journal, Beauquier vivait maintenant et depuis quelques années comme nous tous, sans trop de mal. Et de même qu’ils ont monté les escaliers, l’édifice n’a pas été réalisé comme ils l’avaient conçu : nous avons-là, sous les yeux, son plan primitif qui comportait quatre étages, notamment et il n’en compte que trois…

Un jour Beauquier nous raconta son histoire : "J’ai eu dans les mains, nous dit-il, huit millions et je n’ai rien gardé pour moi. Je n’ai pas le sou et l’on m’en demande toujours. Je ne puis pas payer mes amendes, et l’on ne cesse pas de m’inquiéter, de me harceler et de me menacer…"

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Tout cela est passé, et bien passé. Mais il reste à Carcassonne un splendide hôtel que d’autres grandes villes lui envient. Nous avons eu l’occasion de nous y trouver, une fois, avec M. Emmanuel Brousse, député de Perpignan et ancien Sous-secrétaire d’Etat aux finances, qui nous honorait de son amitié, et qui nous dit que cet établissement manquait à sa ville, et Dieu sait si Perpignan en a de superbes. Carcassonne doit le sien à deux de ses enfants intrépides et confiants qui ont, sans doute, commis quelques erreurs qu’ils ont d’ailleurs, rudement payées, mais ils n’en ont pas moins fait œuvre utile et nécessaire à travers d’inextricables difficultés et d’insurmontables obstacles auxquels nous n’avons fait que de très superficielles allusions.

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© Booking

Le Grand Hôtel Terminus en 2017

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L'évêque de Carcassonne intervint auprès du pape pour faire sacrer Napoléon III

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Napoléon III avait souhaité, à l'exemple de son oncle, être sacré empereur à Paris par le pape. Nous savons grâce aux archives publiées sous le pontificat de Paul VI, le fin mot de cette histoire assez rocambolesque. Dès le mois d'août 1852, Louis-Napoléon Bonaparte engagea des négociations auprès de Pie IX et envoya deux émissaires à Rome : son aide de camp, Jules Comway de Cotte, et l'abbé Louis-Gaston de Ségur, fils de la célèbre comtesse. L'un comme l'autre s'en revinrent bredouille du Saint-Siège.

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Napoléon III

Élu en 1846, Pie IX avait dû s'enfuir de Rome pour se réfugier à Gaète. C'est grâce à la campagne d'Italie de l'armée française qu'il put revenir dans la ville éternelle. Ce que la grande histoire n'a pas retenu c'est l'intervention en octobre 1852 de Mgr de Bonnechose, évêque de Carcassonne. Il n'obtint pas davantage de succès... Pie IX fit traîner sa réponse, tenta de l'éluder, puis opposa un "Non possumus" invoquant l'impossibilité de transporter les saintes huiles à l'étranger : "Les papes ne vont pas porter le Saint-Chrême hors de chez eux. L'exception faite pour Napoléon 1er ne sera pas renouvelée", fit savoir Pie IX.

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Mgr de Bonnechose dans son habit de cardinal

(1800-1883)

L'évêque de Carcassonne revint malgré tout à la charge auprès du Saint-Père, mais celui-ci plus entêté que lui répondit :

"Eh bien ! Qu'il vienne à Rome comme Charlemagne et nous le sacrerons."

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Pie IX

Napoléon III refusa cette proposition. Il eut peur du ridicule car en 1832, il avait participé avec les "Carbonari"à l'envahissement des Etats pontificaux. Il avait fait le coup de feu contre les soldats du pape. Aller à Rome serait faire jaser l'Europe entière ! D'ailleurs, Mgr de Bonnechose comprit fort bien qu'il ne fallait pas insister davantage : "Je comprends qu'il redoute les souvenirs de jeunesse qu'il a laissés à Rome. Il dit qu'il a abjuré tout cela, qu'il est un autre homme. Eh bien, qu'il le prouve..."Napoléon le petit resta droit dans ses bottes et son sacre n'eut jamais lieu. Napoléon III fit sa demande de sacre auprès de Pie IX, mais celui-ci n'était prêt à en disposer qu'à condition que l'empereur abrogeât "tout disposition contraire au concordat".

N'oubliez pas si le cœur vous en dit de commenter les articles...

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Tradition festive disparue : Le tour de l'âne de Carcassonne

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Il était à Carcassonne une tradition festive aujourd'hui disparue, dont l'origine remonterait au Moyen-âge : Le tour de l'âne. Dans un livre de Paul Basiaux-Defrance, l'auteur n'est pas tendre avec cette vieille tradition : "On en a fait une bouffonnerie et la malignité publique y voit plutôt un signe de tromperie et de discorde". Ainsi, le tour de l'âne serait une réminiscence d'un culte mithriaque. Mithra était sous l'empire romain honoré dans notre région. Ont dit également que les corridas en seraient une émanation. L'argument de Basiaux-Defrance prend son sens si l'on considère que le christianisme naissant, voulût interdire les autres religions. Les adorateurs de Mithra auraient créé le tour de l'âne comme subterfuge. A Alzonne, il existe les vestiges d'un temple de Mithra.

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En dehors des célébrations religieuses et des processions, le dernier marié de l’année, coiffé d’un gibus et vêtu d’un costume noir, parcourait les rues de la Cité à dos d’âne.Il devait également tenir une paire de cornes au bout desquelles pendaient des légumes, comme autant de symboles phalliques.
Autour de lui une farandole chantait un vieil air « siás coiol paure  òme … », (tu es cocu, pauvre homme).
En signe d’allégeance, les femmes devaient embrasser les cornes.

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La fête se terminait par un grand repas et grand bal devant la Porte narbonnaise. 
L'ouverture du bal débutait par la bataille des « gabels » ; des sarments de vigne avec lesquels les hommes mariés tapaient sur les jeunes pour les faire partir. 

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© Loupia

Tour de l'âne à la Cité vers 1920

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Le tour de l'âne en 1930

On reconnaît : Laurent Bergé, Cadène, Roger Béteille, Raymond Arino, Jean Roos, Julien Charles, Henri Céreza, Léon Maury, Antoine Sire, Etienne Aribaud, Paul Contié (Marié), Georges Béteille, Eugène Pueyo, Germaine Espanol, Antoine Barrabès...

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En 1954 : Eugène Pueyo, François Pujet (fait boire l'âne), Marcel Debez (Le marié), Jules Rainaud (trompette), etc.

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© Martial Andrieu

Tour de l'âne du 9 juillet 1965

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Le tour de l'âne se fit également pendant la fête de Saint-Saturnin à la Trivalle et s'exporta dans d'autres quartiers de la ville.

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Tour de l'âne à Villalbe pendant les fêtes du 15 août 1952.

Le tour de l'âne, dont la tradition était exclusivement entretenue par des habitants de la Cité s'éteignit en 1976. A cette époque, la cité médiévale devint un lieu de plus en plus touristique dans lequel les anciens citadins n'avaient plus guère leur place. Les maisons furent vendues et transformées en commerces. Si les citadins regrettent qu'on leur ait pris leur cité, ils ne disent jamais la plus-value immobilière qu'ils ont réalisée en vendant leurs biens. Entre 1976 et 1999, date du renouveau avec la création de l'association "Los ciutadins", le tour de l'âne se déplaça en la ville basse.

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© Droits réservés

Le tour de l'âne en 1983

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Le tour de l'âne dans la rue Courtejaire en 1986

La tradition reprit donc en 1999, mais seulement pour sept années. Depuis 2012, les anciens combattants de l'association "Los ciutadins" ont jeté l'éponge. Peut-être le tour de l'âne est-il mort de sa consanguinité. En effet, il fallait être un citadin pour monter sur l'âne. De nos jours, on fait des procès aux maires qui laissent sonner l'angélus, aux voisins dont le coq chante. Même les ânes seraient défendus par une association de défense animale... Alors chacun rentre chez soi, regarde Michel Drucker le dimanche et ne se mêle de plus rien. Ainsi va la vie, derrière désormais les ordinateurs où paraît-il on se fait plein d'amis... virtuels. Pendant ce temps, on nous transporte la fête de Saint-Nicolas à Cité qui n'a vraiment aucun lien historique ni traditionnel avec le Languedoc. "O tempora, o mores !"

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Jean Amiel (1882-1964), érudit et écrivain oublié

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Jean Amiel naît à Limoux le 9 février 1882. Son père, qui porte le même prénom que lui, est tailleurs d'habits, et Françoise Sabadie, sa mère, veille à l'éducation de ses enfants. Après des études chez les Frères des Ecoles Chrétiennes à Carcassonne, il exerce un temps le métier de son père puis se tourne vers le journalisme. Ses petites chroniques paraissent alors dans "Le télégramme".

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© Collection Martial Andrieu

Lorsqu'il passe le conseil de révision en 1902, on apprend qu'il exerce la profession de librairie à Carcassonne où il réside, 12 rue de la Liberté. Il est réformé à cause d'une hypertrophie du cœur, mais participera quand même à la Grande guerre, sans toutefois pouvoir prétendre en 1933 à la carte d'ancien combattant. Jean Amiel se marie en 1906 et ouvre sa librairie, 50 rue de la gare. En 1919, il est à l'initiative de la création du "Comité Saint-Régis". Le trésorier est Auguste Rougé, rue du Palais prolongée. Cette association organise des procession au tombeau de Saint-François Régis, né en 1599 à Fontcouverte. Jean Amiel qui en l'animateur le plus fervent, rédige une plaquette pour les pèlerins tout en continuant à publier des chroniques dans les journaux locaux.

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Saint-François Régis

"Dès 1909 il publie une série de plaquettes intitulées "Mes veillées littéraires" bientôt suivies, en 1911, par une présentation de "La Bibliothèque Publique de Carcassonne" qu'il lui serait bien difficile de reconnaître de nos jours diluée qu'elle est dans une Bibliothèque de l'Agglomération ! En 1919 il révèlera le 1er autographe du poète révolutionnaire et audois, André Chénier; celui-ci n'avait que 9 ans lorsqu'il apposa "d'une main déjà sûre" sa signature sur un acte de baptême le "12ème de Juin 1771". Il se fera connaître vraiment en 1928 en republiant une oeuvre d'histoire locale "L'Histoire des Antiquités et Comtes de Carcassonne" de Guillaume Besse qui ne se trouvait qu'en de rares exemplaires chez les érudits ou les bibliothèques locales."(Au nom de tous les Amiel / Jean-Louis Amiel)

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En 1929, il écrit "Six ataciens célèbres", "La vie amoureuse et tragique d'André Chénier" et "Le fait de Fontcouverte". "La maison de St André" en 1931, sur l'hôtel particulier de François II de St André, bourgeois drapier. "La Vie et les Mémoires de Delphine Roumieux 1830-1911" en 1936 aux Méridionales à Nîmes et un certain nombre d'opuscules et ouvrages dont "Petite vie illustrée de St J-F de Régis", "Album souvenir de Fontcouverte" et sur des personnalités audoises comme l'écrivain Henri Bataille ou Charles Cros  sur "Le révérend-père Clément Cathary S. J. (1828-1863) Missionnaire de Madagascar" (1957), etc.

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"Il tira de l'oubli plusieurs figures de l'histoire audoise et d'autres encore comme "Le libraire Jean-Baptiste Lajoux et ses fils (1786-1873)" une famille carcassonnaise de l'édition, ou analysa certains rapports de personnalités, comme "St Jean-François Régis et le St Curé d'Ars" qui ne parut qu'après sa mort, en 1969 ; il fit aussi des communications diverses comme celle sur "Le nom des tours de la Cité" en 1929 à la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude dont il était un fervent membre, article réédité d'ailleurs en 1981."

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Jean Amiel que l'on appelait également Jean d'Atax, en référence au fleuve Aude ainsi nommé par les Romains, était un brillant autodidacte amoureux de son département. Comme beaucoup de ses semblables, il est tombé dans l'oubli. Grâce à quelques recherches que nous avons entreprises et au travail biographie de Jean-Louis Amiel, nous vous présentons cet hommage. Jean Amiel est mort le 15 avril 1964 à Toulouse.

Sources

Au nom des Amiel / Jean-Louis Amiel

Recensement militaire / ADA

Annuaire de l'Aude / 1921

www.nom-amiel.org

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