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A la cité, les évêques n'ont pas les mêmes valeurs....

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Le cimetière de la Cité médiévale possède au moins une particularité : il possède deux tombes d'évêques inhumés côte à côte mais ne bénéficiant pas du même lustre, traitement et restauration. La comparaison ne s'arrête pas là... La première tombe, richement ornée des armes et d'une épitaphe, appartient à Mgr Bazin de Bezons (1701-1778) qui officia sous l'Ancien régime, comme évêque du diocèse pendant 48 ans. Il souhaita se faire inhumer ainsi à côté des pauvres, qu'il avait institués comme ses légataires universels. La première restauration de cette dalle funéraire fut opérée en octobre 1971 par un archéologue amateur. La dernière en date, nous la devons à l'Association des Amis de la Ville et de la Cité.

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"Ci-gît, Armand Bazin de Bezons, évêque de Carcassonne, remarquable par sa piété, exemple pour clercs et laïques, père des pauvres, plein de zèle pour la maison du Seigneur. Les héritiers reconnaissants, les pauvres, ont posé cette pierre. Décédé le 11 mai de l'an 1778 après avoir régi 47 ans le diocèse."

Juste à côté, de "l'évêque des pauvres" se trouve à même le sol la sépulture de Guillaume Besaucèle (1712-1801). Il fut évêque constitutionnel de Carcassonne pendant dix ans, de 1791 à 1801. Lors de la Révolution française, il se prononça en faveur de la Constitution civile du clergé et prêta le serment. Il échappa à la Terreur et mourra en 1801 sans avoir pu mener à bien ses réformes. Guillaume Besaucèle fut enseveli à côté de l'illustre Bazin de Bezons "se croyant l'héritier de sa doctrine et de son autorité" (Mahul - 5e volume - p.529)

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La tombe en marbre rose de Caunes-Minervois de Guillaume Besaucèle ne comporte pas d'inscription. Il est enterré comme les pauvres... Remarquons simplement la différence de traitement dans la restauration, entre deux évêques inhumés côte à côte. Les Carcassonnais seraient-ils davantage attachés au souvenir de l'Ancien régime qu'à celui de la Révolution française ? Je prends le risque d'affirmer ici que les catholiques de cette ville ne sont pas depuis 1789, majoritairement Républicains. Certains ont même cru qu'en 1940, un certain Philippe Pétain... C'est une autre histoire. 

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Ces Carcassonnais engagés volontaires dans la Waffen-SS

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Après sa prise de fonction à la tête de l’état, le maréchal Pétain décide de rassembler sous une même bannière l’ensemble des associations d’anciens combattants de la Grande guerre. La légion des combattants est ainsi créée. Voici comment le gouvernement de Vichy va se servir de la légitimité du vainqueur de Verdun pour assoir sa propagande et surtout, contrôler la moralité et les idées politiques des français. Les conditions d’adhésions à la Légion des combattants se limitant aux anciens combattants, son cercle est un peu trop restrictif. Ceux qui ne peuvent y prétendre seront reversés dans une nouvelle association appelée La légion des volontaires français. A Carcassonne, elle ouvre ses bureaux dès le 25 mars 1942 au n°14 de la rue de l’Aigle d’or. Elle possède un comité au sein duquel, on retrouve les noms de notables (avocat, radiologue, ingénieur, etc) de la vie publique Carcassonnaise. Chacun d’entre eux préside un groupe : collaboration, propagande, action sociale. Cette fois pour être légionnaire, il suffit d’en faire la demande ou, mieux encore, d’être coopté par deux membres. Le dossier de l’impétrant n’est valide qu’après une étude sérieuse de moralité civile et politique. Les candidats menant une vie dissolue et ayant des mœurs légères sont ajournés. Les relations extra-conjugales comme les divorces font l’objet d’un rejet, tout comme bien entendu l’appartenance à une société secrète, à un parti politique ou à un syndicat. En revanche, la L.V.F accueille avec bienveillance les brebis égarées, à fortiori si elles adhèrent déjà aux principes de la Révolution nationale prônée par Philippe Pétain.

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© Musée de la Résistance

Le gouvernement de Vichy tisse sa toile afin de contrôler les Français par eux-mêmes. La Légion des Combattants tint un premier meeting le 11 janvier 1941 au cinéma l’Odeum, en présence d’un millier de légionnaires et de volontaires de la Révolution nationale. Ceci, sous la présidence d’Henri Caillard, avocat narbonnais nommé par Vichy à la tête de la mairie de Narbonne. A Castelnaudary, l’assemblée générale de la légion eut lieu à la « Maison des œuvres » le 8 juin 1941 avec le futur Académicien Jean Mistler, maire de la ville. Une fois le fanion de la légion remis à la section, la réunion se termina par un défilé.

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Ainsi, à Carcassonne se créent des comités de quartiers, au sein desquels les commerçants adhérents à la Légion, sont chargés de donner des informations sur la moralité de leurs clients. Toute la ville est ainsi divisée en secteurs A, B, C… En consultant les archives, on est d’emblée surpris par les noms et le nombre d’artisans impliqués. Soyons magnanimes ! En 1942, le maréchal Pétain est encore une icône pour beaucoup de gens, capable de relever le pays après la défaite de juin 1940. Il suffit pour cela de se référer à l’accueil qu’il reçut à Carcassonne la même année ; des boulevards inondés de monde montaient ces cris fervents : « Vive Pétain ». Ceux qui avaient compris où le maréchal allait entraîner le pays, s’étaient rassemblés à la statue de Barbès. Ils entendaient déjà résister contre la machine idéologique implacable de l’Etat Français, pour la République. Ceux qui eurent le courage de se montrer subirent les coups du S.O.L (Service d’Ordre Légionnaire) venu en découdre avec les opposants. Certains parmi eux seront ensuite emprisonnés et exécutés par les hommes de Darnand. Le 12 juin 1942, le dirigeant de « Combat » Albert Piccolo est arrêté à la suite des protestations contre la conférence du professeur Grim - bras droit de Josef Goebbels. Picolo eut à ce moment-là la hardiesse d'arracher le bouquet de fleurs, que les collaborateurs allaient tendre à cette éminence grise du parti nazi. Ceci en pleine rue Courtejaire... Il venait ainsi de se signaler auprès des autorités préfectorales.

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Albert Picolo

Le S.O.L, fondé en janvier 1942 à Carcassonne disparaîtra en février 1943 avec la constitution de la Milice française, au théâtre municipal de Carcassonne. Notons tout de même que certains notables qui avaient adhéré à la Légion, en démissionnèrent au cours de l’année 1942. Au sein de la L.V.F dirigée à Carcassonne par Louis Boyer se trouve un organe appelé à combattre le communisme : La Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme. Elle tint une réunion au cinéma Le Colisée réunissant 500 personnes, le 23 mars 1943. L’inauguration du centre de recrutement des Waffen SS a lieu le 7 octobre 1943, rue Chartrand. Le capitaine allemand Reinhardt de la Kommandantur était invité, mais ne s’y est pas rendu. En soirée, on fête le départ de 10 volontaires conduits par le milicien Emilien Boyer. Le lendemain, c’est au tour du chef départemental de la Milice, Marcel Lefèvre, de partir pour la Waffen SS. Ajoutons que le mois suivant, Carcassonne est choisie comme lieu de rassemblement pour les Waffen SS de la région de Montpellier. La cadence des départs est de dix par semaine.

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Joseph Darnand qui avait déjà prêté serment à Hitler le 8 août 1943 est nommé SS-Frw Obersturmfûhrer à l’ambassade d’Allemagne à Paris. A partir d’octobre 1943, une partie de ses cadres de la Milice s’enrôlent pour la future Waffen SS française : Pierre Cance, Henri Fenet, Ivan Bartolomei, Albert Pouget, Pierre Bonnefoy, Jacques Massot, Léon Gauthier (fondateur du Front National avec Jean-Marie Le Pen), Jacques-Flavien de Lafaye, Paul Pignard-Berthet, Jean Artus, Noël de Tissot, Marcel Lefèvre (Chef de la Milice de l’Aude, né à Lézignan) et Emilen Boyer (Franc-Garde Carcassonne).

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Français engagés dans la division SS Charlemagne

Emilien Boyer naît le 3 avril 1910 à Carcassonne et réside 43, rive droite du Canal - aujourd’hui, avenue Pierre-Charles Lespinasse (résistant déporté). Il est ajusteur-mécanicien de métier, mais très vite devance l’appel sous les drapeaux et s’engage dans l’armée le 10 avril 1929. Comme tous les hommes de sa génération, il participe à la Seconde guerre mondiale dans l’armée française avant d’être démobilisé le 16 juillet 1940 après la capitulation. Son frère Louis était déjà secrétaire départemental de la L.V.F lorsque Emilien rentre dans la Milice française, plus exactement dans la Franc-Garde de l’Aude. Dans la nuit du 23 au 24 septembre 1943, il échappe à une tentative d’assassinat devant chez lui. Le journal « Combats » relate cet évènement dans es colonnes le 2 octobre : « Jeudi soir, à Carcassonne, le Franc-Garde Emilien Boyer, qui venait d’assister à une de nos réunions hebdomadaires, regagnait paisiblement son domicile lorsqu’il dépassa un groupe de trois individus aux mines suspectes qui paraissaient guetter sa venue. A peine avait-il esquissé un geste de défense que ceux-ci déclenchaient, en effet, sur lui, le feu nourri d’une mitraillette et deux révolvers. Cependant indemne, Boyer, sans perdre un instant son sang-froid riposta aussitôt, parvenant à mettre en fuite ses agresseurs. »
Ce journal ne dit pas qu’il se trouvait avec Marcel Lefèvre, qui échappa lui aussi à la mort.

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© Bundesarchiv

Lorsque Boyer arriva Sennheim pour sa formation de SS, il gagna un diplôme de vainqueur de la compétition de boxe de la Waffen-SS étrangère, délivré par le Reichsfûhrer-SS Himmler, le 23 novembre 1943. Rien d’étonnant à cela… Emilien Boyer pratiquait déjà la boxe en 1935 à Carcassonne ; il avait été sélectionné en équipe de France. Comme l’indique le Waffen-SS André Bayle dans une interview en septembre 2005, les hommes intégrant cette unité devaient avoir de grandes qualités sportives. Boyer intègre l’école des sous-officiers SS de Posen-Treskau au tout début de 1944. Ce n’est pas dans la division SS Charlemagne qu’il se mit à l’ouvrage, mais en Galicie (Ukraine) comme responsable des estafettes dans le 1er bataillon de la Sturmbrigade. Ce bataillon sera presque entièrement décimé, mais Boyer s’en sort. Il est même un des derniers à décrocher du terrain, le 22 août 1944, en emportant un Pierre Cance blessé sur une moto. Croix de fer 2e classe, il est ensuite promu Hauptscharfûhrer, le 12 novembre 1944 et dirige le Waffen-Grenadier Régiment SS 57. Nous n’allons pas nous étendre sur les états de service d’Emilien Boyer au sein de la SS. Après avoir déserté en avril 1945, il s’enfuit avec d’autres camarades et arrivent à se cacher en Allemagne jusqu’au 13 décembre 1945. Ils sont fait prisonniers.

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Emilen Boyer est rapatrié en France avant d’être condamné par la Cour de justice de Montpellier aux travaux forcés en perpétuité. Son frère Louis sera fusillé à Carcassonne le 7 juin 1945. Comme beaucoup de responsables nazis et de Miliciens, Boyer ne fera pas sa peine. Il sera exclu de l’armée et s’établira en 1951 à Saint-Sébastien sur Loire jusqu’à sa retraite. A la fin des années 1970, il reviendra habiter à Carcassonne. Là, il occupera les fonctions de secrétaire de la Carcassonnaise boxe avant de mourir en janvier 1995.

Loin de faire l’apologie de la Waffen-SS, il nous a paru intéressant d’évoquer cette épisode ignoré de la Seconde guerre mondiale concernant Carcassonne. N’oublions pas qu’en février 1944, un grand nombre de Franc-Garde partit de Carcassonne pour combattre la Résistance dans le maquis des Glières. L’ensemble des têtes dirigeantes audoises échappera aux jugements en se réfugiant en Espagne ; elle reviendra dans l’Aude après l’amnistie de 1952. En juin 1943, une estimation donne pour l'Aude 350 miliciens et 600 Franc-Garde.

Sources

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Fonds Julien Allaux

Archives militaires de Fribourg

Encyclopédie de l'Ordre nouveau / G. Bouysse

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La construction du temple protestant, rue Antoine Marty

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La révocation de l'Edit de Nantes en 1685 avait chassé les protestants du département de l'Aude. Ce n'est qu'après la Révolution française qu'ils purent timidement faire leur réapparition au fil des migrations professionnelles et des évènements sociaux. Au cours du XIXe siècle, on retrouve des fabricants de draps venus du Tarn (Barthe, Rives), des militaires (Juge), des brasseurs Alsaciens (Lauth et Lauer). Aves la crise du phylloxéra, des familles entières de viticulteurs ruinés viendront des départements voisins. Parmi elles, se trouve une grande majorité de protestants. 

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La petite communauté va tenter de s'organiser... Le 13 juin 1842, regroupée autour d'un conseil d'administration, elle demande son rattachement au consistoire de Mazamet. Les six offices annuels sont alors dispensés dans un local mis gratuitement à la disposition des fidèles par Philippe Lauth. Ce dernier n'est autre qu'un industriel alsacien, propriétaire d'une brasserie à Carcassonne.

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Philippe Lauth

Cet industriel se distingua à Carcassonne pour ses œuvres de mécénat en faveur de la musique. Il fut le président de la Société des Concerts Symphoniques et de l'Association des Amis de la Ville et de la Cité. L'ami du compositeur Paul Lacombe et de Michel Mir, légua son grand orgue à l'église de Palaja. 

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La brasserie Lauth, bd Omer Sarraut

 Ce premier temple est inauguré le 12 mars 1942 en présence de protestants et de catholiques. En 1863, la communauté de Carcassonne demande son rattachement au consistoire de Toulouse. Le nombre de fidèles passant en 1874 à deux cent cinquante personnes, Philippe Lauth souhaite récupérer son local. La brasserie a besoin de davantage de place pour son expansion. Les protestants vont alors louer un local chez le voiturier Salanché, 22 rue du Pont vieux. L'année suivante, Adolphe Monod vient pasteur à Carcassonne. Cette fonction sera entérinée par le décret du 17 juillet 1878 promulgué par le Mac Mahon, Président de la République. Petit à petit l'idée de la construction d'un temple fait son chemin.

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La IIIe République n'est guère favorable à l'exercice des cultes. Le maire de Carcassonne Théophile Marcou s'oppose à l'édification du temple. Les propriétaires de terrains en vente se défilent les uns après les autres et la préfecture rejète les demandes d'autorisations. En 1888, un terrain est enfin trouvé dans la rue des Jardins (rue A. Marty). Le financement se fera par souscription auprès des paroissiens, mais également grâce aux nombreux voyages du pasteur Monod afin de recueillir des fonds en Suisse, France, Etats-Unis et Angleterre. Ceci explique l'aspect anglican du temple de Carcassonne. Il est inauguré le 6 novembre 1890.

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Le temple de Carcassonne, rue A. Marty

Sources

Merci à Agnès de Watteville 

Eglise protestante de Carcassonne - Mai 2013

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Le grand projet d'extension de la gare de chemin de fer de Carcassonne

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En 1927, la Compagnie des Chemins de fer du Midi souhaite transformer et étendre la gare de Carcassonne dont la construction remonte à 1857. Les conditions de ce projet sont énoncées dans un document que nous nous sommes procuré auprès d'un collectionneur. Défendons ici le caractère exceptionnel de cette découverte historique, qui n'a pas été évoquée - à notre connaissance - par d'autres chercheurs. Par ailleurs, si cette étude avait été mise en œuvre, elle aurait apporté de profondes mutations dans la vie économique et commerciale de la commune. 

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La gare de chemin de fer en 1927

Après avoir reçu dans son bureau de l'hôtel de ville, le directeur de la Compagnie des Chemins de fer du Midi, Albert Tomey lui écrit un courrier le 1er août 1927. 

"J'ai l'honneur de vous faire connaître que le Conseil municipal serait, en principe, disposé à se substituer à la Chambre de commerce pour la transformation et l'extension de la gare de Carcassonne."

Le maire ajoute cependant, que cela ne se ferait pas sans certaines conditions à apporter au projet technique et financier. En effet, la ville souhaite que la compagnie tienne compte du plan d'aménagement et d'embellissement de Carcassonne. Celui-ci s'articule autour de la construction d'un nouveau port à l'Estagnol, près duquel les vins et le charbon devront désormais être débarqués. Le déplacement du quai des wagons réservoirs, dégagera considérablement l'engorgement sous le pont du Quai Riquet. Par ailleurs, le déchargement des bestiaux pourra rester à la gare.

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Quai des vins

Sous le pont de la ligne Carcassonne-Quillan à l'Estagnol, le maire considère que l'élargissement prévu de 8 mètres est insuffisant; il faut tenir compte de l'espace pour les tramway de l'Aude. Une palée séparerait les deux voies afin d'éviter les accidents.

Le projet de la compagnie prévoyait la construction d'une passerelle, allant du quai des voyageurs jusqu'au chemin du cimetière Saint-Vincent. Elle serait passée au-dessus des quai de déchargement. Les riverains s'y opposèrent par pétition en date du 26 juin 1927. La municipalité demanda le creusement d'un souterrain depuis la cour des voyageurs, jusqu'au croisement de l'actuelle rue Buffon et du chemin du cimetière. Avec deux sorties et un éclairage pour la surveillance effectuée de 4 du matin à minuit.

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Plan de transformation de la gare de Carcassonne

(Architecte H. Germa - Août 1926)

Le maire insiste également sur la façade de l'actuelle gare, indigne d'une ville touristique comme Carcassonne. Il conviendrait de lui donner l'aspect d'une gare de type provençal ou moderne, comme "certaines dispositions heureuses qui ont été réalisées sur la Cote d'Azur". Effectivement, nous avons trouvé que la gare de Nice, possédait exactement le même aspect architectural que le projet présenté pour Carcassonne. Afin de vous donner une idée de l'aspect qu'aurait pu avoir notre gare, nous avons projeté sur celle-ci, la façade de celle de Nice.

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© Martial Andrieu

Photomontage du projet de transformation de la gare

Ce projet achoppera sur l'aspect financier car la municipalité demanda des contreparties à la compagnie, l'estimant seule bénéficiaire des transformations envisagées. La mairie devra à ses frais élargir les trottoirs du pont Marengo, rénover la chaussée de l'avenue de la gare, modifier et élargir les voies d'accès à la gare de l'Estagnol. Le coût supplémentaire pour la ville étant de 700 000 francs. En conséquence, elle exige une surtaxe des voyageurs et marchandises transitant par Carcassonne. Dans ces conditions, les deux parties ne réussiront pas à s'entendre. Une histoire qui semble rappeler pour des raisons identiques, le refus des Consuls de la ville de recevoir le Canal royal du Languedoc au XVIIe siècle. 

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Entretien avec le philosophe et académicien Carcassonnais Ferdinand Alquié (1906-1985)

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Nous avons souvent évoqué sur ce blog la mémoire de Ferdinand Alquié, académicien et philosophe. Nous ne pouvons que regretter qu'il n'en soit pas de même dans sa ville natale... Le fonds Alquié versé à une bibliothèque municipale qui n'existe plus, dort dans un tiroir. Les heures de conférence sur le surréalisme enregistrées dans une célèbre université américaine, n'ont même pas trouvé preneur à Carcassonne. C'est dire si l'on se fout d'Alquié du quart comme du centième. A la lecture de l'entretien qu'il donna le 22 avril 1984 à l'Indépendant et que nous reproduisons ci-dessous, la tradition philosophique était selon lui l'école de la raison. On ne jète pas avec l'eau du bain des siècles de pensée structurée. Pour reprendre son expression : "chercher à bâtir la maison sans le rez-de-chausée". C'est un peu modestement ce que nous faisons ici, nous souvenir et rendre hommage à ceux qui nous ont précédés. Imagineriez-vous aujourd'hui qu'un journal local, faisant ses recettes quotidiennes avec la rubrique des faits de justice et de police, se risquerait en interviewant un philosophe ? D'ailleurs, y a t-il encore dans les rédactions locales des professionnels capables de tenir ce genre d'entretien ?

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© Droits réservés

Entretien avec Ferdinand Alquié

Il se murmure, il se dit tout haut et sur tous les tons que la philosophie à l’instar des économies mondiales est « en crise ». Quel est le sentiment de Ferdinand Alquié sur la question ?

C’est très difficile de définir la crise de la philosophie. Mais je déplore que ce soit effectivement vrai… Pendant longtemps, il y avait un contact, une certaine continuité entre les grands philosophes et le grand public. Et cela venait de ce que les grands philosophes traitaient de sujets, répondaient à des questions que tout le monde se posait.
Descartes, par exemple, démontre (on pense qu’il démontre) l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu… Si vous prenez Kant, il définit lui-même la philosophie comme devant répondre à un certain nombre de très grandes questions : Que pouvons-nous connaître ? Que devons-nous faire ? Que nous est-il permis d’espérer ? Qu’est ce que l’homme ? Il est bien évident que n’importe qui, qui a une certaine culture, se pose ces questions.

Vous pensez qu’une cassure s’est produite avec le public…

La cassure vient d’abord du fait que ces problèmes ne se posent plus et ne sont plus posés par les grands philosophes. Je prends par exemple Heidegger qui est le plus grand philosophe de ce siècle, d’une manière à peu près unanimement reconnue. Eh ! bien, si vous me demandez si Heidegger croit à l’immortalité de l’âme, je ne le sais pas ; s’il croit en Dieu, je ne le sais pas. Quelle morale, il conseille ? Je ne le sais pas. Et quand je prends Heidegger, je prends l’exemple le plus favorable. Car si vous prenez des philosophes français à la mode, par exemple, Derrida, si vous voulez, il n’est plus question de rien de semblable, il est question de langage, de la structure du langage.
De ce fait, la coupure avec le public éclairé est totale. Parce que les questions que traitent les philosophes du jour, enfin pas tous et certainement pas moi, les huit dixièmes sont des questions qui n’intéressent plus personne.

N’est-ce pas que l’objet de la philosophie s’est élargi et qu’en même temps il est devenu flou ?

Pour moi, il ne s’est pas élargi, il s’est au contraire spécialisé, et il refuse de répondre à un certain nombre de problèmes. C’est déjà une première raison de cette décadence de la philosophie. La seconde raison est l’obscurité des philosophes actuels. Les causes en sont également nombreuses. C’est avec Kant et après lui que la philosophie a pris un langage effroyablement difficile. Si vous prenez « La phénoménologie de l’esprit » de Hegel par exemple, vous n’y comprenez strictement rien alors que si vous lisez les « Méditations métaphysiques » de Descartes, je ne dis pas que vous les comprendrez à fond, puisqu’on discute depuis Descartes pour savoir ce que cela veut dire, mais vous comprendrez quelque chose.
Prenez encore un homme qui n’est pas un philosophe mais qui a une grande influence sur les philosophes contemporains en France , Jacques Lacan : essayez de lire du Lacan. Huit fois sur dix, on ne comprend pas ce qu’il veut dire, et même de quoi il est question.

L’art au-delà de la raison.
Mais ce n’est pas d’une façon plus générale propre à notre époque. L’art lui aussi est souvent incompréhensible. La poésie elle-même, suit parfois un travers identique. Même si son objet est différent, n’étant pas forcément de clarté…

Oui, mais la poséie ça me paraît beaucoup plus normal, parce que la poésie s’efforce d’exprimer l’irrationnel.

C’est une conception nouvelle de son rôle. Depuis le romantisme allemand. En tout cas de façon consciente.

Je ne le crois pas. Je crois que chez les grands poètes classiques, par exemple, Raci,e, il y a souvent un double sens : le sens logique et au-delà du sens logique un sens proprement poétique qui est aussi rationnel que celui de différents auteurs modernes.
Dans la mort de Phèdre, les vers :
« Et la mort dérobant à mes yeux la clarté, rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté » qui sont des vers admirables. Il est bien évident que d’un point de vue rationnel, cela ne veut rien dire du tout. Donc, nous sommes dans un ordre qui est aussi rationnel que celui des poètes modernes. La différence c’est que chez Racine, vous avez toujours les deux sens.
C’est comme dans la peinture. Un grand peintre était autrefois un monsieur qui faisait des tableaux ressemblant au réel et en même temps beaux.
La philosophie avant, si je puis dire, débarrassé la peinture de la reproduction du réel, il ne reste plus que l’autre élément. Chez le poète c’est assez pareil, mais la poésie contemporaine, je crois, répond bien à quelque chose d’éternel.

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Henri Tort-Noguès et Ferdinand Alquié à Carcassonne

La raison est-elle encore le moteur de la réflexion des nouveaux philosophes ?

Les nouveaux philosophes c’est autre chose ! Je n’ai pas pour eux une très grande estime… (SILENCE). Ils me sont néanmoins assez sympathiques. Ils ont du reste rendu certains services intellectuels parce que, avant eux, le marxisme était était une espèce de dogme. Si l’on n’était pas marxiste, on était considéré comme un imbécile. Ils ont quand même sur ce plan changé les choses, mais je ne peux pas dire que ce qu’ils ont apporté sur le plan proprement philosophique soit de véritable valeur. Il n’y a pas de contenu. Ce sont des invectives… Je ne crois pas que ce sont de bons philosophes mais je ne nommerai personne.

Enseigner, n’est pas jouer.
On se méfiait naguère de l’enseignement de la philosophie, parce qu’elle était jugée subversive. Aujourd’hui, c’est sa « subjectivité » qui semble être en cause. En tout cas, la méfiance demeure.

Je vous demanderai ce que vous appelez « On » ?

Disons, l’opinion publique.

Alors je crois que l’opinion publique a raison de se méfier non pas de la philosophie, mais de la façon dont on enseigne.
Je n’ai jamais voulu signer les différentes protestations qu’on m’a soumises pour défendre la philo. Cela sous n’importe quel ministère. Ceci pour la raison suivante : quand on enseignera la philosophie dans les classes de philosophie, je serai à la tête du combat pour qu’on augmente les horaires. Mais, vu que la plupart des classes de philosophie sont devenues des classes de pur et simple bavardage sur l’actualité politique du jour, je ne vois pas du tout pourquoi on augmenterait les horaires.
Il y a des gens qui ne font plus du tout de philosophie… qui est un personnage génial…. Mais la philosophie ne se réduit pas à Nietzche.
Les professeurs ne veulent plus rien enseigner. Ils se mettent à l’écoute de leurs élèves et déclarent que ceux-ci en savent plus qu’eux. Et que le professeur n’a pas à transmettre un savoir…
Nous sommes l’un des rares pays où l’on enseigne la philo dans les classes secondaires. La supériorité de l’enseignement français venait de là. La classe de philosophie était une révélation pour tout le monde !

Mais nous retrouvons la subvention.

Quand j’étais jeune, les parents craignaient que la philosophie, en éveillant les esprits des élèves, des doutes sur la foi religieuse ne leur fit perdre cette foi et la philosophie était suspecte à ce titre. Je ne crois plus que ce soit le cas. Elle est suspecte parce que beaucoup de parents s’aperçoivent que ce qu’on leur enseigne sous un nom, n’a plus ni tête ni queue…
Je connaissais un père d’élève dont la fille voulait préparer Sèvres (Normale sup). Il me dit de convoquer sa fille pour savoir ce qu’elle savait. Je m’aperçus en quelques questions qu’elle ne savait absolument rien… Qu’est-ce qu’une idée générale ? Un concept ? L’induction la déduction ? Le syllogisme ? Zéro, zério, zéro…
Je lui demande comment elle a fait pour être reçue au bachot. Elle me répondit : Oh ! vous savez, il y a toujours un texte parmi les trois sujets. J’ai pris ce texte et j’ai répété en gros ce qu’il voulait dire. J’ai eu 12 et j’ai été dispensée de l’oral…
Mais enfin votre professeur vous a fait cours ? J’ai vu alors que ce cours qu’elle m’a montré, était une comparaison entre la civilisation blanche et la civilisation noire. Ce cours prétendait montrer que la civilisation noire était supérieure à la nôtre, que nous avions détruit cette civilisation…
La philosophie telle qu’on l’enseigne dans l’enseignement secondaire pourrait être supprimée sans que l’on ressente le moindre mal.

Ferdinand Alquié, qui reconnaît que « de son temps, il a existé de mauvais professeurs », a le sentiment qu’à présent le mal est profond et qu’il ronge tout l’édifice, de bas en haut

Moi, qui adorais enseigner, je vous jure que dans mes dernières années de Sorbonne, j’étais tellement écœuré que j’ai pris ma retraite sans drame. L’enseignement supérieur est devenu impossible… Impossible, comme de construite une maison qui n’aurait pas de rez-de-chaussée.

Entre Dieu et le néant.
La mort, Dieu, où allons-nous ?
Vous n’êtes guère optimiste quant au devenir de notre civilisation…

Je suis extrêmement inquiet. Je suis même assez triste… Je suis triste d’abord d’être vieux… Sentir s’approcher la mort est une chose triste mais sentir, qu’en même temps que vous, meurt autour de vous ce que vous avez aimé et ce pourquoi vous vous êtes battu, c’est encore plus triste, parce que la consolation qu’on peut avoir quand on sent s’approcher la mort, c’est de se dire par exemple : J’ai passé ma vie à expliquer Descartes, Kant… Penser que tout le monde s’en fout, c’est horrible.

Avez-vous la foi ?

Je vous répondrai que je n’en sais rien. c’est une question que je me pose sans cesse. Je vous répondrai que je désire l’avoir. Je ne peux pas dire que je suis un négateur de la foi, mais je ne peux pas dire non plus que je l’ai.
Le mot foi lui même exclut la notion de certitude… Mais mettons que j’ai un doute profond….plus qu’un doute profond. L’église catholique déclare que personne ne sait s’il a la foi ou pas.

Je pense dont je suis… surréaliste.
Comment peut-on être cartésien et surréaliste ?

Pour moi la réponse est extrêmement simple. L’essence de ma philosophie se définit ainsi : c’est que l’objet n’est pas l’Etre, c’est-à-dire que tout ce qui nous apparaît à titre d’objet à un arrière-fond ontologique qui ne nous est pas accessible. Ça c’est une idée fondamentale et l’expérience philosophique que j’ai eue depuis que je suis enfant est celle-là. Je me suis toujours dit, et spontanément, tout ce que je vis et que j’appelle le monde réel est fait de qualités sensibles.
Il est bien évident que la neige ne se sent pas froide, qu’elle ne se voit pas blanche et pourtant cela est. Et nous sommes sûrs que cela demeurera quand nous serons plus là pour le voir.
Ça c’est une idée qu’on trouve chez tous les philosophes et notamment chez Kant. C’est la fameuse chose en soi qui s’oppose au phénomène. Descartes dans la « méditation première » commence à mettre le monde en doute, c’est-à-dire qu’il n’est pas sûr que le monde existe, à comparer l’état de veille et l’état de rêve, à dire qu’il n’est pas sûr qu’il ne rêve pas, puis finalement il trouve l’Etre d’abord dans Dieu et il déclare que Dieu est incompréhensible : Incomprehensibilitas ratio formalis Dei est.
Dans les philosophes que j’aime, qu’il s’agisse de Descartes ou de Kant, l’essentiel est l’affirmation d’un arrière fond ontologique qui ne se confond pas avec l’objet.
Or, si nous passions maintenant aux surréalistes, ils n’ont jamais dit autre chose. Et si nous prenons la démarche surréaliste telle qu’elle est, c’est sans cesse l’attente des signes. Vous savez l’importance qu’a chez Breton la notion de signe. Or, s’il guette des signes, c’est qu’il guette quelque chose qui fait signe. Et ce quelque chose, il ne sait pas ce que c’est.
Sur le plan proprement conceptuel, vous pouvez dire bien sûr que Descartes et Breton, c’est absolument le contraire. Par exemple, Descartes croit en Dieu, Breton est athée. Mais je n’ai pas connu d’esprit plus profondément religieux que Breton. Il était sans cesse à attendre quelque chose qui était le monde visible. Pour moi, ces deux démarches, bien qu’absolument distinctes, l’une raisonnante l’autre poétique, recouvrent une expérience profonde qui est la même.
Je dois dire que Breton n’en a jamais convenu. Je lui ai dit 100 fois la chose et il me répondait que Descartes c’était le rationalisme. Les Français répètent sans cesse d’une manière imbécile « nous sommes cartésiens ». Quand j’entends « nous autres cartésiens », je sais que c’est une connerie qui va suivre. !
Il est normal que Breton ait été horripilé par tout ça et qu’il ait pensé que Descartes en était la source. Cela vient de ce que les gens ne comprennent rien à Descartes. C’est le plus irréationnaliste des philosophes. Il est le seul à avoir dit, et là, c’est inouï, que Dieu est le libre créateur des vérités éternelles. C’est-à-dire que 2 et 2 font 4 son des vérités librement créées par Dieu et qui aurait pu les créer autrement. 2 et 2 pourraient faire 5. Même les philosophes catholiques (St-Thomas, etc.) estiment que Dieu est soumis à la logique. Sur le plan de l’irrationnel, on peut pas aller plus loin que Descartes. Or, Descartes passe pour le champion du rationalisme ! Il n’y a pas plus surréaliste que ça.
Je pense donc qu’on peut perte cartésienne et surréaliste, non seulement d’une manière parce que je le suis mais je pense que je le suis d’une manière absolument cohérente.

Carcassonne, métropole intellectuelle.
Ne pas se méprendre. Même si des signes nous indiquent que toute vie intellectuelle n’est pas morte à Carcassonne (heureusement), l’essentiel de ce propos est restituer dans les années 20-30. Mais, n’anticipons pas, les noms vont rafraîchir les mémoires. Vous avez la réputation dans le milieu philosophique d’être un homme de rigueur. Est-ce qu’elle est le fait de votre enseignement ou n’est-elle pas le fait de votre nature d’homme méditerranéen ?

Je suis né à Carcassonne presque par hasard… Du point de vue du sang, je ne suis pas du tout Audois, mais je suis resté très attaché à Carcassonne où j’y ai de nombreux amis.

Charles Cros, rationaliste et poète, Pierre Reverdy, Joë Bousquet, Joseph Delteil, René Nelli, Jacques Roubaud, le professeur J. Ruffié, Ferdinand Alquié…. Une liste magistrale. Avez-vous le sentiment d’appartenir à une lignée de Sud spécifique.

Il est frappant que parmi les noms que avez cités, il y a des gens qui étaient l’objet d’une grande admiration de la part d’André Breton.
C’est le cas de Charles Gros, c’est plus que le cas pour Reverdy puisque le manifeste du Surréalisme s’inspira directement de lui. Bousquet, lui n’était pas surréaliste à proprement parler. Il a signé de nombreux manifestes, il avait pour le surréalisme une grande admiration, je ne dis pas qu’elle était réciproque. Je crois que ce serait fausser des idées - et sur le surréalisme et sur Joë Bousquet - que de les assimiler, bien que dans mon livre sur la philosophie du surréalisme, j’ai cru devoir finir par deux textes relatifs à Joê Bousquet dans la chambre duquel j’ai été, si l’on peut dire, initié ; où j’ai connu le surréalisme à ses tout débuts.
Il y a très peu d’hommes à qui je dois quelque chose et qui m’ont vraiment appris. Parmi eux, il y a le professeur de musique de Carcassonne qui s’appelle Michel Mir, il y a Estève en philosophie, qui m’as appris beaucoup de choses. Il y a mon père qui était professeur de physique, Emile Bréhier à la Sorbonne, Laporte, Gilson à la Sorbonne. Il y a Darbon à Bordeaux. Ça c’est ce qu’on peut appeler mes maîtres.

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Balard, Sire, Estève et Alquié

Reçu avec mention très bien au bachot, F. Alquié, jeune Carcassonnais débarque dans une grande Khâgne de Paris où il va retrouver René Nelli et 95 condisciples. Ne vous inquiétez pas pour lui : il y fut aussitôt le premier de la classe. Une preuve, assure t-il, de la valeur de son professeur de philosophie à Carcassonne : Estève.

Je ne peux que lui rendre hommage. Le rôle d’Estève a d’ailleurs toujours été minimisé en ce qui concerne Joë Bousquet. Je crois que sans Estève, Bousquet ne serait pas devenu ce qu’il est devenu. Estève avait un sens de la vie extraordinaire. Se promener dans la rue avec lui était inouï.

Et René Nelli ?

Nelli était dans une classe en dessus de moi, mais nous avons été en Khägne ensemble. Nous avons eu douze ans ensemble. J’ai toujours été l’ami de Nelli. Il est exact qu’il y avait à Carcassonne, aussi bien à ce moment là (les années 20) que quand j’y étais professeur de philosophie (1932 à 1937), un milieu exceptionnel.

Viennent alors les noms de Bousquet, Molino, Sire et Maria Sire. Carcassonne était bien une métropole culturelle. Une preuve supplémentaire ? La voici :
Michel Mir avait fondé ici une association de concerts symphoniques. J’y jouais du violon. C’était une époque où les disques de phonographes ne donnaient que de petites opérettes ou « Les cloches de Corneville ». La radio n’existait pratiquement pas. A Montpellier même, il n’y avait pas d’association de concerts symphoniques. J’ai joué des symphonies de Mozart, de Beethoven. C’était médiocre, mais enfin nous jouions de grands musiciens.

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Au-delà de la nostalgie.
Sur le pommeau de son épée d’académicien, Ferdinand Alquié a voulu voir figurer un symbole de la nostalgie. Il a choisi le mythe platonicien de Phèdre, c’est-à-dire de l’âme tirée par un cheval noir et un cheval blanc qui chute puis s’incarne après avoir suivi le cortège des dieux. Mais l’âme se souvient de la beauté ineffable qu’elle a vue parmi les dieux. Et naît l’amour…
Je suis d’une certaine façon un philosophe de la nostalgie, estime F. Alquié et c’est assez dire sa quête d’une arrière monde, « des choses qui sont derrière des choses ». Si le poète court immédiatement à cet univers englouti sous les apparences, le philosophe chemine, lui, au pas de la « raison » n’en concevant nulle jalousie. Tous deux selon le mot de Descartes s’approprient « des semences de vérité comme en un silex ». L’antenne extrême de leurs âmes dissemblables touche au même paradis, entre le ciel étoilé et la loi morale.

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Ce général controversé qui libéra Carcassonne le 21 août 1944...

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Le 16 août 1944, Paul Aussaresses (Soual)est parachuté avec le sous-lieutenant Marcel Bigeard (Aube) dans l'Ariège près de Rieucros. Les deux futurs généraux surtout connus pour leurs faits d'armes en Indochine et en Algérie, vont se distinguer sur le sol Audois. Engagés au sein des Jedburgh du S.O.E (Special Organisation Executive), ils appartiennent à l'équipe Chrysler chargée de coordonner les maquis, mener des actions de sabotages et couper la route des troupes allemandes remontant vers la Normandie. Aussaresses avait appris dans les techniques de la guérilla, le maniement des explosifs et le close-combat en Angleterre. Pour maîtriser la peur, il dut se familiariser avec la façon de pétrir un pain de plastic à la main et de placer ensuite un détonateur les yeux bandés. Tous les exercices se déroulèrent à balles réelles. Dans l'ordre de mission de l'Opération "Massingham Bilda" figure également la note suivante : "Assurez-vous que les Résistants respectent la Convention de Genève". 

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Le capitaine Paul Aussaresses en 1944

Bigeard et Aussaresses se retrouvent au milieu des bois de Vira (Ariège) dans le maquis de la F.A.I (Forces Anarchistes Internationales). L’Etat-major d’Alger décida d’homologuer ce groupes de résistants. Comme il était important, l’équipe chargée de cette tâche devait comporter deux officiers supérieurs. Faute de trouver un commandant qui fasse l’affaire, le sous-lieutenant Bigeard avait été choisi à l’Ecole des Pins (Centre d’instruction des élèves agents du Spécial Organisation Executive) sur sa bonne mine et nommé commandant à titre provisoire. Bigeard se distinguera par un coup d'éclat en tentant de faire libérer les détenus de la prison de Foix. Malgré l'échec, il en sortira grandi auprès des guérilleros qui iront jusqu'à lui proposer de continuer la lutte en Espagne. Au moins Bigeard aura essayé, contrairement à la Résistance audoise qui ne tentera aucune action militaire pour faire libérer Bringer, Ramond, Roquefort et les autres. Là, n'est pas le sujet...

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Avec les deux agents des Forces spéciales avaient été parachutés Sell et Chatten. Ce dernier transportait des quartz, des pads et un million que l'équipe devait remettre à un major anglais. C'était très souvent le cas pour les troupes aéroportées chargées de financer les maquis. 

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"Au cours du saut, la lanière avait cédé et Chatten avait reçu la lourde besace en pleine figure. Il avait eu le nez cassé et des blessures assez sérieuses au visage. Il s’était évanoui et était tombé dans les bois sans avoir repris connaissance. A son réveil, il ne comprenait pas où il était. Il vit un chemin et se mit à marcher. Il entendit des hommes parler en Espagnol. C’étaient des maquisards. Hello ! dit tranquillement Chatten avant de s’écrouler. Son visage était complètement ensanglanté. Les Espagnols se précipitèrent. Ne pouvant le soigner, ils l’avaient confié au chef du maquis français voisin. Celui-ci l’avait fait transporter dans une clinique de Carcassonne dirigée par un médecin favorable à la Résistance (Chez Delteil. Notons qu'il était détenu à la prison avec Bringer à cette époque. NDLR). C’était risqué, puisque Carcassonne était toujours occupée."

Nous sommes le 21 août 1944, les Américains tendent une embuscade sur la route d'Alet-les-Bains mais se heurtent à des blindés Allemands. Le lieutenant Paul Swank qui commandait l'OG est tué avec son radio. Aussaresses laisse Bigeard avec ses Espagnols de la FAI et arrive à Limoux

"Lorsque je suis arrivé à Limoux, laissant Bigeard s’occuper du maquis de la FAI, j’ai vu 2000 hommes qui attendaient pendant que leurs chefs palabraient. Il y avait eu en effet une grande discussion entre le chef du maquis d’infanterie alpine, le commandant Allaux (Maurice Allaux. NDLR), les rescapés de l’OG et un chef FTP. La question était de savoir s’il fallait attaquer Carcassonne ou attendre qu’elle se libère d’elle-même. J’ai dit à Sell que de telles hésitations étaient dangereuses. Les Allemands risquaient de se ressaisir. La 11e division à propos de laquelle nous devions obtenir des renseignements pouvait se retrancher dans la ville. J’ai pressé Allaux de se mettre en route sans attendre les FTP. Il a accepté."

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© ADA 11

Lucien Maury (Frank), chef du maquis de Picaussel. Il s'engagea ensuite en Indochine

Dans la Résistance Audoise de Lucien Maury, il est dit que Guy David s'embarqua vers Carcassonne avec l'avant-garde du maquis de Picaussel composée de deux détachements : une petite escorte dotée d'un fusil-mitrailleur et une section amenée par Maurice Allaux. Guy David raconte qu'il avait pour mission d'installer le Comité de Libération à la Préfecture et d'écarter les menaces Allemandes sur la ville. Lucien Maury (Frank) lui aurait alors présenté le capitaine Soual (Aussaresses) : "Un grand garçon, mince, qui porte avec élégance une tenue d'officier anglais." Il lui est sympathique d'emblée. Soual lui propose de les accompagner pour renseigner le commandement allié sur la situation à Carcassonne. Apparement, ils ont des objectifs communs. Toutefois, la détermination du FFI Guy David d'en découdre, se retrouve nuancée par Aussaresses, au sujet des moyens dont dispose la Résistance pour empêcher les Allemands de traverser Carcassonne. Il faut éviter de nouveaux massacres, comme celui du Quai Riquet la veille. Dans les mémoires d'Aussaresses, la version Guy David se trouve contredite :

"Je suis parti en reconnaissance avec Sell, une dizaine d’hommes et un radio que m’avait affecté Bigeard. Allaux m’avait dit que des policiers pourraient nous aider. Nous sommes entrés dans Carcassonne au culot. Je me suis rendu au commissariat. J’ai demandé au commissaire (Fra. NDLR) d’occuper tous les points importants de la ville (la mairie, la préfecture, la poste) et les défendre du mieux qu’il pouvait en attendant l’arrivée du maquis. Bien sûr, nous avons foncé à la clinique où était Chatten. Après 24 heures d’une attente angoissante, l’infanterie alpine est arrivée."

Guy David raconte sa prise la préfecture en mettant Aussaresses au second plan. Difficile de dire qui a raison, mais chacun essaie de s'en attribuer le bénéfice. Qui délivra Carcassonne : Londres ou Picaussel ?

"Nous entrons déjà dans les faubourgs de Carcassonne. Les passants, regardent, surpris, ces soldats bizarrement accoutrés qui foncent vers le cœur de la ville. Le temps de comprendre, d'esquisser un geste, nous sommes déjà passés... La préfecture... Je saute de la voiture et je demande au capitaine Talon de m'attendre là avec son équipe. Soual (Aussaresses) désire m'accompagner. A mon tour d'hésiter... Après tout, il représente les Forces Françaises Libres... Je préfère aussi ne pas me trouver seul devant tous ces gens que je connais pas. Et puis, dans son uniforme anglais tout neuf, il fera bonne impression, meilleure que moi sans doute. Je m'aperçois pour la première fois que ma tenue donne des signes très évidents de fatigue."

Avec subtilité, Guy David expose le ressentiment des maquisards envers Londres. Les uns sont propres et fraîchement parachutés, les autres épuisés par trois années de clandestinité. Les maquis de l'Aude, surtout communistes, se plaignirent du peu d'armes parachutées par Londres. En effet, les alliés craignaient que les communistes ne s'en servent ensuite pour prendre le pouvoir. Faut-il en vouloir aux résistants de terrain d'avoir un peu gonflé leurs récits d'une trop grande gloire ? Notre travail d'historien consiste à tenter de s'approcher de la vérité. Guy David poursuit son récit en mettant en avant les craintes qu'une colonne Allemande ne traverse Carcassonne. Personne ne serait alors en mesure de la stopper ; ces objections avaient été relevées par Aussaresses au départ de Limoux. Fort heureusement, celle que l'on signala aux portes de Carcassonne se dérouta vers le Nord, et ne traversa pas la ville.

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La clinique du Dr Delteil en 1944

"Nous avions eu de la chance : les Allemands ne nous avaient pas attaqués, préférant filer vers le nord. Il me fallait maintenant tendre des embuscades pour obtenir les renseignements dont j’avais besoin à propos de la 11e division allemande. Un de mes groupes, disposé à l’Ouest de Carcassonne et constitué de résistants locaux, était commandé par un réserviste de la coloniale. Il accrocha un groupe allemand qui contre-attaqua et les résistants - une trentaine - furent capturés. Ceux qui étaient en uniforme furent désarmés et libérés, mais six combattants en civil furent exécutés."

Aussaresses évoque ici un évènement qui n'est jamais mis en avant pas la Résistance audoise. Selon lui, les officiers de la Wehrmacht respectaient la Convention de Génève. Bien entendu, pas les Waffen-SS ni la Gestapo. Ils fusillaient les combattants en civils considérés comme terroristes, mais respectaient l'uniforme. Attention, ceci n'engage que lui. Venant d'un officier d'active, on peut cependant le croire.

"Je me tenais au nord de Carcassonne où j’avais constitué une section avec des mitrailleuses Hotchkiss. Nous avons ouvert le feu pour couper la route aux convois d’infanterie mécanisée qui montaient au Nord. L’accrochage fut très sérieux. Mon objectif était de les clouer sur place et de bloquer la route, mais ils étaient nombreux et se défendaient désespérément. J’ai dû appeler l’aviation et six chasseurs Spitfire d’Alger sont arrivés in extremis pour nous appuyer. Du coup, les Allemands n’ont pas été en mesure de contre-attaquer mais ont finalement réussi à se dégager en emportant leurs morts et leurs blessés. Nous avons fait des prisonniers."

Il doit s'agir de l'attaque de Pennautier au cours de laquelle l'avion de James Millard Ashton est allé s'écraser sur le domaine de Gougens. Le 24 août 1944, Guy David raconte que l'avant-garde de Picaussel amenée par Allaux et René Brun, renforcée du capitaine Aussaresses et du détachement Gayraud, attaqua une colonne Allemande près du carrefour de Villegailhenc. Le bilan fut de cinq tués et deux blessés dans les rangs des FFI. L'Aude était définitivement libérée.

"Le régiment de l’infanterie alpine du commandant Allaux avait rejoint la première armée et la ville était sous le contrôle des FTP qui avaient déjà exécuté une dizaine de collaborateurs. Il fallait éviter les excès et arbitrer entre résistants authentiques et collaborateurs déguisés. Ce fut un autre aspect de ma mission. Je retrouvai finalement le major auquel nous devions remettre les quartz, les pads et le million. Mais il était en civil et nous parut suspect."

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Noël Blanc alias Charpentier

Aussaresses resta deux semaines à Carcassonne et fit la connaissance "d'un garçon sympathique nommé Charpentier, un Vosgien. Le BCRA l’avait envoyé pour préparer les parachutages, notamment en balisant les terrains. Charpentier connaissait bien la clinique où Chatten avait été soigné. Son directeur, le docteur D (Delteil), était un patriote et Charpentier avait remarqué les deux jolies infirmières qui l’assistaient." Il fut ensuite envoyé par le Comité de Libération enquêter sur un maquis installé du côté de la mine d'or de Salsigne. Son existence était suspecte car il se trouvait dans ses rangs d'anciens miliciens passés à la Résistance pour se blanchir de leurs crimes. Finalement, le chef se disculpa en arguant qu'il avait fait des actions contre les Allemands. "J’appris plus tard que son chef (de ce maquis) avait trouvé la mort dans un accident d’automobile. Quant aux miliciens qu’il avait enrôlés, ils eurent sans doute l’astuce, comme bien d’autres, de s’enrôler dans l’armée de libération pour finir de se blanchir. Je suppose qu’ils ont été décorés." Ces miliciens s'enrôlèrent ensuite dans la légion étrangère ; ils constituèrent le bataillon des réprouvés. Il est exact parmi ceux qui revinrent, certains furent décorés. Quand Aussaresses revint à Carcassonne, il chercha Charpentier. On lui apprit qu'il avait été assassiné (le 4 septembre 1944. NDLR). Il alla s'informer auprès du commissaire de police Fra qui "resta évasif, évoquant une rivalité entre Londres et les FTP."

L’équipe Chrysler repartit dans une superbe voiture américaine pilotée par Ronald Chatten, tout à fait remis de son accident. L’automobile avait été mis à disposition par le Comité de Libération de Carcassonne : c’était une Graham-Paige blanche confisquée à un collaborateur. Leur débriefing eut lieu au début du mois d’octobre à la Special Force Unit number 4 installée à Villeneuve-lez-Avignon. Ils rendirent longuement compte de leur mission devant les officiers anglais et américains et rédigèrent leur rapport. Le million destiné au major fut restitué à un officier qui jeta le sac dans un coin de la pièce sans même vérifier son contenu. Ainsi s'acheva l'aventure des Forces Spéciales Jedburgh dans l'Aude.

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Le général Paul Aussaresses défraya la chronique dans les années 90, lorsqu'il se justifia sur l'usage de la torture pendant de la guerre d'Algérie. Le Président de la République, Jacques Chirac, obtint que l'on lui retirât son légion d'honneur. Cet article n'a pas pour objet de prendre position sur l'attitude de Paul Aussaresses après la Seconde guerre mondiale.

Sources

Mémoires de P. Aussaresses

La Résistance audoise / Lucien Maury

Notes, recherches et synthèses / Martial Andrieu

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Le voyage de l'agronome anglais Arthur Young à Carcassonne en 1787

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Ce n'est pas n'importe quel sujet de la couronne britannique qui effectue durant l'été 1787, un voyage d'étude en notre Languedoc. La renommée d'Arthur Young (1741-1820) en matière d'agronomie et d'agriculture dépasse les frontières. De son passage dans la région, il nous a légué en 1794 un ouvrage en langue anglaise intitulé : Travels during the years 1787, 1788 et 1789 of the Kingdom of France. 

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© National Gallery

Arthur Young par John Russel

Venant de Béziers, Arthur Young se dirige vers Carcassonne le 31 juillet 1787 et l'atteindra le lendemain.

"Traverser une montagne par une route misérable, et atteindre Beg de Rieux, qui partage avec Carcassonne, le tissu de Londrins, pour le commerce du Levant. Traverser beaucoup de déchets à Béziers. J'ai rencontré aujourd'hui un exemple d'ignorance chez un marchand français bien habillé, cela m'a surpris. Il m'avait affligé de nombreuses questions insensées, puis il m'avait demandé pour la troisième ou la quatrième fois de quel pays j’étais. Je lui ai dit que j'étais un Chinois. À quelle distance se trouve ce pays ? J'ai répondu, 200 lieux. "Dieu cents lieues ! Diable ! C'est un grand chemin !" L'autre jour, un Français m'a demandé, après lui avoir dit que j'étais Anglais, si nous avions des arbres en Angleterre ? J'ai répondu, que nous en avions quelques-uns. Avions-nous des rivières ? Oh, pas du tout. "Ah, ma foi c'est bien triste !" Cette incroyable ignorance, comparée à la connaissance universellement disséminée en Angleterre, doit être attribuée, comme tout le reste, au gouvernement."

La perfide Albion ne s'est-elle jamais positionnée au-dessus des Français ? Deux années après le début de la Révolution française, il tombe à-propos de critiquer le changement de régime dans un pays que l'on tient pour ennemi héréditaire depuis le Moyen-âge. Le 1er août 1787, Young arrive enfin à Carcassonne.

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"Quitter Béziers, pour aller à Capestang par la montagne percée. Traverser le canal du Languedoc plusieurs fois; et sur beaucoup de déchets à Pleraville. Les Pyrénées maintenant à gauche, et leurs racines à quelques lieues. A Carcassonne ils m'ont porté à une fontaine d'eau boueuse, et à une porte de la caserne; mais j'étais plus heureux de voir plusieurs grandes maisons de fabricants, qui montraient la richesse.

 A cette époque, la renommée de l'actuelle capitale audoise dépasse les frontières grâce à son production de draps qu'elle exporte vers le Levant. En 1698, l'Intendant Lamoignon de Basville indique que "La ville de Carcassonne n'est à proprement parler qu'une Manufacture. Tous les habitants sont occupés les uns à filer, les autres à carder, ceux-là à faire des étoffes. Demurat en 1731 précise que "Dans la ville de Carcassonne et dans toutes les paroisses du diocèse, on ne fait autre chose que de donner les façons nécessaires aux draps, ce qui occupe même le peuple dans quatre ou cinq diocèses voisins. Déjà avant la Révolution, Young avait écrit que "Carcassonne est une des places manufacturières les plus considérables en France." 

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Carcassonne au XVIIIe siècle

Quand il est admis que cet endroit est l'une des plus importantes villes manufacturières de France, contenant 15 000 personnes, pourtant pas une voiture d'aucune sorte, comment un Anglais dont les commodités universelles sont répandues dans son propre pays, où je crois qu'il n'y a pas une ville de 1500 personnes dans le royaume dans laquelle les chaises de poste et les chevaux ne doivent pas être pris lorsqu'on les sollicite ! Quel contraste ! Ceci confirme le fait déductible du peu de circulation sur les routes même autour de Paris. La circulation est flagrante en France. La chaleur était si grande que je laissai Mirepoix en désordre: c'était de loin le jour le plus chaud que j'aie jamais quitté. L'hémisphère semblait presque dans une flamme avec des rayons brûlants qui rendaient impossible de tourner les yeux à plusieurs degrés de l'orbe radieux qui flambait maintenant dans le ciel.

En effet, après avoir quitté Carcassonne, Young se rendit à Mirepoix en passant par Fanjeaux et Notre-Dame de Prouille.

"A Mirepoix, il y a un magnifique pont de sept arches plates de 64 travées, qui coûtent 1 800 000 livres; il a été douze années érigeant, et sera fini dans deux autres. Le temps pendant plusieurs jours a été aussi beau que possible, mais très chaud; aujourd'hui la chaleur était si désagréable, que je me reposai de midi à trois heures à Mirepoix; et l'a trouvé si brûlant, que c'était un effort d'aller un demi-quart de mile pour voir le pont. Les myriades de mouches étaient prêtes à me dévorer, et je pouvais difficilement supporter la moindre lumière dans la pièce."

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Le Président de la Chambre des Communes profite également de son séjour pour faire un certain nombre d'observations sur l'agriculture de notre région. A Carcassonne, la luzerne est coupée 4 à 6 fois, selon la pluie.

"Le sétier de blé est de 150 livres et ils ont une bonne terre six par setterée. le setterée étant ici 1024 de huit pavés, cela fait 25000 pieds; Le produit est donc de 23 boisseaux. Les récoltes extraordinaires s'élèvent à dix sétiers. La province a un caractère beaucoup plus grand pour la fertilité qu'elle ne le mérite. Monsieur Astruc en dit: «Je ne prétends point parler de blé ou de laine: ces articles sont portés dans le Languedoc à peu près au plus haut point où ils se dirigeaient. Une jolie raison pour que l'historien naturel d'une province n'en dise plus rien! A Narbonne, il y a de la bonne laine, mais la culture du blé a peu de mérite. Un autre écrivain est proche de la vérité lorsqu'il dit: «Si l'on excepte ce qu'on appelle la plaine du Languedoc, les terres basses et les basses cévenoles, le reft, qui fait la moitié de la province, est, de tous les pays que je connais, le plus ingrat et le moins fertile."

Sources

Notes, synthèse et recherches / Martial Andrieu

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Ce Carcassonnais, fondateur de la loterie nationale...

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La loi du 31 mai 1933, promulguée au Journal Officiel de la République française, constitue l'acte fondateur de la loterie nationale. Ce que beaucoup d'entre-vous ignorent, c'est que le créateur de ce jeu de hasard fut un enfant de Carcassonne. Né le 30 novembre 1873, Henri Mouton fait d'abord ses études au lycée de la ville, avant de devenir ensuite un grand avocat attaché au barreau de Toulouse. Outre ses fonctions de juge d'instruction et de procureur dans différentes villes, il entre en 1912 au cabinet du préfet de police de Paris, Louis Lépine. Il fonde la police judiciaire dont il deviendra le directeur. 

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© Société française d'histoire de la police

Paul, Henri Mouton

En 1930, le Carcassonnais devient Conseiller d'état. Le ministère des finances qui recherche des moyens afin de financer la caisse des calamités agricoles, demande à Henri Mouton de se pencher sur le problème. Déjà à cette époque, il existe en Europe des loteries nationales sous diverses formes. C'est cette idée que va prendre à son compte le Conseiller d'état. Dans sa forme et son organisation, la loterie espagnole inspirera la future loterie nationale française. Les gains qu'elle rapporte au trésor, ne sont pas négligeables. Dès lors, Henri Mouton devient le Président du comité chargé de l'organisation technique.

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© gueules-cassées.asso.fr

La loterie au capital d'un milliard de francs est répartie de la sorte : 60% versés en lots et 40% au bénéfice de l'opération. Plusieurs séries de billets sont éditées avec pour chacune d'elles, un certain nombre de lots. Ces billets sont exclusivement au porteur et les gains, exempts de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Le décret du 23 juillet 1933 fixe les objectifs... Sur les 400 millions qui théoriquement reviendront à l'état, 100 millions seront attribués à la caisse des calamités agricoles. Les 300 millions qui restent seront affectés au budget de l'état.

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© gueules-cassées.asso.fr

 Le premier gagnant fut M. Bonhoure, coiffeur à Tarascon. Il empocha 7 millions de francs le 7 novembre 1933. Le gouvernement de Vichy révoqua Henri Mouton en raison de ses convictions républicaines. Réfugié dans l'Aude, il participa à un réseau de Résistance. Nous avons notamment évoqué la réunion qui se tint en juin 1944 dans sa propriété de Carcassonne, en présence de tous les chefs de la Résistance régionale. Paul Henri Mouton mourra à Paris le 17 décembre 1962. 

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La sépulture d'Henri Mouton au cimetière Saint-Michel de Carcassonne.

Dans la zone de la Ferrandière, une avenue porte le nom de cet illustre Carcassonnais. Ceci, sans toutefois mentionner qu'elle fut sa qualité ; une lacune préjudiciable pour l'histoire locale et plus largement, pour celle de notre pays.

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Les vœux de l'administrateur de "Musique et patrimoine de Carcassonne"

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Chers lecteurs,

En cette nouvelle année, je formule des vœux pour vous et vos proches de bonne santé et de prospérité. Vous pourez toujours compter sur ma détermination pour faire avancer la recherche historique de notre ville. Ceci, malgré un petit nombre d'esprits chagrins et jaloux qui se complaisent à discréditer ce travail. Je terminerai en citant le poète Joë Bousquet, dans "Le médisant par bonté" :

"Les médisants ressemblent aux malheureux qui n'ont pas eu leur part d'événements et doivent mener aux dépens de leurs voisins une existence parasitaire."

En 2017, vous étiez près de 500 à suivre quotidiennement mes articles. Voilà une performance, comme la meilleure des réponses aux misérables fesse-mathieux, familiers des alcôves poussiéreuses de la ville.

Martial Andrieu

Les débuts de Mistinguett à l'Alcazar de Carcassonne

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A la fin du XIXe siècle, Carcassonne possédait encore plusieurs salles de Music-Hall. Dans le quartier du Palais de justice, on allait à la belle saison à l'Alcazar d'été - rue de Belfort - et à partir de l'automne, à l'Alcazar d'hiver. Cet établissement se trouvait sur l'actuel boulevard Jean Jaurès. Il fut transformé en cinéma "Le Boléro" puis dans les années 1990 en centre de contrôle technique pour les véhicules. C'est là que fit ses débuts en province, la jeune artiste Jeanne Florentine Bourgeois, connue plus tard sous le nom de Mistinguett.

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Mistinguett

(1875-1956)

Le pseudonyme de Mistinguett proviendrait de la déformation du nom de l'héroïne de l'opérette "Miss Helyett" d'Edmond Audran. Vous avez sans doute oublié cette œuvre musicale du compositeur de Gilette de Narbonne, Le grand Mogol ou de la Mascotte. Pour cette dernière, nos anciens fredonnaient "J'aime mieux mes dindons, j'aime mieux mes moutons quand ils font leurs doux glou glou flou. Quand chacun fait bê bê bê." Mistinguett fit donc ses premières armes à Carcassonne à une époque où elle ne connaissait pas encore la célébrité. C'est cette anecdote que nous avons retranscrite d'un entretien que donna M. Esparseil en 1960 à la presse locale.

"Il y avait une autre dans le quartier du Palais de justice, derrière l’Alcazar de la mère Annou, que tous les vieux ont connu. Celui-ci est remplacé par le cinéma en face de la préfecture. Toujours au grand complet, il était fréquenté par la troupe et les sous-officiers de cavalerie.
C’est là que j’ai connu Mistinguet alors toute jeune. Elle y venait avec l’un de nos camarades, sous-off, comme nous, et elle était déjà très amusante, promesse de la grande carrière qui fut la sienne.
Notre camarade, qui ne l’avait pas vue depuis une vingtaine d’années, eu l’idée, pendant la guerre de 1914, posant à Paris en permission, d’aller la voir. Elle était en pleine gloire et dans toute sa splendeur. Il fut reçu à bras ouverts."

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L'Alcazar d'hiver, sur l'ancien boulevard de la préfecture

La grande salle de l'Alcazar d'hiver se trouvait 17, boulevard de la préfecture. M. Feuillat avait à coeur d'y  engager des artistes, considérés par la presse locale comme ayant fait les beaux jours des cabarets parisiens : comiques troupiers, chanteuses réalistes, danseuses exotiques, etc... Carcassonne étant une ville de garnison, il fallait émoustiller le militaire. Très souvent, les voisins se plaignaient de l'agitation et des nuisances sonores dans le quartier. Sans compter, les amendes infligées à la direction pour salle de jeu clandestine. Cette salle servira également pour les meetings politiques ; on y entendra le Dr Ferroul. Rien d'étonnant à cela puisque Jean Feuillat fait partie du conseil municipal, dirigé par le maire Antoine Durand.

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La grande Mistinguett viendra ensuite à plusieurs reprises à Carcassonne au Théâtre municipal. Elle dormira même à l'Hôtel de la Cité en 1932. Parmi les grands succès de l'artiste : Ça c'est Paris !

Paris, c'est une blonde qui plaît à tout le monde...

https://www.youtube.com/watch?v=p2OxL7i_x_Y

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Où est donc passée la collection archéologique de Maurice Nogué ?

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Voilà une nouvelle affaire à placer sans nul doute sur la longue liste de nos chers disparus... Au mois de juin 1952, Maurice Nogué fit don au Musée des beaux-arts de Carcassonne de sa grande collection archéologique. Au milieu des salles consacrées aux tableaux des peintres surréalistes provenant de chez Joë Bousquet, René Nelli avait installé dans sept vitrines les objets antiques de l'ancien avocat. Une carte des Pyrénées-Orientales, de l'Aude et de l'Hérault indiquait avec précision l'emplacement des stations ibériques de l'ère chrétienne. Les monnaies permettaient de constater que les Celtibères s'établissaient au bord de la mer et le long des routes fluviales. Le répertoire signalait les études publiées sur chaque emplacement ; les analyses en avaient été rédigées par les inventeurs des sites archéologiques.

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Poteries et anciens poids du Midi

 A côté de cette représentation schématique, figurait, en coupe, une station ibère type, telle que les travaux d'exploitation en révélèrent la structure. Les objets de fouilles, tessons de céramique ou poteries intactes, appartenaient à l'époque de Hallstatt et à l'époque de la Terre, premier et second âge du fer, avec des fibules en bronze, couches inférieures de la station. A un niveau intermédiaire reposaient les échantillons de céramique grecque à figures rouges. Les objets spécialement ibériques, de la fin du Ve siècle jusqu'aux approches de l'ère chrétienne, étaient des poteries et des figurines. On signalera, parmi elles, une espèce de guerrier en bronze inspiré de l'art étrusque. Enfin, au niveau supérieur, les poteries sigillées de la période gallo-romaine, signalaient la fin de la civilisation ibérique.

D'après les écrivains antiques, les premiers habitants dans nos régions furent les Ligures. On les situe dans la protohistoire et aux premiers âges du métal. Dès la fin du VIe siècle avant JC, début de l'époque de Tène, des peuplades ibériques venues de la péninsule hispanique, envahirent progressivement le sud de la Gaule en longeant les côtes pour s'arrêter au Rhône. Les premiers abris de ces peuplades furent retrouvés peu après la Libération. Ensérune et le Cayla de Mailhac en sont de précieux exemples. La civilisation ibérique a subsisté sous la domination des Galois qui vinrent s'établir chez nous 300 ans environ avant notre ère. Les nouveaux arrivants se divisèrent en tribus : Volques Arécomlques avec Nîmes pour capitale, Volques Tectosages autour de Toulouse. Les peuplades ibériques perdent leur autonomie. Lors de la fondation de la Province, en 118 avant J-C, elles vont disparaître.

Nos lointains ancêtres ont frappé des monnaies en bronze imitant les pièces grecques. Ces monnaies sont très rares. Dans deux des vitrines, Maurice Nogué exposait une cinquantaine de spécimens bien conservés émis par les Longostalètes, des environs de Narbonne, et les chefs de tribus Kaiantolos, Bitouios, restés des personnages mystérieux. L'histoire les identifia grâce à ces jetons de métal. Une rarissime petite pièce en argent peut être considérée comme la plus ancienne monnaie frappée en pays audois. On n'en connaît que seize exemplaires, dont quatorze proviennent de Montlaurès, colline située à 4 km de Narbonne. La date d'émission paraît être 400 ans avant J-C.

A côté de ces vestiges pré-romains, Maurice Nogué disposa dans trois vitrines, de beaux jetons du Languedoc ; une centaine à peu près, tous "fleur de coin". La notice rappelait que ces jetons apparurent sous le règne de Saint-Louis. Alignés dans une tablette, le "Comptoir" (l'albacus des anciens), ils étaient utilisés pour faire des calculs. Vers le milieu du XVe siècle, avec l'introduction des chiffres arabes, cet usage fut abandonné. On n'utilisa plus les jetons que pour récompenser les membres d'une administration, d'un Etat provincial. Les Stats du Languedoc, qui se réunissaient annuellement sous la présidence de l'archevêque de Narbonne pour fixer le chiffre et le mode de répartition des impôts, les firent frapper eux aussi des jetons en argent ou en cuivre. On voit un qui jeton rappelle la création du canal des Deux-Mers ; ceux qui ont été frappés à l'occasion de la publication de l'Histoire du Languedoc, monument d'érudition dû à Dom Devic et à Dom Vaissette ; les jetons qui commémorent l'achèvement de la statue équestre de Louis XIV, sise place du Pérou à Montpellier ; la construction du pont du Gard...

Dans une autre vitrine se trouvaient les poids du Midi. Les plus anciens remontant à l'an 1239 ; ils appartenaient à la cité de Toulouse. La plupart des villes d'origine romaine : Albi, Rodez, Carcassonne, Narbonne, la Cité et le Bourg avaient des poids distincts, portant des armoiries et des attributs différents. Dans la vitrine, le premier poids de Carcassonne, émis sous Saint-Louis, poids inédit, non mentionné dans les répertoires ; de même, le poids de fantaisie de Colbert. Des cartons les entouraient portant les blasons des villes.

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Où est passé l'ensemble de cette collection exceptionnelle ? Dans un coin poussiéreux des réserves du musée ? Ce serait un moindre mal, quand on sait que le bâtiment fut fermé une dizaine d'année après le départ de René Nelli et livré au quatre courant d'air. Il serait intéressant que du côté de l'administration et à la lecture de cet article, on veuille bien mener une petite enquête. Regrettons qu'une ville comme Carcassonne n'ait jamais possédé de musée archéologique. L'éminent Jean Guilaine pourrait nous éclairer sur la qualité de l'ensemble de la collection de Maurice Nogué.

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Petits tripatouillages politiques à Carqueyrolles après la Libération

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Nous savons par le témoignage de Lucien Roubaud, alors chef du Comité Régional de Libération, qu'un petit nombre de résistants intellectuels, fréquentant la chambre de Joë Bousquet s'étaient organisés afin de se distribuer les postes au moment de la Libération. Dans la Résistance audoise (Lucien Maury / 1980), Roubaud ne paraît pas tendre avec le creuset littéraire de la rue de Verdun.

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Lucien Roubaud

"Existait aussi à Carcassonne un groupe de résistants qui se préoccupaient de choisir les hommes devant occuper les postes importants à la Libération. Je le sais, car un émissaire est venu me proposer le poste d'Inspecteur d'Académie. J'ai décliné cet honneur, Gilbert de Chambrun, alerté, est venu contacter ce groupe qui a refusé de faire autre chose que la propagande orale et la préparation de l'après-libération."

Cette réflexion doit être éclairée par un évènement survenu au début de l'été 1944. Le mot propagande prend ici tout son sens dans sa bouche. En effet, lors d'une réunion du Comité Régional de Libération, une vive altercation opposa Gilbert de Chambrun et Lucien Roubaud d'une part, à Henri Noguères et Francis Missa d'autre part. Ces derniers, membres du Parti Socialiste clandestin, souhaitaient faire de la propagande afin de placer les socialistes après-guerre au sein des futurs comités de libération. A contrario, Roubaud qui n'était d'aucun parti à cette époque, même s'il avait des sympathies pour le communisme, ne voulait pas entendre parler des socialistes. Il fallait d'abord libérer militairement la région. La commission des conflits du Conseil National de la Résistance fut saisie ; elle donna raison à Roubaud. La haine et la rancune fut si féroce que dans l'Histoire de la Résistance d'Henri Noguères (5 volumes), il n'y a pas une ligne sur Roubaud. Cherchez un nom de rue dans Carcassonne à celui qui, avec Albert Picolo - un autre oublié - organisa la Résistance dans notre ville. Vous n'en trouverez pas... Plus la Libération de l'Aude approcha et plus la politique d'avant-guerre reprit ses droits. Au sein des comités, on plaça les hommes pour remplacer les Vichystes à la tête des mairies, préfecture, Conseils départementaux, etc.  Charpentier, chef des parachutages de l'Aude, sera retrouvé mort entre Palaja et le Mas des cours le 6 septembre 1944. L'enquête conclura que le Résistant fut tué dans la clinique Delteil par le Dr Cannac. Lors du procès de ce meurtre, une partie des résistants Carcassonnais dira que Charpentier était un traitre ; l'autre partie, extérieure au département défendra la victime comme un authentique patriote. Or, Charpentier était un protégé d'Henri Noguères, dont il défendra la mémoire en se portant partie civile. La pauvre victime n'a t-elle pas fait les frais d'une vengeance sur fond de querelle politique ? Tout ceci mérite réflexion...

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© Médiathèque de Carcassonne

Joë Bousquet par Bernon

Revenons au groupe d'intellectuels dont parle Roubaud, désireux selon lui de se partager les postes. Le 28 décembre 1944, on apprend dans le Midi-Libre que le poète Joë Bousquet va devenir le président du Syndicat d'Initiative. Jusqu'à présent, le Dr Jean Girou occupait ces fonctions.

"Il faudra, dit J. Bousquet, lui assigner dès maintenant un but assez lointain. Ce but pourrait être de jeter les bases d'une société franco-anglaise. Ce ne sera pas une simple succursale de la société franco-anglaise de Paris. Cette société sera autonome et son but sera de faire coopérer les deux pays par le dedans, par l'âme même et non pas seulement par la tête. Carcassonne est le lieu rêvé pour la réalisation de tels projets. Il est difficile de trouver en France un lieu plus apte à faire séjourner des Anglais pendant un temps relativement long. Il pourrait s'établir une entente entre les hôteliers pour que cette publicité soit commune. Une deuxième conséquence d'un ordre différent serait de toujours servir le Syndicat d'Initiative pour favoriser l'échange scolaire des jeunes gens et jeunes filles entre l'Angleterre et la France. On pourrait chaque année envoyer quelques bons sujets aptes à profiter des voyages et de même nous recevrions en France des jeunes Anglais et jeunes Anglaises. Une troisième conséquence serait de ressusciter l'ancien bulletin du Syndicat d'Initiative, mais en élargissement grandement sa portée. On demanderait à d'excellents écrivains d'y apporter leur talent et nous pourrions ainsi donner à ce bulletin un intérêt international. Il serait possible également de s'adresser aux directeurs des revues anglaises, pour qu'ils nous fassent parvenir des livres édités en langue anglaise. Il se constituerait ainsi assez rapidement une précieuse bibliothèque. Enfin, pour assurer l'unité d'action de l'hôtellerie audoise, il serait nécessaire d'obtenir la création d'une fédération des hôteliers audoise."

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© Musée de Narbonne

Jean Girou

Si Bousquet prenait la tête du Syndicat d'Initiative, le Dr Girou devait-il en être alors exclu ? Les tripatouillages sur fond de querelles politiques et de règlements de comptes battaient leur plein. Nous n'avons pas trouvé, pour le moment, d'enquête du comité d'épuration concernant Jean Girou. Ce dernier restera président de l'ESSI (Syndicat d'Initiative de l'Aude) jusqu'en 1963, année où il on lui indiqua la sortie. Dans un courrier à René Nelli, il manifeste son amertume.

"Merci d'abord pour le témoignage d'amitié dans mon éviction scandaleuse de l'ESSI à Carcassonne menée par Sablayrolles avec la complicité de Drevet, Noubel et Bonnafous."

A la lumière de ces quelques réflexions, il appartient à chacun désormais de se faire une idée sur la vie politique Carcassonnaise, telle qu'elle fut menée depuis la Libération. 

Sources

ADA 11

Archives Nationales

Midi-Libre / 18.12.1944

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Ces Carcassonnais qui ont tourné dans "Le miracle des loups" en 1961 avec Jean Marais

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Inutile de rappeler que le film "Le miracle des loups" d'André Hunebelle fut tourné en 1960 dans la Cité de Carcassonne, au lac de Saint-Ferréol et sur le vieux pont de Rieux-en-Val. Nous avons déjà consacré un article à ce sujet. Aujourd'hui, il nous parait intéressant de nous attarder sur les Carcassonnais qui participèrent au tournage. Qui se souvient que parmi eux, deux furent choisis pour doubler les deux héros du film : Jean Marais et Rosa Schiaffino ?  

Hélène Mailhol

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Hélène Mailhol épouse Bénéteau, née à Puicheric. Elle était coiffeuse rue Aimé Ramond et avait pour l’habitude de sortir le samedi soir avec une amie dans un bar musical Le Club.

Un soir Jean Alary lui parle du tournage du Miracle des loups et lui présente André Hunebelle dont elle ignorait qu’il était réalisateur. Celui-ci lui dit qu’elle a à peu près la même stature que Rosanna Schiaffino et lui propose d’être sa doublure. Elle refuse d’abord car elle travaille mais le salaire pour 4 jours représentant 2 mois de travail elle finit par accepter. Pensant que sa patronne ne lui donnerait pas ces 4 jours, elle lui dit qu’elle ne se sent pas bien. Elle joue la doublure de l’actrice italienne pour les scènes tournées au lac de Saint-Ferréol. Rosanna Schiaffino tournait en effet deux films en même temps, l’un à Carcassonne, l’autre à Nice et faisait des allers-retours entre les deux lieux de tournage. Hélène l’a donc remplacé pour le réglage des éclairages et mouvement de caméra et pour quelques scènes où l’on ne voyait as l’actrice en gros plan : une scène dans les bois, une scène de dos dans les bras de Jean Marais qui a été charmant avec elle, lui a demandé si elle n’avait pas trop le trac et signé un autographe.

Elle a ensuite fait partie des figurants en costumes pour la scène de l’entrée de Louis XI à Carcassonne. Péronne. Seules les personnes aux premiers rangs étaient habillées en costume. Elle se souvient avoir mangé avec l’équipe dans une cantine sous une toile de tente et côtoyé ainsi Jean Marais et Guy Delorme et un peu Roger Hanin. Quand elle a repris le travail le lundi, sa patronne lui a demandé si elle allait mieux. Quand Hélène a répondu oui, la patronne lui a sorti le journal où elle était en photo, présentée comme doublure de R. Schiaffino.

(Témoignage recueilli par Isabelle Debien)

Francis Bassoua

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Francis Bassoua et Hélène Mailhol

Francis Bassoua avait été choisi pour doubler Jean Marais, lors des séquences tournées au lac de Saint-Ferréol. Comme d'ailleurs Hélène Mailhol, pour Rosanna Schiaffino.

Jeanine Baluc

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Une jeune carcassonnaise Jeanine Baluc née à Fleury d’Aude, ancienne élève du lycée de la Cité est repérée par A. Hunebelle. Il lui propose de faire des essais qui s'avèrent positifs. Elle est engagée pour le rôle de la camérière de Jeanne de Beauvais et double à l’occasion R. Schiaffino. Au moment du tournage, elle aspirait à devenir actrice, avait un projet de film avec René Clair et de disque chez Barclay. Mais son nom n'est semble-t-il pas passé à la postérité.

(Texte d'Isabelle Debien)

Gérard Authier

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Gérard Authier, à droite

A ce moment, je suis au lycée Saint Stanislas, en cours ! Un groupe de jeune dont mon copain Bernard Génie décide d'aller toquer au bureau du Directeur, le Chanoine Louis Estagerie, un brave homme qui nous donne l'autorisation d'absence. Le 6 avril, nous nous trouvons devant le château Comtal pour la sélection. il valait mieux être soldat que seigneur ou paysan car le cachet journalier était plus élevé. Le 7 avril, je me retrouve dans le chemin de ronde déguisé en paysan à côté de Jean Marais qui se glissait au pied de la muraille pour une courte scène. Le lendemain j'étais costumé en seigneur placé dans la tribune du tournoi, le 9 était repos dominical et le 10, j'assistais à l'arrivée du Roi à Péronne, Louis XI joué par Jean-Louis Barrault (montée vers la porte d'Aude) Les autres jours mon copain Bernard et moi avions réussi à être sélectionné pour un rôle de soldat et nous avons assisté au tournoi appelé " jugement de Dieu" qui dura plusieurs jours pendant lesquels, nous étions quasiment au garde à vous durant toute la journée alignés le long du terrain. L'équipement était lourd mais c'était une belle expérience qui permit de voir de près, et évoluer de grands acteurs dans des scènes épiques où les nombreux trucages avaient beaucoup d'importance.

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Le mardi 11 avril avait lieu à l'Odéon une soirée de gala au profit des vieillards avec la présence de Jean Marais, du préfet, du maire, enfin de toutes les autorités civiles militaires et religieuses, comme on disait à l'époque. Le film présenté en grand spectacle était la Princesse de Clèves qui venait de sortir à Paris et donc les deux acteurs principaux étaient Jean Marais et Marina Vlady. La grande salle de l'Odéon était comble. J'y assistais sans acquitter mon ticket d'entrée ! Savais-je déjà à 17 ans que les plus fortunés ne paieraient pas leur place et que l'argent récolté ne changerait guère le quotidien de nos miséreux vieillards ? Belle soirée où tout le gratin carcassonnais s'était donné rendez-vous, mais où personne ne partagea son manteau en deux pour le donner aux pauvres.
Vanités des vanités ... tout est vanité ! (Gérard Authier)

Antoine Espanol

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Le jeune Antoine Espanol, plus connu aujourd'hui sous le pseudonyme d'Anton de Ciutad. Le "gafet" se tenait à côté de Jean Marais, pour immortaliser l'instant par une photographie.

Maryse Coquille

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Maryse Coquille et sa sœur Dominique avec Jean Marais.

Jacques Blanco

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Au centre, Jacques Blanco. 

Parmi les 300 autres figurants, nous pourrons citer MM.Fredien, Guy Tissière, Villalba, Canis, Azizi, Sabatié. Combien en oublions-nous ? Si vous aussi vous avez été figurant dans ce film, transmettez vos anecdotes afin d'améliorer cet article. Les photos sont également les bienvenues.

Sources

Journaux Locaux

Isabelle Debien, Gérard Authier

L'envers du décor / Georges Savi

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Le chef du maquis de Villebazy a t-il été assassiné au sein du 81e régiment d'infanterie ?

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Cette question reste à ce jour sans réponses. Pourtant, la petite fille du Lieutenant Jacques alias Antonin Arnaud se la pose depuis plusieurs années. Comment ce chef droit et adulé de ses hommes a t-il pu disparaître dans des conditions aussi troubles ? Tué, au cours d'une méprise.

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© Elodie Bérard

Le lieutenant Jacques, chef du maquis de Villebazy

Antonin Arnaud naît le 1er janvier 1924 à Lunel dans l'Hérault. Marié le 28 mars 1942 à Perpignan, il tente, comme beaucoup de jeunes, d'échapper au Service du Travail Obligatoire. Depuis février 1943, le futur réfractaire est appelé à partir travailler en Allemagne. C'est alors qu'il décide avec son épouse de s’enfuir et de rejoindre un maquis en Haute-Savoie. Il participe aux combats des Glières opposant à partir de février 1944, la Résistance à la Milice française. Arrêté par les troupes de Joseph Darnand. Il est gardé par elles dans un hôtel de Thônes avec son épouse et son fils mais réussit l’exploit de s’échapper en sautant du 2e ou 3e étage.

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Antonin Armand et son épouse en 1942

A l’issu de cette évasion, il se réfugie dans l’Aude et fonde le 1er mars 1944 le maquis de Villebazy, appelé plus tard « Corps Franc Lorraine ». Lorraine, car son ancien maquis en Haute-Savoie portait ce nom. Antonin Arnaud prend le pseudonyme de Jacques, au sein de ce groupe de résistance constitué de 15 hommes en avril 1944. Il est ravitaillé par Honoré Désarnaud, futur maire de Villebazy. Ce dernier, chef cantonal de la Résistance pour le canton de Saint-Hilaire, faisait le lien entre Jean Bringer et Jacques. Au cours de l'été 1944, la Milice et les troupes Allemandes mènent des actions afin d'anéantir les maquis. Villabasy n'échappe pas à ces attaques, grâce à des dénonciateurs payés par la Gestapo. Le 18 juillet 1944, c'est Georges R qui indique son emplacement. Entre le 20 et le 23 juillet, les maquisards se replient sur Lairière, mais des accrochages ont lieu avec les Allemands qui n’ont pas cessé de les pourchasser. La veille de l'arrestation de Jean Bringer - chef FFI de l'Aude -Villebazy se replie sur Missègre à l’Est de Limoux. Au même moment, une grande réunion des chefs de la Résistance se déroule à la Digne d’Aval pour la constitution d’un nouveau maquis (Myriel, Vals adjoint d’Astier, Roubaud (chef départemental des M.U.R). C'est le lendemain, 29 juillet 1944, que Jean Bringer sera arrêté par la Gestapo.

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Jean Bringer

Depuis 72 ans, on nous ressert la même explication : Fernand Fau, agent de la Gestapo infiltré dans la Résistance, se présente chez Maurel à Carcassonne. Ce dernier est agent de liaison de Jean Bringer. Fau a paraît-il une lettre signée de Jacques - chef du maquis de Villebazy -dans laquelle il demande des ordres de repli à Bringer (Myriel). Son maquis aurait été attaqué par les Allemands. Maurel se rend alors à la clinique du Bastion (Dr Delteil) où se trouve Bringer avec René Chiavacci (agent de liaison). La clinique Delteil servait de lieu de réunion à la Résistance. Bringer rédige alors les ordres et part accompagné de Chiavacci et de Maurel remettre la réponse à Fau pour Jacques. Peu de temps après Chiavacci puis Bringer sont arrêtés par Fau et la Gestapo. Cette version supposerait que Antonin Arnaud (Jacques) soit dans la combine, ou ait fait preuve de légèreté vis à vis de Fau.

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© ADA 11

René Bach

Regardons de plus près... Qui raconta cette version ? René Bach, agent de la Gestapo, à son procès en juillet 1945. Fernand Fau lui aurait raconté l'arrestation de Bringer, dans l'après-midi au siège du SD. Il fit cette déposition devant la Cour de Justice. Le problème, c'est que Fau sera éliminé par le Résistant Robert le 19 août 1944 sans que l'on puisse l'interroger. Mme Bringer s'étonnera que l'on n'ait pas cherché à le prendre vivant... Bach n'a jamais été un témoin oculaire de l'arrestation de Bringer, on s'en tient donc à ce que lui aurait rapporté le Gestapiste Fau. Maurel aurait pu en témoigner ; curieusement, il ne se présentera pas au procès de Bach. On ne l'interrogera pas ; il n'y pas même une déposition de sa part dans l'instruction. Il était en vie et vivait dans les Haute-Pyrénées, car nous avons retrouvé sa trace. Quant à Chiavacci, Bach l'accusera d'avoir désigné Bringer à ces services, comme étant le chef de la Résistance. Les nombreuses contradictions de Chiavacci permettent de le penser. Or, ce dernier était connu pour être un homme de main de la Résistance, agent de liaison sans envergure. Nous savons que Bringer avait imposé une cloisonnement très strict des différents services de la Résistance audoise. Certes, Chiavacci connaissait Bringer, mais les agents de liaisons n'étaient pas mis dans la confidence ni des projets, ni des chefs de réseaux.

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La clinique du Bastion

Chiavacci a été arrêté quelques heures avant Bringer devant l'école du Bastion, avec de sa compagne - infirmière à la clinique Delteil. Amenés à la Gestapo route de Toulouse, elle sera relâchée et ira prévenir Delteil. Ce dernier restera, au lieu de s'enfuir. Il sera arrêté quelques temps après. Entre temps, pourquoi Delteil n'a t-il pas cherché à prévenir Bringer ? Là encore, enfumage à Carcassonne ! Non, Jean Bringer n'a pas été arrêté sur le boulevard Barbès, comme certains l'écrivent, mais vers 14h30 sur le Pont d'Artigues. Après la réunion de midi à la clinique où il vit à ses dépens l'agent Fernand Fau, il remonta déjeuner chez ses logeurs dans la rue Alfred de Musset. Où se rendait-il à 14H30 sur le pont d'Artigues ? A une réunion où devait se trouver Francis Vals (Chef du Comité de Libération et futur député socialiste). La Gestapo trouva sur lui des Bons du trésor de la banque d'Alger. Evidemment, pour savoir cela il faut aller fouiller dans les archives du Service Historique de la Défense. En 1953, Daraud (chef de la police politique à la Libération) déclarera que plusieurs fois il mit en garde Bringer de ne plus aller à la clinique Delteil. Qu'il ne voulut pas l'écouter. Que lui-même ne s'y rendait plus depuis longtemps, cela lui faisait peur."

Cette thèse complotiste peut être renforcée par le fait que Chiavacci et Delteil ne partiront pas à Baudrigues le 19 août 1944. Au lieu d'être exécutés avec Bringer et Ramond, il seront relâchés par les Allemands lors de leur départ. Delteil ira même témoigner en faveur du sous-chef de la Gestapo de Carcassonne à son procès en 1953 à Bordeaux. Quant à Maurel - employé SNCF, né à Verzeille-, la Gestapo ira perquisitionner chez lui mais ne réussira pas à l'arrêter. Un coup de chance ? 

Revenons un peu à l'ordre de repli qu'aurait demandé par lettre Jacques à Jean Bringer...Ceci est une pure invention, car la veille (28 juillet 1944) le maquis de Villebazy s’était déjà replié sur Missègre. Il n’avait pas besoin des ordres de Myriel puisqu’il s’était déjà replié. De plus, lors de la grande réunion qui s’est tenue ce jour-là à La digne d’aval, Myriel a pu être tenu au courant de ce repli. Sachons que le maquis de Villebazy était placé sous les ordres de Négrail, chef du secteur de Limoux. La digne d’Aval et Missègre en faisaient partie.

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La maison qui logeait Bringer avant son arrestation


Il nous semble que jamais Jacques n’a demandé un ordre de repli à Myriel. La lettre amenée par Fau aurait pu être faussement signée de Jacques et le mot de passe donné par un complice. Bringer serait ainsi tombé dans un piège. Quels complices ? Chiavacci et Maurel ne sont sans doute que la face immergée de l'iceberg. Curieusement, Chiavacci bien qu’emprisonné par la Gestapo et à la Libération, par la Police politique, finira ses jours tranquillement. Pourquoi aurait-on dénoncé Bringer ? Les mobiles ne manquent pas : Politique, financement de la Résistance, vols des parachutages.

L'engagement de Jacques dans le 81e régiment d'infanterie

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© Centre de la mémoire combattante

Le général Zeller à Carcassonne en décembre 1944

La fille d’Antonin Arnaud vient de naître. Nous sommes quelques mois après la Libération de l’Aude et l’ancien chef du maquis de Villebazy décide de continuer le combat contre les Allemands. Il s’engage avec le 81e RI formé à Carcassonne le 15 décembre 1944 par le général Zeller. Le lieutenant « Jacques » conserve son grade d’ancien FFI dans le 1er bataillon commandé par le capitaine Frank, alias Lucien Maury. Ce dernier avait été le chef du maquis de Picaussel dans l’Aude. Dans ce même bataillon, se trouvent le capitaine Martinet et le lieutenant Fontrouge.

Le 16 février 1945 à quatre heures du matin à Niffer (Alsace), Jacques décède à la suite de ses blessures. Une rafale de mitraillette l'atteint à la tête et au thorax. L' acte de décès est dressé par Jacquemond Marius, sous-lieutenant au 81e régiment d’infanterie, sur la déclaration de Camarata Jean, médecin adjoint au 81e RI et de Arrecot Paul, infirmer au 1er bataillon du 81e RI. Les circonstances de la mort de Jacques ne sont pas très claires... 

"La veille de sa mort, Antonin Arnaud, réussit l’exploit en plein jour sur le nez des blockhaus ennemis, de s’emparer d’un canot pneumatique camouflé sous la berge et utilisé par les patrouilles allemandes pour passer le Rhin. Il a supplié son chef de bataillon (Lucien Maury, NDLR) de lui laisser traverser le Rhin pour opérer une reconnaissance en territoire allemand. Mais si, en raison du dispositif peu dense cette opération est facile pour les patrouilles nocturnes de l’ennemi, la réciproque n’est pas vraie. Le chef de bataillon s’est donc refusé à sacrifier des hommes de l’autre côté du Rhin où l’ennemi est puissamment organisé." (Annuaire des anciens du 81e RI - Lucien Maury)

De son côté, le capitaine Piquemal (Bataillon du Minervois) rapporte que : "Ricaud fait un rapport à Régis Bès sur les circonstances de la mort de Jacques : le lieutenant a dit à ses hommes qu’à partir de ce soir, il n’y aurait plus de sommations. Ordre de tirer à vue. Peu de temps après, Jacques était atteint - suite à une méprise, par une rafale de mitraillette tirée à bout portant par l’un de ses hommes."

Nous reproduisons ci-dessous la lettre que Lucien Maury, commandant le 1er bataillon du 81e régiment d'infanterie, envoya à son épouse :

« Tué à l’ennemi le 15 février 1945 au cours d’une embuscade sur les bords du Rhin, non loin du petit village de Niffer en Alsace. Tous les officiers du bataillon, tous ses hommes, l’aimaient pour sa bravoure et son bon cœur. Il est tombé en soldat, frappé d’une rafale de mitraillette. Il n’a pas souffert. Ses hommes qui l’adoraient ont tenu à monter une garde d’honneur auprès de lui jusqu’au dernier moment. Nous lui avons fait des funérailles dignes de lui. Il repose en terre alsacienne avec un de ses camarades de combat, officier au même bataillon sous-lieutenant Assens, tué comme lui au bord du Rhin. Vous pourrez plus tard venir voir sa tombe au village de Sierenz et faire les démarches nécessaires à son transfert.
Je regrette la perte de l’officier intrépide et du camarade sympathique et loyal qu’il était."

Le lieutenant Antonin Arnaud obtient la citation suivante à titre posthume le 24 mars 1945 du Lieutenant-colonel Gauvin (81e RI), accompagnée de la Croix de guerre avec étoile de bronze.
"Chef de Corps Franc. Officier intrépide, brave jusqu’à la témérité, volontaire pour toutes les missions dangereuses. Est tombé mortellement frappé au cours d’une embuscade sur les bords du Rhin, à l’Est de Niffer, le 15 février 1945." 
Le 18 décembre 1946, Mme Arnaud reçoit l’avis de décès avec la mention « Mort pour la France », ainsi que deux attestations de décès pour que ces enfants puissent être adoptés par la Nation.

Tué ou assassiné

D'après des militaires que nous avons interrogés, le tir par méprise serait pratiquement impossible. Si nous retenions l'hypothèse d'un acte volontaire de la part de l'un des hommes, il faudrait étudier les raisons d'un éventuel règlement de compte. Soit, on a fait payer à Jacques l'arrestation de Bringer. Ceci nous paraît improbable compte tenu de ce que nous avons exposé plus haut. Soit, une vengeance s'est opérée au sein du bataillon. Qui pouvait lui en vouloir ? Au mois de juin 1944, Jacques fit fusiller Marcel Basque au sein de son maquis, accusé d'être un milicien et d'avoir volé le châtelain de Ladern. Y avait-il l'un de ses frères dans le 81e régiment d'infanterie ? Est-ce l'œuvre d'un résistant ayant, comme beaucoup, rejoint le maquis en juillet 1944, où d'un milicien engagé dans le bataillon pour se blanchir de ses fautes ? Notons la présence de B dans le 2e bataillon du 81e RI qui transporta le corps du capitaine Charpentier, assassiné dans la clinique Delteil le 6 septembre 44. Il y a aussi M qui sera condamné en 1952 par le tribunal militaire de Bordeaux pour assassinats et vols. 

Sources

Archives du Service Historique de la Défense

Archives de l'Aude

Annuaire des anciens du 81e RI

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Le tournage de Robin des bois avec Kevin Costner à la Cité de Carcassonne en 1990

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Les Anglais possèdent de nombreux et beaux châteaux médiévaux, mais aucun ne s'impose comme celui de Carcassonne. C'est sans doute ce qui a poussé le réalisateur américain Kevin Reynolds à choisir notre Cité avec ses deux kilomètres de remparts, pour le tournage de Robin hood, prince of thieves. Ainsi, figure t-elle à l'écran dès la vingtième minute, comme étant le château de Notthigham, propriété du terrible shérif du même nom. Les Carcassonnais ne sont évidemment pas dupes de cette supercherie. Qu'en est-il du reste du monde ?

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Le château de Nottingham ? Mais, non...

Ce film dispose d'un budget de 40 millions de dollars, dont 8,5 millions pour le seul Kevin Costner. Lorsque l'équipe de tournage composée d'une centaine de personnes débarque à Carcassonne, plusieurs scènes ont déjà été filmées depuis trois mois en Angleterre. Aux studios Shepperton, Nothumberland et au parc national de Yorkshire Dale. En ce début de mois de décembre 1990, il fait un froid de canard à Carcassonne. Le vent engouffré dans les ruelles de la vieille ville, glace le sang du plus résistant des britanniques.

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© Richard Picheric

Kevin Costner est bien là près de la porte Narbonnaise, tout auréolé du succès de son dernier long métrage : Danse avec les loups. 

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Autour du Pont-levis, on a installé un vieux marché : miches de pains, légumes, volailles. Beaucoup de paille et et de terre pour cacher le bitume. Au quatre coins du plateau, des hommes munis de talkie-walkies, veillent au déroulement des opérations. Plusieurs répétitions sont nécessaires...

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© Richard Picheric

Enfin, après plusieurs heures de retard, en début d'après-midi, la première scène peut être tournée. "Rolling camera", lance un assistant ! Action, lui répond un autre.

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La scène ne durera que quelques minutes à l'écran. Sous les oripeaux d'un mendiant, Robin de bois pénètre  dans le château de Nottingham pour sauver Marianne. Les paysans les bousculent, les gardes armés le prennent à partie et lui refusent l'entrée. Il finit tout de même à franchir le barrage.

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Les figurants Carcassonnais sont crasseux, mais prennent le temps de se restaurer entre deux prises.

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Kevin Costner ? Non ! Sa doublure pour la cascade, lorsqu'il se lancera dans le vide depuis la tour du Tréseau. 

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© Richard Picheric

"Petit Jean" alias Nick Brimble

Au cours des trois jours de tournage, Kevin Costner logea à l'hôtel de la Vicomté. Aujourd'hui, Hôtel Mercure dans la rue Camille Saint-Saëns. L'établissement était tenu à cette époque par Eddie Aguilar. 

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© Droits réservés

Alain Andrieu, Kevin Costner et Eddie Aguilar

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© Droits réservés

Eddie Aguilar et l'acteur Morgan Freeman

Guidé par Richard Picheric, Kevin Costner entreprit de faire la tournée des grands ducs. On le vit dans les tribunes de Domec, où il assista à un match de l'ASC XIII. Il continua son périple au restaurant Dame Carcas, place de la basilique Saint-Nazaire. Enfin, il dansa le flamenco au Rabbit Show.

Le story Board

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La scène du marché, porte Narbornaise

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Dans le film...

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Dans la barbacane du château comtal

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Dans le film...

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Cette scène ne figure pas à l'écran... A t-elle été coupée ?

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"Robin des bois, prince des voleurs" aura été vu par près de 5 millions de spectateurs en France. Certainement, beaucoup plus aux Etats-Unis et dans le monde. Une belle promotion pour la Cité de Carcassonne qui ne deviendra patrimoine mondial UNESCO que sept ans plus tard.

Sources

Notes et synthèse / Martial Andrieu

Remerciements à Richard Picheric et Eddy Aguilar

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La naissance du premier réseau de transports urbains de Carcassonne

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Au mois de décembre 1979, la municipalité de Carcassonne envisage la création d'un réseau de transports urbains afin de faciliter les déplacements des habitants de la commune. Un groupe de travail se réunit le 14 décembre pour une première approche. Quel nombre de lignes et de bus ? Quel mode de gestion ? Au mois de janvier 1980, les organismes et associations de commerçants, de personnes âgées sont consultés pour affiner les besoins des Carcassonnais et les moyens à mettre en œuvre. C'est au mois de septembre 1980 que la ville de Carcassonne inaugure son premier réseau d'autobus. L'objectif est d'atteindre les 800 000 voyageurs la première année et le million la seconde. En effet, en 1981 se sont 1 097 000 usagers qui prendront ce moyen de transport.

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Les bus PU 70 livrés par Renault Véhicules Industries

Du personnel compétent est alors recruté aussi bien pour assurer la conduite des bus, que pour vendre les tickets à la halte centrale. Cette dernière se trouve au square Gambetta, devant le musée. Un système de feu prioritaire automatique permet aux autobus de sortir du boulevard.

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La halte centrale

Petit à petit, le réseau se met en place avec en octobre 1980, la création d'une ligne spéciale les dimanches et jours fériés, effectuant le tour de ville et desservant notamment l'hôpital. Avant la fin de l'année, les lignes 1 à 6 sont modifiées pour une meilleure desserte des établissements scolaires. Une carte spéciale pour les anciens combattants de 14-18 et veuves de guerre est créée. Pendant ce temps, les services municipaux terminent les aires d'arrêts aux abri-bus. 

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En janvier 1981, on inaugure les nouveaux bus PU 70 ; les premiers en service en France. Les billets collectifs sont mis à disposition des scolaires, jeunes, groupes, associations et personnes du 3e âge. Au mois de mars, les lignes s'agrandissent avec de nouveaux arrêts : Leclerc, Ecole normale, RN 113, Viguier et Maquens. Le service du C.A.R.T régit lui-même la publicité sur ses véhicules, réservés en priorité aux commerçants de la ville. Au mois de mai, le futur garage des autobus sera construit derrière la caserne des pompiers ; les premières fondations débuteront au mois de juillet. C'est d'ailleurs en ce début d'année que sont mises en place des lignes pour se rendre au Festival de la Cité. Des négociations avec des transporteurs privés sont engagées pour satisfaire les hameaux de Villalbe et de Grèzes-Herminus, jusque-là délaissés.

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A la rentrée de septembre 1981, les scolaires et les jeunes de moins de 18 ans bénéficieront d'une semaine gratuite du 24 au 30 septembre. La première tranche du système "Onde verte" permet grâce à un système électronique par ondes de déclencher le passe au vert pour les autobus. 

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Avec les correspondances gratuites et la carte d'abonnement à 80 francs (12 €), on peut circuler malin dans Carcassonne en 1981.

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Le réseau en 1982

En 1985, 1 423 000 passagers auront emprunté les bus de la ville. Toutefois, l'embellie marque un peu le pas. Cinq autobus tournent à plein régime mais deux sont sous-exploités. La municipalité envisage de desservir les quartiers de Grazailles et de La Prade. 

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La carte des transports en 1985

Depuis, l'ancien C.A.R.T est passé dans le giron de la Communauté d'Agglomération du Carcassonnais. Carcassonne Agglo a ensuite confié en 2015 l’exploitation des transports urbains et interurbains à la Régie des Transports Carcassonne Agglo (RTCA), Etablissement Public Industriel et Commercial. Les grands perdants sont les Carcassonnais excentrés dans les hameaux tels que Villalbe. Pensez-donc ! Pour faire seulement 4 kilomètres, le bus met 1/4 d'heure pour rejoindre le centre-ville. Les personnes âgées qui bénéficiaient de la gratuité ont perdu cet avantage, excepté pour les personnes imposables. A Villalbe ont paie les mêmes impôts à l'agglomération que les Carcassonnais, mais sans en retirer les avantages, dit-on. 

Sources

Bulletins municipaux

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Le Festival international du cinéma amateur de Carcassonne

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C'est en 1955 que les pionniers Carcassonnais du 7e art créèrent de toutes pièces le Festival international du cinéma, groupant films amateurs, films d'exploration et d'ethnographie, de voyages et de tourisme. Des cinéastes venus du monde entier (Japon, Amérique, Canada, Espagne, etc.) participèrent à cet événement. De nombreuses personnalités européennes du film 8, 9 et 16 mm présentaient leurs œuvres sur l'écran de l'actuel théâtre municipal. Lors de la clôture de ces journées, un repas était servi dans la salle du très chic Hôtel de la Cité où les festivaliers en robe noire et smoking se donnaient rendez-vous.

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Georges Savy et Paul Charles, au centre

L'idée de ce Festival revient aux dirigeants du Ciné-Club dont le professeur Paul Charles, à monsieur André Faye le président du Photo-Caméra-Club, ainsi qu'à d'autres Carcassonnais épris de 7e art. Un comité fut forma sous le haut-patronage de Monsieur le ministre de l'Education Nationale, de la Fédération française des clubs de cinéma, sous la présidence de Monsieur le secrétaire d'état à la présidence du Conseil, du préfet de l'Aude, du maire Jules Fil et du président du Conseil général. A ces notabilités, il convient d'ajouter de nombreuses personnalités locales et régionales des Arts et des Lettres. La cheville ouvrière  de ce qui, au départ représentait une véritable gageure, était composée de MM. André Bastien, Paul Charles, André Faye, Ernest Barthe, André Limousis, Jean Alary, André Bousquet, André Prat, Georges Rousset, Clément Cartier, Robert Mousseigne, René Chésa, Georges Savy, l'abbé Pierre Alcouffe, Charles Castres, etc.

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Menu de l"édition 1957 à Hôtel de la Cité

Le jury émanant des arts et des lettres était représenté par Gaston Bonheur, Michel Maurette, Max Savy, Ramon Marty, Joseph Monestier (Conseiller à la Cour d'appel de Toulouse), Font Marcet (Barcelone), Leonida Giafforio (Milan), Jean Camberoque et Raymond Bordes (Critique cinématographique).

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Ramon Marti et Paul Charles, à droite

Jean Grémillon, le réalisateur de "Remorques" et de "Gueule d'amour" donnera une conférence sur Robert O'Flaherty, le maître du documentaire. C'est tout cet environnement qui fit de Carcassonne pendant de nombreuses années, un véritable bouillon de culture. En regardant dans le rétroviseur, ne doit-on pas dire aujourd'hui que Carcassonne vit une régression en ce domaine ? 

Merci à M. Julian Charles pour ses photos

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Cécile Rives (1880-1956), aquarelliste et professeur de dessin Carcassonnaise

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Le 13 septembre 1880 naît à Carcassonne sur l'avenue du Pont neuf, Cécile Marthe Rives. Elle n'a que six ans lorsque ses parents s'installent dans une belle maison bourgeoise du quartier du Palais, au numéro 43 de la rue d'Alsace. C'est là que son père Antony Rives, qui deviendra par la suite son professeur, organise son atelier de peinture au milieu d'un véritable cabinet de curiosités. On y trouve des moulages de plâtre, des statues et un grand nombre de dessins.

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Cécile Rives à l'âge de 25 ans

Contrairement à son père et à sa sœur Marie-Antoinette, Cécile Rives devient aquarelliste. A ce titre, elle fréquente les Salons artistiques de la capitale et entre grâce à son père dans la "Société des Artistes Français". Avant la Grande guerre, elle effectuera de nombreux voyages en train à Paris. Le conflit mondial lui prendra son frère Eugène, tué dès les premiers mois dans l'enfer des tranchées. Toute la famille est affligée par cette disparition ; Cécile s'installe en 1915 à Saissac et croque le château médiéval qui deviendra l'une de ses principales sources d'inspiration.

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Cécile Rives dans son atelier en 1897. Dans celui-ci, observons le moulage du bas-relief du tombeau de l'évêque Guillaume Radulphe. Il devrait se trouver encore dans la maison du 43 rue d'Alsace, appartenant désormais à Maître Bénédetti.

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Le château de Saissac

En 1920, Cécile Rives partage son emploi du temps entre les cours privés qu'elle dispense à son domicile, ceux à l'école Jeanne d'Arc et la préparation des expositions à Paris. Outre les représentations des châteaux de Saissac et Lastours, le lac de Saint-Ferréol, le peintre réalise des natures mortes. 

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A l'occasion des fêtes jubilaires, Cécile Rives se rend à Rome en 1933. Une véritable aubaine pour l'artiste qui ramènera dans ses cartons, les souvenirs des sites antiques. Plus près de chez nous, la Cité médiévale tient un place toute particulière dans son cœur. 

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La tour carrée de l'évêque en 1931

A l'âge de 72 ans, l'artiste poursuit son travail sur le chevalet et prodigue encore ses conseils à ses élèves au sein de l'école Jeanne d'Arc. Elle donne aussi des cours privés. Récemment, Jacques Miquel, qui fut le directeur du théâtre municipal et de l'école de musique, nous indiqua qu'il fut des élèves de Cécile Rives. Il se souvient de cette personne fort aimable et d'une grande qualité artistique.

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Dans son atelier à l'âge de 72 ans

Cécile Rives mourra le 3 janvier 1956 et repose au cimetière Saint-Vincent. De ses œuvres, il reste bien entendu ses nombreuses toiles dispersées dans des collections privées. Carcassonne se désintéresse de ces artistes, considérés sûrement à tort comme mineurs. Pourquoi ? Un peu de snobisme, sans soute, et surtout un manque de curiosité évident. Pourtant, Cécile Rives est répertoriée dans le dictionnaire des peintres, le "Bénézit". En 2009, grâce à Marthe Plessis-Garric et à Georges Gibert, un ouvrage réalisé à compte d'auteur rend hommage à la famille Rives et à ses œuvres. C'est avec cet ouvrage que nous relayons cet hommage, en espérant vous faire connaître cette artiste oubliée.

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Cet ouvrage est disponible à la librairie Breithaupt, rue Courtejaire.

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L'atelier et la boutique d'horlogerie Labarre-Zwicker à Carcassonne

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Quel beau métier, que celui de l'horlogerie ! Montres bracelet ou en pendentifs, horloges, carillons, etc. Il s'agit là d'un véritable art pour lequel plusieurs années d'études à Besançon - capitale française de l'horlogerie - sont nécessaires. Pendant près d'un siècle, l'atelier d'horlogerie fondé par Éloi Labarre mit les pendules à l'heure de très nombreux Carcassonnais.

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Avant la Grande guerre, Éloi Labarre possédait deux boutiques à Carcassonne. La première avec son petit atelier se trouvait en haut des marches des halles à la volaille, rue Chartrand. Sur la photographie ci-dessus, à l'intérieur on aperçoit la charcuterie de Jean Perdigou puis le cafés Fieu.

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Au même endroit en 2018

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Le second magasin se trouvait dans la rue de la mairie ; débaptisée en septembre 1944, elle prit le nom d'Aimé Ramond.

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La boutique en 2018, au numéro 20 de la rue A. Ramond

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Le beau-fils du fondateur M. Jean-Jacques Zwicker, reprit l'atelier et le magasin.

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Le magasin dans les années 1970

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Lorsque Jean-Jacques Zwicker fit valoir ses droits à la retraite, il passa le flambeau à son fils Alain.

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Celui-ci poursuivit l'œuvre de trois générations de Labarre dans l'horlogerie. Au début des années 2000, il laissa le magasin de la rue A. Ramond et alla s'installer dans la rue de Verdun. On se demande comment ce colosse pouvait réparer des pièces aussi petites, avec un telle dextérité. M. Zwicker n'aimait pas son métier ; il lui vouait une vraie passion. Hélas ! Il n'aura pas profité bien longtemps de sa retraite... Le maître des horloges fut rappelé bien trop tôt par le sonneur de Saint-Pierre. Que cet article lui soit dédié, car aujourd'hui depuis ce temps, tous les coucous de Carcassonne sont enroués.

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Antoine Armagnac (1912-1944), héros de la Libération de l'Aude

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Non ! La rue Armagnac à Carcassonne n'est pas dédiée à une célèbre eau-de-vie. C'est l'artère qui fut donnée à un martyr de la Résistance audoise, devenu héros tragique de la Libération. Son nom lui fut donné dans les premiers jours du mois de septembre 1944, sur proposition du Comité Local de Libération, en remplacement de l'ancienne rue du Port. C'est précisément pour ne pas oublier qui fut Antoine Armagnac et pour en aviser les nouveaux habitants de Carcassonne, que nous écrivons cette chronique. Souvenons-nous que l'an passé, une journaliste de la rédaction de La dépêche avait relaté un fait divers, dans la rue de Nice (sic). Cette pigiste ne s'était sans doute pas rendue sur les lieux, près de la place Carnot, où elle aurait constaté qu'il s'agissait de la rue Denisse, marchand parfumeur au XVIIIe siècle. A ne pas confondre avec son homonyme de cinéma : Brice de Nice. 

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Antoine Louis Marius Armagnac, fils de Louis Gustave et de Louis Constance Monié, naît le 6 avril 1912 à Quillan. Durant la Seconde guerre mondiale, ces parents habitent à Conques-sur-Orbiel où le père exerce la profession de boulanger. Après son service militaire dans la marine, le matelot Armagnac travaille à la mine d'or de Salsigne. Il en a même le titre de chef d'équipe. Le 17 août 1935, Antoine convole en juste noces avec Jeanine Roquefort, âgée seulement de 17 ans. C'est la sœur de Félix Roquefort, qui sera ensuite résistant, député et maire de Conques-sur-Orbiel. Quelques mois avant l'invasion de la zone sud par les troupes Allemandes, Antoine Armagnac se fait repérer par les partisans de Vichy. Albert Picolo, premier résistant du département de l'Aude avec Lucien Roubaud, anime et dirige à Carcassonne le journal du mouvement "Combat". C'est à ce moment qu'Armagnac les rejoint avec Michel Bruguier, Marcel Valette et Joseph Dufour.

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 Sa participation à la commémoration de la bataille de Valmy le 20 septembre 1942, à la statue de Barbès à Carcassonne, lui vaudra la répression de l'administration de Vichy. Non seulement pour y avoir défilé, mais pour également des activités de propagande contre le régime de l'Etat-Français. Albert Picolo et quelques autres sont arrêtés. Sur ordre du préfet Marc Freund-Valade, ils sont incarcérés à la Maison d'arrêt entre le 30 septembre et le 5 octobre 1942. Parmi eux, citons Michel Bruguier (étudiant), Marcel Valette (Cheminot), Joseph Dufour (Cuisinier), Michel Gambau (Plombier), Biart Jean Marie (Représentant), etc. Ils écopent d'une peine de trois à quatre mois d'emprisonnement et de 3000 francs d'amende pour menées antinationales. Dans les faits, leur libération n'interviendra que le 25 juin 1943 par décision d'un maintien d'écrou administratif. Antoine Armagnac sera jugé le 13 mai 1943 par le Tribunal civil de Carcassonne et condamné à deux mois de prison et 1000 francs d'amende. Libéré le 11 août 1943, il reprend ses activités. Traqué par la Milice, il prend le maquis avant que celle-ci ne se présente à son domicile pour l'appréhender. Au mois d'avril 1944, Jean Bringer (Myriel) le charge de constituer un noyau de résistance du côté de Pradelles-Cabardès. Ainsi naît le "Maquis Armagnac", au sein duquel son chef prend le grade de lieutenant FFI. 

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© aude.gouv.fr

Le maquis obligé de replier sur Trassanel est attaqué par des Allemands supérieurs en nombre et en matériel. Bien entendu, sur dénonciation... Le 8 août, le chef Armagnac tombe les armes à la main en essayant de protéger la fuite de ses camardes. La quasi totalité du maquis est décimée ; les Allemands achèveront les blessés aux couteau et à la baïonnette. Ils ne sont pas à un crime de guerre près... Le lendemain, Antoine Armagnac succombe à ses blessures. Il sera inhumé dans son village de Conques-sur-Orbiel.

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Le 17 août 1945, Antoine Armagnac est cité à l'Ordre de la division à titre posthume par le général de brigade Zeller, Commadant de la 16e région militaire. On lui attribue la Croix de guerre avec étoile d'argent.

"Un des premiers résistants de l'Aude, d'un courage exemplaire. A constitué les premières équipes de sabotage, puis celles du Cabardès, dont il a pris le commandement en mai 1944. Est glorieusement tombé à la tête de ses hommes, après une lutte héroïque contre un ennemi supérieur en nombre et en armement à Trassanel (Aude) le 8 août 1944."

Lieutenant FFI Arnal - c'est son pseudonyme - est élevé au grade de capitaine le 1er octobre 1955 dans l'armée d'active. L'année suivante, le 8 juin 1956, sa veuve obtient de statut d'Interné-Résistant pour son mari. Enfin, Antoine Armagnac est fait Chevalier de la légion d'honneur à titre posthume le 30 décembre 1959. Son épouse, Jeanine Armagnac, mourra le 9 décembre 2014 à l'âge de 96 ans. 

Sources 

Notes, recherches et synthèse / Martial Andrieu

Service historique de la défense 

Midi-Libre / Septembre 1944

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